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Trierweiler : une aubaine pour la presse people britannique

dimanche 23 novembre 2014

Le livre de l’ex-première dame remplit à merveille le cahier des charges d’un succès outre-Manche : french bashing, anti-socialisme et secrets d’alcôve.

De notre correspondant à Londres, Marc Roche
Un peu d’anti-socialisme, un peu de "french bashing", un peu de nationalisme anti-européen et un peu de voyeurisme, pour ce qui est de l’intrigue. De vilains arrière-plans avec la lutte commerciale sans merci que se livrent journaux et télévisions en perte de vitesse et la montée du parti europhobe et anti-immigration Ukip. Une maîtresse déchue et un président sur la sellette. Vous agitez le tout, vous le passez au mixer d’une course au scoop impitoyable des frasques des puissants de ce monde, et vous avez le déchaînement médiatique entourant la tournée promotionnelle, ce week-end et jusqu’au mardi 25 novembre, de la version anglaise du livre de Valérie Trierweiler. "Cet ouvrage coche toutes les cases vendeuses : socialiste, française, européenne sur fond de secrets d’alcôve, le tout exacerbé par la crise des médias britanniques", explique Roy Greenslade, professeur de journalisme à la City University.

Cet ancien directeur du tabloïd Daily Mirror souligne notamment que la "dame" a été mise en avant par des journaux en difficulté. En se tournant vers les célébrités, le Times (392 000 exemplaires diffusés en octobre) n’a pas arrêté l’hémorragie des lecteurs vers le Daily Mail (1,6 million), qui dispose du plus gros site internet "people" au monde. Les deux titres dominicaux, le Sunday Telegraph et l’Observer, qui ont acquis les droits, ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes.

Il en est de même des deux programmes de la BBC à qui Valérie Trierweiler a donné des interviews. Le Andrew Marr Show, qui souffre du désintérêt du public pour la politique, est en perte de vitesse. La situation est encore plus grave pour Newsnight, dont la stratégie bas de gamme du nouveau rédacteur en chef, Ian Katz, s’est avérée être un échec, au point que la direction de la chaîne publique examine la suppression de l’émission de fin de soirée.

French bashing "de mauvais goût"

"Sur le plan professionnel comme personnel, il s’agit d’un livre de révélations "kiss and tell" (secrets d’alcôve) au plus haut niveau dévoilées par une ancienne compagne. Or, en Grande-Bretagne, malgré la réputation de férocité de la presse people, il y a peu de révélations similaires", explique William Healing, associé du cabinet d’avocats Kingsley Napley, expert en droit de la famille, qui compte de nombreux clients français. C’est vrai que, malgré le goût de la presse à caniveau pour les dérapages sexuels du personnel politique de Westminster, peu de scandales ont touché la tête de l’État. En 2002, moyennant quelques espèces trébuchantes, l’ex-ministre Edwina Currie avait révélé sa liaison entre 1984 et 1988 avec le futur Premier ministre John Major, au pouvoir entre 1992 et 1997. Il était marié et avait fait campagne contre le relâchement des moeurs. Mais l’opinion, qui détestait Currie, avait soutenu l’ex-chef du gouvernement.

D’ailleurs, dès que les bijoux de la couronne sont menacés, les tabloïds font bloc derrière leurs gouvernants. Ainsi, toute la presse a boycotté la publication en septembre 1997 du livre de Kitty Kelley, The Royals, qui révélait les aventures extraconjugales du duc d’Édimbourg, l’époux de la reine Elizabeth II.

C’est aussi la raison pour laquelle les librairies françaises de Londres ont refusé de s’associer à cette opération flagrante de "french bashing". "Il ne s’agit pas de faire de la politique, c’est une affaire de bon goût", souligne un libraire du quartier français de South Kensington. Le French Bookshop de Bute Street a organisé une séance de signatures pour la sortie du livre Une envie de vérité de Cécilia Sarkozy en décembre 2013. Cette manifestation très classe avait connu un grand succès. Un client avait présenté à l’ex-première dame un gros bouquet de fleurs en remerciement de son action en faveur des infirmières bulgares. Autre temps, autre style...

Lors de son séjour outre-Manche, Valérie Trierweiler doit signer ses livres chez Hatchards, la plus vieille libraire britannique. Fournisseur de la cour, l’institution de Piccadilly, fondée en 1797, est spécialisée dans les ouvrages consacrés à l’histoire militaire britannique, à l’ex-empire et aux grands monarques anglais. Ses rayons perpétuent le nom des victoires anglaises qui furent autant de défaites françaises...


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