MosaikHub Magazine

Israël, comme une tentation d’apartheid

lundi 24 novembre 2014

Un projet de loi adopté par le gouvernement israélien prévoit que seuls les juifs seraient désormais citoyens à part entière de l’État hébreu.

Par Michel Colomès

Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien, a-t-il vraiment l’intention de faire voter une loi accentuant le caractère juif d’Israël, en excluant du coup des droits habituels des citoyens tous ceux qui ne bénéficient pas de cette judaïté ? Ou s’est-il lancé dans une manoeuvre qui, en risquant de faire éclater sa coalition, va provoquer les élections anticipées qu’il recherche ? La presse israélienne était ce lundi partagée sur les véritables intentions du Premier ministre.

Ce qui est sûr, c’est que dimanche, au cours d’un conseil des ministres tellement tumultueux que les éclats d’une empoignade verbale très vive ont été perçus à l’extérieur de la salle de réunion, le cabinet israélien a adopté un texte controversé affirmant solennellement qu’Israël est un État juif. Et que seuls les juifs peuvent bénéficier de plein droit de la citoyenneté israélienne. Ce qui rejette dans un statut de citoyens de seconde zone environ 20 % de la population israélienne. Et paraît écarter ce que Henry Kissinger avait décrit comme le plus grand danger qui menace le pays : voir un jour ou l’autre Israël peuplé en majorité de non-juifs.

Au moment où des attaques terroristes ont fait récemment onze morts, dont cinq, le 22 octobre, au coeur même de Jérusalem, cette proposition de loi est, pour Netanyahou, une manière de rejeter un peu plus les Palestiniens, qu’ils soient de Gaza ou arabes israéliens vivant sur le territoire d’Israël, hors de la communauté du pays. Une façon également d’adresser un message de certitude sur son bon droit et d’autorité au reste du monde, et particulièrement à l’Europe, où certains Parlements, comme l’Assemblée nationale française, ce vendredi, semblent décidés à voter en faveur de la reconnaissance d’un État palestinien.

Mise à mal des "fondements démocratiques du pays"

Mais cette politique d’exclusion, qui ressemble un peu à une fuite en avant, est un risque sérieux pour Israël : d’abord parce qu’en provoquant ainsi la communauté internationale, Netanyahou est sûr de s’attirer des condamnations pratiquement unanimes. Même de la part des États-Unis, son principal soutien et bailleur de fonds, où, avant de se reprendre et de modérer ses propos, Barack Obama avait évoqué "un danger d’apartheid". Car si elle était votée cette semaine par la Knesset, la loi, qui aurait valeur constitutionnelle, permettrait en effet des applications discriminatoires comme celles que l’on a connues en Afrique du Sud. Peut-on imaginer que les sinistres pancartes "White only" sud-africaines deviennent des "Jews only" dans les autobus, les bureaux de poste ou les toilettes publiques d’Israël ?

Ce pays, heureusement, est une démocratie. Et l’opposition du centre et de gauche a déjà annoncé qu’elle s’opposerait par tous les moyens à un texte législatif dont le procureur général de l’État a déclaré "qu’il mettrait à mal les fondements démocratiques du pays". Sa ministre de la Justice, Tzipi Livni, est sur la même ligne. Comme cinq autres ministres. Si Benyamin Netanyhaou veut prendre le risque de la rupture de sa coalition, ce sont les électeurs qui trancheront. Et naturellement dans le contexte d’insécurité qui prévaut en Israël, le Premier ministre peut espérer les rallier à sa politique hasardeuse. Il a pour cela une référence. Celle de David Ben Gourion qui en 1949 avait déclaré devant la Knesset : "Lorsqu’il a fallu choisir entre toute la terre sans État juif et un État juif sans toute la terre, c’est cette option que nous avons préférée."

Accédez à l’intégralité des contenus du Point à partir de 1€ seulement


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie