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Michel Chataigne 30 années + 1 d’activités

mercredi 26 novembre 2014

Le Nouvelliste |
S’il fallait tout dire sur Michel Chataigne, il nous faudrait publier un hors-série relié d’au moins cent pages ou éditer un biopic de 90 minutes avec l’expertise de nos techniciens de la chaîne 20. Car sans flagornerie, l’homme a su faire parler de lui depuis 31 ans tant pour son apport à la coiffure et sa carrière d’enseignant que pour son engagement dans la mode. Portrait d’un cinquantenaire habité par une âme très jeune.

Michel, point focal de la coiffure
Avant Michel Chataigne, la coiffure au studio était un rituel réservé aux ¨gran fanm¨ de Pétion-Ville. Même si c’était en moyenne à 35 gourdes à l’époque, très peu de gens fréquentaient les ¨beauty parlor¨ menés par les Françaises, les Américaines ou Libanaises de la chic banlieue de la capitale. Le gros de la population se faisait lisser les cheveux chez la coiffeuse du quartier. Quelques intrépides s’abonnaient chez les Dominicaines de carrefour qui sont coiffeuses le jour stripteaseuse la nuit. L’histoire de la coiffure va connaître un chamboulement le 23 novembre 1984 quand un certain Michel Chataigne, diplômé de l’école Edith Serie de Montréal, ouvre un studio sur la galerie de sa sœur.
Si Michel en rit aujourd’hui, c’est probablement parce qu’il a réussi. Mais les conditions n’étaient pas idéales et étaient susceptibles de décourager quiconque aurait commencé comme lui. Avec seulement 250 gourdes comme capital, le jeune homme a dû mettre en branle un flair de frugalité. ¨C’est un siège de voiture ancienne que j’ai transformé en siège de coiffure ; une cuvette en plastique me servait de lavabo¨, nous raconte Michel. Ses premières clientes sont les condisciples de L’INAGHEI où il a étudié quelques années avant de quitter le pays pour le Canada. À l’époque, à défaut de la cybernétique, c’est le bouche à oreille qui lui a attiré du monde. « 150 clientes par jour ! », de son aveu. Grâce à sa modernité, sa perspicacité l’esthéticien s’attire tant la clientèle des Dominicaines que celles des beaux quartiers. Les affaires vont si bien qu’il déménage en 1987 à l’actuelle adresse, à la Ruelle Alix Roy.
Sauf que Michel n’est pas immunisé contre les troubles politiques qui touchent notre pays un an après le départ de Baby Doc. Cinq jours après l’ouverture, soit le 29 novembre, survint le drame de la Ruelle Vaillant située à deux pas de son salon. (Pour les moins de 30 ans, c’est le massacre d’électeurs par des civils armés dans un bureau de vote installé à la Ruelle Vaillant). ¨Je revois encore les cadavres, ces bras et pieds coupés, ces corps déchiquetés qu’on transportait¨, dit le coiffeur avec une certaine douleur dans la voix. Point n’est besoin de dire que toutes ses activités ont été estompées pendant plusieurs semaines. À la relance, l’homme d’affaires renoue avec la grande foule. Femmes de président, femmes de ministres, chanteuses à succès... ont toutes pris part à la chaise musicale chez Michel Chataigne. À l’approche de la période des premières communion, des mariages ou graduations, il fallait se lever tôt pour être des premières servies ou se résoudre à y passer la nuit. La mère du coiffeur aménage même une sorte de dortoir dans le studio pour celles qui optaient pour le deuxième choix. Le succès est tel que Michel ouvre un autre studio à New York. Et Le public répond au rendez-vous ! Michel comptait au moins six allers-retours par an entre la Grosse Pomme et Port-au-Prince, jusqu’en 1996 où il est rattrapé par l’enseignement, l’un de ses amours de jeunesse.
L’enseignement comme sacerdoce
Les premiers rapports de Michel avec l’enseignement remontent à la même époque que ses débuts comme esthéticien. Coiffeur attitré de la marque Sébastian, il sillonnait ces sortes de ¨tupperware-party¨ où les ligues de coiffeuses se rencontraient sur une base périodique pour découvrir et échanger nouveaux produits et nouvelles techniques. Notre homme ayant inévitablement, grâce à ses formations continues à l’étranger, un certain ascendant n’a jamais refusé de partager ses idées et connaissances. Mais en 1996, Michel avait une autre bonne raison d’enseigner et d’ouvrir son école car c’est l’année où il convole en juste noces. La stabilité est donc un impératif tant dans sa vie personnelle que professionnelle. En dix-huit ans d’existence, la Michel Institute of Hair and Design peut se targuer d’avoir formé des professionnels valeureux comme Maïkadou Rosier, Valérie Vilain, Jean-René Delva (coiffeur à N.) et Rita Renédor (coiffeuse à Miami). Michel Chataigne se revendique la paternité de la coiffure ¨chalumeau¨. Son seul regret c’est de ne pas l’avoir brevetée.
Un dévouement sans borne pour la mode
Ce n’est pas la Haiti Fashion Week (HFW) dont il est le coordonnateur qui l’a consacré créateur de mode. Il a présenté sa première collection en 2004. Baptisé ¨Multicultures¨, elle a été présentée au Cercle Bellevue et a bénéficié d’une belle manchette dans Le Nouvelliste. Dès lors, notre designer enchaîne avec deux par an. À la troisième édition de la HFW, Michel Chataigne a présenté Bégonia silk. En rapport avec le thème patrimoine, il a voulu rendre hommage à cette plante en voie de disparition en utilisant de la soie. L’artiste avoue que son usage de la sérigraphie telle qu’il l’applique dans cette collection est sans précédent dans notre pays.
À 51 ans, Michel dit avoir de beaux jours devant lui. ¨ Je continuerai à produire tant que j’existe, Oscar de la Renta est mort l’autre jour à 82 ans, quelques jours après son défilé¨, souligne-t-il. En tant que coordonnateur de la semaine de la mode, il dit être conscient des faiblesses de l’événement mais préfère regarder le verre à moitié plein. ¨En trois ans, affirme-t-il, on avance plus qu’on recule, d’autres créateurs de fashion week s’étonnent de nos avancées significatives en si peu de temps¨. Et Michel croit que son dévouement autant que celui de Maguy Durcé et de Maëlle David sont des grains semés qui deviendront des arbres majestueux pour les générations futures.
31 ans, cela se fête !
Pour les trente et un ans d’activités professionnelles, Michel Chataigne a invité le public à une journée portes ouvertes le samedi 22 novembre. Ils ont été tous gâtés par son show extravagant. Dans son esprit de fête.
Michel ne demande en retour qu’une chose : une pensée spéciale pour Michèle Bourjoly Célestin (celle qui introduit la permanente chez nous, selon lui) disparue il y a quelques temps. C’est, tel qu’il la présente, sa mère spirituelle, son mentor, celle grâce à qui il est un docteur en cosmétologie, un enseignant de carrière, un créateur intarissable et jubilaire de plus de trente ans d’activités.

