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Evans Paul nommé Premier ministre, l’opposition conteste la manière

samedi 27 décembre 2014

Le Nouvelliste /
Sa réputation le précède. C’est un fait. Evans Paul, dit K-Plim, se passe de présentation. Sur une liste de 12 personnalités « premier-ministrables » réduite à cinq dans un premier temps puis à trois, son nom a retenu l’attention du président de la République. Dans un arrêté présidentiel pris le 25 décembre 2014, Michel Martelly l’a nommé Premier ministre. Un choix contesté par les partis politiques de l’aile dure de l’opposition et désapprouvé par le président du Sénat qui dit n’avoir pas été consulté sur cette nomination.

« Le secrétariat général de la présidence informe la population haïtienne que le président de la République, Son Excellence Michel Joseph MARTELLY, conformément à la Constitution et après consultation avec les présidents du Sénat et de la Chambre des députés, a nommé, par arrêté présidentiel en date du 25 décembre 2014, le citoyen Evans PAUL Premier ministre, aux fins de former un nouveau gouvernement, par suite de la démission du Premier ministre Laurent LAMOTHE et de son gouvernement ». Le communiqué porte la signature du secrétaire général de la présidence, Yves Germain Joseph.

Le président du Sénat n’a pas été mis au courant de cet arrêté, encore moins de la nomination de Evans Paul comme Premier ministre. En tout cas, c’est ce que le sénateur Dieuseul Simon Desras a dit vendredi matin sur Radio Magik 9. « Vous venez de m’informer », a-t-il soutenu. Le parlementaire a dit apprendre avec étonnement la nouvelle de la nomination de l’ancien maire de Port-au-Prince à la tête de la Primature. Il ne s’y attendait pas, a-t-il laissé comprendre alors que le président Martelly informe avoir pris cette décision en consultation avec lui le mercredi 24 décembre.

Lors de sa dernière rencontre avec le chef de l’Etat le 24 décembre, le sénateur Desras affirme avoir clairement fait savoir au président qu’avant de poursuivre les consultations, l’avenir du Parlement après le 12 janvier 2015 doit être clarifié. Les pères conscrits, selon le président du Sénat, ne seraient disposés à ratifier le choix du président Martelly sans un consensus sur ce que sera le Parlement après le 12 janvier 2015.

Sans le dire directement, Dieuseul Simon Desras a, de façon diplomatique, démenti le chef de l’Etat qui soutient que la nomination de Evans Paul a été faite en consultation avec les présidents du Sénat et de la Chambre des députés. « Sans le vote de sa déclaration de politique générale par le Parlement, Evans Paul sera un Premier ministre de facto », a fulminé le sénateur, lançant une mise en garde au président Michel Martelly. Une telle démarche, a-t-il dit, renforcerait les manifestations des rues. « Cela risquerait aussi d’emporter et le chef de l’Etat et le Premier ministre lui-même », a martelé le président du Sénat sur ton menaçant.

L’objection du sénateur Desras n’a rien de personnel envers Evans Paul comme leader politique de carrière. C’est ce qu’il a dit. Au Sénat, a-t-il souligné, les opinions sont divergentes. Cependant, a-t-il ajouté, la tendance de la majorité est défavorable à M. Paul qui, a-t-il dit, n’avait pas fait cas de l’avenir du Parlement dans ses recommandations lorsqu’il était membre de la Commission consultative.

« Oui, il y a eu des consultations avec les présidents des deux branches du Parlement »
Lucien Jura, porte-parole du chef de l’Etat, a soutenu que le président de la République a fait choix de Evans Paul en consultation avec les présidents des deux branches du Parlement « comme le veut la Constitution ». « Evans Paul, le nouveau Premier ministre, aura à former son cabinet ministériel afin de se présenter dans le plus bref délai devant le Parlement pour la ratification de sa politique générale… », a-t-il dit vendredi lors d’une conférence de presse au Palais national.

Il a souligné que dans son message à la nation le 24 décembre pour la fête de Noël, le chef de l’Etat a indiqué qu’il venait juste de rencontrer les présidents des deux branches du Parlement sur la nomination d’’ Evans Paul au poste de Premier ministre. Lucien Jura a fait remarquer que le leader de la KID n’est pas un membre du pouvoir, mais de l’opposition.

« La nomination de Evans Paul est en parfaite adéquation avec les recommandations de la Commission consultative », a-t-il dit. M. Jura a rappelé que le chef de l’Etat a déjà discuté sur le dossier avec les partis politiques de l’opposition. Selon lui, aucun citoyen nommé Premier ministre ne ferait l’unanimité. Tout ce qui dépendait uniquement du président dans la mise œuvre des recommandations de la Commission consultative, il l’a fait, a affirmé le porte-parole de Michel Martelly. « Maintenant, la balle est dans le camp du Parlement », a-t-il dit.

Evans Paul, c’est l’homme idéal qui puisse garantir au pays une stabilité politique et une chance de rester dans le développement durable, a-t-il soutenu.

Le MOPOD fidèle à lui-même

Contrairement à ce que pense Michel Martelly, la nomination du leader du KID Evans Paul ne va pas contribuer à l’assouplissement de la position de l’aile dure de l’opposition. « Le MOPOD s’est toujours exprimé clairement. Quel que soit le choix du président de la République, notre position ne changera pas », a déclaré Turneb Delpé, qui vendredi encore sur les ondes de Radio Magik 9, continuait à exiger le départ du président Michel Martelly. Il a indiqué qu’ils accepteront de rencontrer le chef de l’Etat s’il s’agit de définir avec lui les modalités de sa démission.

INITE menace de rentrer dans la logique du « rache mayòk »

C’est dommage, s’est exclamé le député Saurel Jacinthe à propos de la décision du chef de l’Etat. Le porte-parole de INITE, l’un des cinq partis politiques de l’aile dure de l’opposition qui avait accepté de rencontrer le chef de l’Etat à l’hôtel Kinam dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations de la Consultative, a fait savoir qu’il n’y a eu aucun accord sur la nomination de Evans Paul comme Premier ministre.

« Lors de notre dernière rencontre, il y a environ huit jours, nous avions dressé le profil du prochain Premier ministre, a-t-il dit, intervenant vendredi matin sur Radio Magik 9. Au cours de cette même réunion, une liste de cinq personnalités sur lesquelles nous n’avions eu aucune discussion a été présentée », a souligné M. Jacinthe. Il a précisé qu’ils n’avaient même pas encore commencé à discuter des noms qui avaient été proposés.

« Prezidan Martelly ap woule tout moun nan farin, a-t-il dénoncé. Il fait passer le temps ». Le député a qualifié le président de la République de « menteur ». « Le président a menti à la nation en disant que le choix a été fait en concertation avec les partis politiques de l’opposition », a-t-il fulminé. Pour lui, l’heure n’est plus aux négociations. « Nous ne pouvons plus parler de négociations mais plutôt de mobilisation. Il faut déraciner ce menteur », a-t-il dit à propos du chef de l’Etat.

Saurel Jacinthe a confié toutefois n’avoir aucun problème avec Evans Paul lui-même en qui il a reconnu d’ailleurs un « lutteur politique ». « C’est juste une question de principe que nous défendons », a-t-il précisé.

Kontra pèpla : « Martelly fait de la provocation »

Même position pour le sénateur Jean William Jeanty, responsable de Kontra-pèpla. Le parlementaire n’est pas moins acide vis-à-vis du chef de l’Etat. Selon lui, cette décision du président Martelly s’apparente beaucoup plus à de la provocation.

L’élu des Nippes interprète l’arrêté présidentiel comme un signal mettant fin aux négociations initiées à la suite des recommandations de la Commission consultative. Ce qu’il faut, selon Jean William Jeanty qui partage la position du sénateur Dieuseul Simon Desras, c’est un Premier ministre de consensus et un accord avec le Parlement. Il croit que ses collègues ne vont pas ratifier le choix du président sans un accord clair visant à éviter un vide institutionnel à partir du deuxième lundi de janvier 2015.

Fusion rappelle le chef de l’Etat à l’ordre

Dans un communiqué, la Fusion des sociaux- démocrates haïtiens (FUSION) a déploré que la présidence ait choisi de passer outre la première des mesures conjoncturelles contenues dans le « rapport qu’il a pris publiquement l’engagement de mettre en œuvre. Cette mesure prévoit la nomination du Premier ministre et la formation du gouvernement de consensus, issus de négociations entre le président de la République et les composantes politiques, notamment celles de l’opposition. »

« …Le président de la République n’a pas tenu parole et a mis de fait un terme au processus de négociation pour la recherche d’un accord politique global, démarche qui avait été saluée par tous ceux qui voulaient éviter au pays une aggravation de la crise politique », ont déclaré les dirigeants de ce parti politique.

La Chambre des députés étant en vacances, le chef de l’Etat doit convoquer les députés en session extraordinaire pour, entre autres, ratifier la politique générale du Premier ministre. Jouissant d’une certaine majorité à la Chambre basse, cette étape ne devrait pas être trop compliquée pour le président. Cependant, tout va se jouer au Sénat dont personne ne peut se targuer d’avoir le contrôle. Le pays va-t-il se réveiller le 12 janvier 2015 sans un chef de gouvernement ratifié ? Entre-temps, Florence D. Guillaume gère la Primature.

AUTEUR

Robenson Geffrard et Danio Darius


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