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Correspondance spéciale/15e Sommet de la Francophonie/Dakar

Tractations à Dakar, Haïti manque à Michaelle Jean

samedi 29 novembre 2014

Le Nouvelliste |
Le président Michel Martelly et le Premier ministre Laurent Lamothe ne participeront pas au 15e Sommet de la francophonie qui se tient samedi et dimanche à Dakar, capitale du Sénégal. Celle qui doit le plus le regretter, c’est Michaëlle Jean. Haïti laisse tomber au moment crucial sa candidate. « C’est dommage », s’étonne une dame dans les allées du Village de la francophonie. Le ministre des Affaires étrangères et l’ambassadeur d’Haïti en France sont présents, mais ce n’est pas le même poids.

« Personne ne se détache, tout est possible », explique un diplomate qui tient à garder l’anonymat à deux jours du vote. « Pour la première fois, des candidats, particulièrement Mme Jean, ont fait campagne pour remporter le fauteuil de secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), cela ne s’était jamais vu avant », selon lui.

L’ancienne gouverneure du Canada et envoyée spéciale de l’Unesco pour Haïti a parcouru les cinq continents pour faire partager sa vision de la nouvelle francophonie. Cela n’a pas suffi. L’Organisation internationale de la francophonie, qui choisit régulièrement son responsable par choix consensuel, n’arrive pas à s’arrêter sur le successeur d’Abdou Diouf.

Pour Christian Ngalle, du Centre de presse francophone de New York, venu couvrir le 15e Sommet, c’est la première fois que cinq candidats s’affrontent.

« Cette élection de Dakar est particulière. Les candidatures sont plurielles. Pour la première fois, une femme est dans la course. Personne n’émerge du lot. Et la règle non écrite qui veut que le poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie doit revenir à un Africain, à un ressortissant d’un pays du Sud, est mise en question pour la première fois », résume-t-il pour Le Nouvelliste. Résultat : il n’y a de consensus sur aucun des prétendants.

« Comme rien n’est bouclé, rien n’est fermé. N’importe quel chef d’Etat peut lever le doigt et faire une proposition », explique au Nouvelliste Hervé Bourges, ancien grand patron de l’audiovisuel français (RFI, TF1, France Télévision) et grand connaisseur de la francophonie. Sa formule souligne, elle aussi, comment l’absence des chefs d’État et de gouvernement d’Haïti va manquer à Michaëlle Jean.
Pour le moment, seuls Haïti et le Canada soutiennent officiellement la candidature de la native de Jacmel. Le Québec et le Nouveau Brunswick, membres à part entière de la grande famille francophone, ont le handicap d’être des provinces canadiennes. De parler majoritairement anglais. D’être en Amérique du Nord. D’être proches des Américains. D’être canadiens.

Du point de vue de nombreuses personnes qui participent au 15e Sommet, celle qui est une femme, originaire d’Haïti et âgée que de 57 ans, a des atouts, mais il aurait bien été utile que ses congénères fassent sa campagne, présentent toutes ses facettes, surtout les plus intéressantes.

Le ministre des Affaires étrangères Duly Brutus et l’ambassadeur d’Haïti en France, Valérie Matignon, sont certes de fortes personnalités, mais ils ne pourront pas remplacer avantageusement le président Martelly ou le Premier ministre Lamothe auprès de leurs homologues. 35 présidents ou chefs de gouvernement sont attendus au Sommet de Dakar.

Pour le journaliste Dominique Mataillet, grand connaisseur des arcanes de l’Afrique après 40 ans à labourer le continent et les institutions de la francophonie, « tout peut se passer d’ici la clôture du Sommet ce dimanche, car tous les candidats ont des handicaps », selon lui.

En plus de Michaëlle Jean, les autres postulants sont : Henri Lopes, ambassadeur du Congo à Paris, âgé de 77 ans, qui a déjà été candidat au poste de secrétaire général de l’OIF dans le passé ; Jean-Claude de l’Estrac, ex-ministre des Affaires étrangères de Maurice ; Pierre Buyoya, ancien président du Burundi, et Agustin Nze Nfumu, un diplomate Équato-Guinéen. Jusqu’à dimanche, d’autres visages peuvent se présenter, comme le veulent les règles à l’OIF.

Dans les allées du Village, en attendant la visite du secrétaire général Abdou Diouf à l’occasion de la remise du prix des cinq continents, Catherine Tasca, sénatrice socialiste et ancienne ministre française de la Culture, de la Communication et de la Francophonie, est claire : « La rumeur ne donne personne en tête », dit-elle au Nouvelliste.
La France a pourtant les cartes maîtresses de cette élection. Le pays de François Hollande, qui ne s’est prononcé pour aucun des candidats, contribue à hauteur de 43% au budget de l’OIF dont le siège est à Paris.

Avant sa chute pitoyable au Burkina Faso, la présidence française avait offert sur un plateau le poste à Blaise Compaoré. La seule certitude aujourd’hui est qu’il n’y aura pas de Français candidat pour succéder à Abdou Diouf. François Hollande a été formel à ce sujet.

Le secrétaire général sortant de l’OIF pourrait bien rester encore un peu à la tête de l’institution si aucun consensus n’est trouvé dimanche. Cette formule se murmure entre les délégations, mais ne plaît à personne. Pas même au géant de deux mètres, ancien président du Sénégal, qui souhaite prendre, à 79 ans, sa retraite de la vie active, après 12 ans à la tête de l’OIF.

En 2004, Diouf avait été le prétendant consensuel. Les autres fois, les candidats s’étaient retirés. Boutros Boutros Ghali avait été lui aussi élu par consensus, rappelle Christian Ngalle.

A l’Organisation internationale de la francophonie, on n’aime pas perdre la face, on préférera toujours un compromis à une défaite pour quatre candidats. Mais personne n’exclut que pour la première fois on passe au vote.

« Le charme de Martelly aurait pu jouer, croit un autre diplomate. « Le président d’Haïti rappellerait au monde que Mme Michaëlle Jean n’est pas que Canadienne. Lui et son Premier ministre ratent un bel rendez-vous », souligne avec tact le diplomate.
Le thème du 15e Sommet de la francophonie est « Femmes et jeunes, vecteurs de paix, acteurs du développement ». On dirait un slogan à l’image de Michaëlle Jean qui, en dépit du faux bond de dernières minutes des dirigeants d’Haïti, incarne plus que tout autre candidat la nouveauté et le second souffle que cherche l’OIF.

AUTEUR

Frantz Duval

duval@lenouvelliste.com


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