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D’autres batailles

mardi 18 novembre 2014

Ce 18 novembre 2014, 211 ans après la victoire sur le système esclavagiste, raciste et inhumain imposé à la pointe du fusil par les Français, les Haïtiens remontent au front. Pas pour honorer la mémoire de leurs pères. Pas pour faire un ban, une acclamation méritée à Jean Pierre Le Glaunec, auteur de « L’armée indigène… La défaite de Napoléon en Haïti », un ouvrage anti-black-out sur Vertières. Non. Non. Bien sûr que non.

Comme sous Aristide, entre 2002 et 2004, c’est sur le béton, en s’affrontant, que la difficulté à exorciser les démons de notre passé lourd nous retrouvera. Parce qu’on a peut-être pas suffisamment fait l’histoire de l’histoire. Parce que peut-être on n’a pas assez cherché où il fallait quand le train Haïti, ce projet d’émancipation socioéconomique des anciens esclaves, a déraillé.

Sans être un agrégé d’histoire, sans le support d’une historiographie appropriée, sans l’aide des historiens, certains sont convaincus que ce projet a tourné court avec l’assassinat de deux hommes dont le courage et l’héroïsme sont légendaires : Capois La Mort et Jean-Jacques Dessalines. Capois La Mort, tombé dans un traquenard ourdi par ses pairs Christophe, Romain, entre autres, a été abattu quelque part à Limonade. Et Dessalines, au Pont Rouge, le 17 octobre 1806. Il n’y a aucun monument élevé à la mémoire de Capois La Mort qui soit digne de sa vie. Pour Dessalines, tous connaissent l’indignité qu’Haïti fait aux dépouilles du père fondateur.

Le silence imposé autour de ces géants est significatif. Les assassins, laids, avaient peut-être peur de la laideur de leurs actes avant que Christophe et Pétion, du sang plein les mains, parachèvent l’œuvre de fendre le pays en deux. Deux leaderships, deux organisations de l’autorité, de la puissance publique, de l’économie... se sont instaurés, supportés par des aristocraties, des élites en totale deconnexion avec le pays réel, le pays mis en dehors.

Une République qui n’a pas fait grand chose en faveur de l’égalité et de la fraternité et une monarchie dont le caractère visionnaire, progressiste n’occulte en rien l’autoritarisme. 211 ans après, que reste-t-il de ces leaderships, de ces idées, si jamais elles ont été portées, formulées dans un quelconque projet politique ? Que sait-on des projets de Christophe et de Pétion ? Que sait-on du projet dessalinien au point de l’opposer à celui de Pétion ces-jours-ci ? Qui, ici, mobilise sur le sensé du projet politique porté par l’un ou l’autre de nos aïeux ? Pour les génarations futures, le but est de prendre partie. Pour les générations futures, l’objectif, aussi, devrait être se résumer en un mot : comprendre. L’histoire est "héritage à assumer", avec, parfois, des pages sombres.

Cela dit, aujourd’hui, le pays devrait être convié à livrer une autre bataille, héroïque, à la dimension de celle de Vertière. La bataille pacifique des responsabilités à fixer dans le déraillement du projet d’émancipation socio-économique des masses. Une fois fixée, peut-être qu’une nouvelle intelligence collective finira pas être inventée pour amorcer la remontée de l’abîme, à travers un consensus sur nos intérêts de classe finalement bien compris.

AUTEUR

Roberson Alphonse


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