Dans le cadre de la Bridal Expo, Michel Chataigne a été honoré par le ministère du Tourisme et des Industries créatives et l’équipe de la foire pour son apport à la coiffure dans notre pays.

Michel Chataigne honoré pour son travail à la Maison Blanche Le 26 juin 2013, le créateur de mode et coiffeur Michel Chataigne a été honoré pour l’ensemble de son travail dans le milieu culturel et artistique haïtien à la Maison Blanche. La distinction revenait aussi à quatre autres personnalités du même univers issues d’autres pays caribéens dont la Barbade, la Jamaïque, Trinidad et Saint-Vincent. Dans la même ville, ils ont été honorés par la Caricom à l’ambassade de la Barbade. Pour le designer qui fait l’objet d’un article dans Nu Woman Magazine de Bahamas en date du 3 juillet, c’est quelque chose qu’il apprécie beaucoup et cela prouve que le secteur de la monde avance vraiment, non seulement dans les Caraïbes, mais aussi en Haïti. Ces prix ont été décernés dans le cadre du « Mois culturel de la Caraïbes », une activité qui vient d’être inaugurée par la Maison Blanche pour mettre en valeur la culture, l’art et le savoir-faire de cette région de l’Amérique.

AUTEUR

Chancy Victorin

chancyvictorin@ticketmag.com


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