MosaikHub Magazine

23 décembre 1888. Lors d’une dispute, Gauguin tranche l’oreille de Van Gogh d’un coup de sabre

mardi 23 décembre 2014

Pour couvrir son ami, Van Gogh aurait inventé l’épisode de l’automutilation. L’oreille est restée muette...

Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Au sujet de l’oreille tranchée de Van Gogh, il existe deux versions. L’officielle, celle de l’automutilation pratiquée avec un rasoir. Et puis une récente hypothèse évoquant un coup de sabre porté par Gauguin lors d’une dispute. Allez savoir laquelle est la bonne... D’autant que, pour compliquer l’affaire, Mike Tyson prétend maintenant l’avoir bouffée lors d’un pugilat....

Dans son livre de souvenir (Avant, après) publié en 1903, Paul Gauguin explique qu’à l’automne 1888 son ami Vincent Van Gogh l’invite à Arles pour qu’ils peignent ensemble. Les deux hommes ont fait connaissance deux ans auparavant à Paris. Le peintre hollandais rêve de fonder une colonie d’artistes dans la Maison jaune louée depuis le 1er mai précédent. En attendant la réponse de son ami, Vincent peint à tour de bras, volant les couleurs des fleurs, des arbres, des paysages. Il réalise sa célèbre série Les tournesols. Finalement, le 23 octobre, Gauguin débarque chez Van Gogh, en provenance de Pont-Aven. Durant les premières semaines, l’entente est merveilleuse entre les deux artistes. Ils travaillent de concert sur une série de tableaux dont l’un est consacré aux Alyscamps, la nécropole romaine d’Arles. Mais des divergences artistiques se font progressivement jour entre les deux hommes. L’alcool et leur exaltation naturelle ne calment pas le jeu. Ils alternent périodes d’excitation et de déprime. Ils s’engueulent, s’empoignent, se détestent et se réconcilient.

Le voilà bientôt seul, abandonné

Le soir du 23 décembre 1888, une altercation plus violente que les précédentes oppose les deux amis à propos de la manière de peindre. Gauguin affirme que seule la fantaisie doit guider le pinceau ; Van Gogh ne jure que par la nature. Comme on le voit, c’est une querelle sérieuse. Pas une de ces embrouilles concernant l’inversion ou non de la courbe du chômage... Les deux amis rentrent chez eux en continuant à s’invectiver. L’alcool n’aide certainement pas les deux artistes à conserver leur calme... Gauguin menace de repartir pour Paris. Pris de démence, Van Gogh saisit un couteau pour saigner cette pourriture de Français qui ne comprend vraiment rien à l’art. Effrayé, Gauguin s’enfuit de la Maison jaune, préférant coucher cette nuit-là à l’hôtel.

Resté seul, le Hollandais retrouve ses esprits. Il s’en veut, mais il s’en veut ! Il est désespéré, son ami va l’abandonner, repartir. Pour se punir, il saisit un rasoir avec lequel il se tranche le lobe de l’oreille gauche. Le sang gicle. Il enroule un chiffon autour de sa tête ensanglantée. Il ramasse le lobe pour l’envelopper dans du papier journal et court l’offrir à une certaine Rachel, prostituée dans un bordel voisin. Pourquoi elle ? Il semblerait que cette jeune femme fasse l’objet d’une rivalité entre les deux hommes. En découvrant son cadeau, cette gourde tombe dans les pommes.

Le peintre hollandais regagne alors la Maison jaune, puis s’écroule dans son lit. Le lendemain, les policiers, avertis par le bordel ou par les voisins inquiets, trouvent Van Gogh à demi inconscient. Ils l’emmènent à l’hôpital où il raconte s’être tranché le lobe dans une crise de folie. Gauguin, interrogé par Louis de Funès, confirme la scène. Son témoignage achevé, il saute immédiatement dans un train pour fuir ce dingue de Hollandais. Le rêve de colonie d’artistes caressé par Van Gogh s’effondre.

Gauguin, l’escrimeur

Mais voilà cinq ans, deux universitaires allemands, Hans Kaufmann et Rita Wildegans, offrent une version différente de l’incident. Se référant aux rapports de police de l’époque et à des phrases sibyllines extraites des lettres des deux peintres, ils imaginent que, lors de la dispute du 23 décembre, ce n’est pas Van Gogh qui se mutile, mais Gauguin qui lui porte un coup de sabre. Excellent escrimeur, le peintre français a apporté son arme pour s’entraîner dans une salle d’armes locale. Pour écarter son ami devenu dément, Gauguin aurait voulu lui faire peur en le menaçant de son sabre. C’est alors que la lame aurait tranché le lobe.

Les deux universitaires expliquent les accès de folie de Van Gogh par une intoxication au plomb, à l’arsenic et au cadmium présents dans les couleurs manipulées par le peintre. Gauguin aurait jeté son arme dans le Rhône avant que les deux hommes ne passent un pacte de silence, inventant l’épisode de l’automutilation. En ne dénonçant pas son camarade, Van Gogh garde l’espoir de le voir revenir à la Maison jaune. Espoir vain, car Gauguin s’enfuit bientôt à Tahiti. Quant à Van Gogh, il rentre dans une maison de repos à Saint-Rémy-de-Provence pour un an.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie