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Les personnalités qui ont marqué l’année 2014

mardi 30 décembre 2014

Le Nouvelliste | Publié le : 29 décembre 2014
Pour la quatrième fois consécutive, Le Nouvelliste publie la liste des personnalités qui ont marqué l’année. Par ordre alphabétique et sans prendre en compte ce qui est bien ou mal dans leur parcours, nous publions ci-après la liste des 12 personnalités qui ont pesé sur l’année 2014 qui s’achève.

Jean-Bertrand Aristide

L’ancien président Jean-Bertrand Aristide ne s’est pas montré en public depuis son retour d’exil en 2010, sauf une fois, le 8 mai 2013, quand il fut obligé de répondre à l’invitation d’un juge d’instruction. Retranché dans sa résidence de Tabarre, il s’occupe officiellement d’éducation et, plus spécialement, de l’Université de la Fondation Aristide pour la démocratie. Si les rumeurs de son implication dans la vie politique dans la cité n’ont jamais cessé de courir, c’est un mandat d’arrêt lancé contre lui, puis son inculpation sous divers chefs d’accusation par le juge Lamarre Bélizaire qui l’ont remis au-devant de la scène en 2014. Il ne s’est jamais présenté devant le juge. Il n’a jamais été arrêté non plus. Ce bras de fer ou cette entente entre le pouvoir en place et l’homme de Tabarre a marqué l’année politique, alimenté la contestation et provoqué des déchirures au sein de Tèt Kale. Jean-Bertrand Aristide, interdit de quitter le pays, assigné à résidence, muet dans les médias et qui ne peut plus être candidat à la présidence en vertu de la Constitution de 1987 amendée, demeure une figure politique majeure du paysage haïtien. 2014 en a donné la preuve.

Lamarre Bélizaire

Si l’injustice au temps de Michel Martelly a un nom, c’est celui de ce juge qui recueille tous les cas sensibles aux yeux du pouvoir en place. Les frères Florestal, Maître André Michel, les militants Rony Thimothé et Byron Odigé, Jean-Bertrand Aristide et bien d’autres activistes politiques ont été un jour de cette année 2014 cités à comparaître devant lui, ou se sont présentés devant son bureau où furent recherchés à sa demande. Tous ceux que les observateurs finiront par taxer de l’épithète de prisonniers politiques ont eu leur nom dans les petits papiers de l’honorable juge Bélizaire. Aucune de ses affaires n’a été jusqu’à son dénouement légal. Le juge instruit (instrumentalise, disent ses détracteurs), mais ne juge pas ou si peu. Au bout du compte, le juge Bélizaire servira plus au pouvoir Tèt Kale d’épouvantail que de bras armé… du glaive de l’injustice. Pour preuve que tout était politique, à la suite des recommandations de la Commission consultative tous les prisonniers dits politiques seront relâchés, libérés, bénéficieront de mainlevée.

Richard Buteau

Dans le secteur hôtelier, les Buteau sont des pionniers. D’une petite auberge à Kenscoff dans la première moitié du XXe siècle, la famille a construit, au fil des années, restaurant par restaurant, hôtel après hôtel, salle de réunion en salle de convention, le premier groupe hôtelier du pays. Avec aujourd’hui le Karibe Convention Center, le Kinam,le Ritz, le Palm, le Servotel et des services de restauration, les Buteau possèdent le plus grand nombre de chambres et de lits de la région métropolitaine, le plus grand nombre de places de restaurant et la réputation d’un service hors pair à chaque adresse. Le tout sans expertise étrangère ni exploitation de franchise. Tout est fait par les Buteau. Ils achètent les services des meilleurs techniciens et transforment patiemment des adresses en hôtels réputés. En 2014, les Buteau ont ajouté plusieurs dizaines de millions de dollars d’investissements dans leurs établissements-phares. Le Kinam a complété un agrandissement majeur, passant de 33 à 118 chambres. Le Karibe s’est offert une nouvelle aile de 103 chambres pour atteindre 190 chambres. Richard Buteau, amiral de la flotte, arpente à longueur de journée et de nuit les allées de son fief au Karibe pour s’assurer que tout marche au mieux, mais trouve aussi le temps pour la vie associative et est l’actuel président de l’Association touristique d’Haïti.

Jean-Claude Duvalier

Le dictateur est mort un tranquille samedi devant son petit déjeuner d’un arrêt du cœur. Il échappe ainsi à la justice et aux récriminations des milliers de victimes de son régime. Aucun gouvernement haïtien n’avait souhaité le poursuivre ni cherché à connaître toute la vérité sur les reproches adressés aux duvaliéristes. D’une manière ou d’une autre, les Duvalier auront marqué la vie politique haïtienne depuis les années 40 quand le père de Jean-Claude Duvalier devient secrétaire d’Etat de Dumarsais Estimé. Entre la prise du pouvoir, deux présidences à vie (qui s’écoulent sur 29 ans) et une fin de règne, les Duvalier représenteront tour à tour l’intellectuel, le candidat, le président, le bon papa, le sanguinaire, l’enfant-roi, le jouisseur, l’exilé. Autant de figures de la politique haïtienne qu’ils marquent de leur empreinte. Dans chaque chef haïtien on peut déceler un peu des Duvalier. Et rien n’est mis en place pour démonter la machine reproductrice.

Turnep Delpé

Il se rêve en père de la conférence nationale qui refondera la nation haïtienne depuis la fin des années 80. Ladite conférence n’a jamais été sur l’agenda d’aucun gouvernement. En 2014, il se retrouve chef de file d’une opposition multiforme qui a réussi à acculer Michel Martelly dans les cordes de la reddition. Les marches du Mopod et de ses alliés, qu’elles regroupent quelques centaines ou plusieurs milliers de manifestants, ont pesé sur la vie politique d’un poids certain en 2014. Turnep Delpé, infatigable, a toujours été là. Ancien sénateur de l’Ouest, sans mandat depuis des années, devenu un homme-parti avec quelques fidèles, Delpé représente la figure de l’opposant à tous les gouvernements. Sans attendre des retombées, sans bénéficier des réactions qu’il provoque, il risque de se retrouver encore une fois dans le camp des perdants de bonne foi. Avant la prochaine opposition ou avant de raccrocher ses griffes.

Yanick Lahens

Ecrivaine reconnue et célébrée en Haïti. Intellectuelle engagée dans de nombreux projets sociaux, Yanick Lahens est essayiste, nouvelliste et romancière. C’est en 1990 que beaucoup la découvrent à travers son essai « L’exil : entre l’ancrage et la fuite » ; elle enseigne, à l’époque, les lettres modernes à l’École Normale Supérieure où elle entreprend de véritables traversées avec ses étudiants avec notamment William Faulkner, Marie Chauvet, Dany Laferrière, Milan Kundera en leur expliquant son amour de la nouvelle comme genre littéraire. Elle publie en 1994 -elle avait déjà renoncé à sa chaire à l’École Normale- « Tante Résia et les dieux », recueil suivi de deux autres, dont « La petite corruption » qui comportait l’excellente nouvelle « Lettre des Cayes », publiée dans un premier temps dans la revue Cultura, et « Bain de lune » qui fournira les intrants de base à ce roman récompensé cette année par le Prix Femina et qui vient de recevoir une mention spéciale du prix Carbet. En 2008, « La couleur de l’aube » de Yanick Lahens a reçu trois distinctions littéraires importantes : le prix des Lectrices de Elle, le prix du livre RFO et le prix Millepages. Elle en a reçu deux pour « Guillaume et Nathalie » paru en 2013. Yanick Lahens est à ce jour l’auteur haïtien vivant en Haïti au bénéfice du plus grand nombre de prix littéraires décernés à l’étranger. Avec l’obtention de l’un des cinq grands prix littéraires français, « Bain de lune » confirme le grand talent de Yanick Lahens et participe à la bonne santé de la littérature haïtienne.

Chibly Langlois

Le 12 janvier 2014, la création comme cardinal de Monseigneur Chibly Langlois par le pape François a surpris tout le monde. C’était la bonne nouvelle du jour de l’anniversaire du séisme de 2010. Une note d’espoir. Un motif de fierté. Pour les catholiques et pour tous les Haïtiens. Monseigneur Langlois s’était fait connaître quelques jours avant en proposant les services de l’Eglise catholique comme médiateur dans la crise politique. Le 24 janvier 2014, le président Michel Martelly officialisera son rôle en participant lui-même à l’ouverture du dialogue interhaïtien d’El Rancho. Le 22 février, la cérémonie de l’intronisation du premier cardinal haïtien est une grande fête à Rome célébrée en présence de membres de la famille de Chibly Langlois, d’une partie du clergé haïtien, de nombreux fidèles et du couple présidentiel. L’échec consommé de l’Accord d’El Rancho quelques mois plus tard n’enlèvera rien au prestige de son initiative ni au rôle que l’Eglise catholique continue de jouer dans la stabilisation de la vie dans la cité. Jeune évêque, jeune cardinal, bonne route à Son Eminence Chibly Langlois comme pasteur du peuple haïtien.

Michaëlle Jean

La Jacmélienne la plus connue au monde continue son chemin de battante. Après avoir été journaliste vedette de Radio Canada, gouverneure générale du Canada, envoyée spéciale de l’Unesco pour Haïti et chancelière de l’Université d’Ottawa, celle qui a reçu entre 2006 et 2014 des doctorats honoris causa de 18 universités à travers le monde est devenue le 30 novembre dernier la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la francophonie. Elle est la première femme à occuper le poste et la première ressortissante d’un pays non africain à la tête de l’OIF. Toujours attachée à ses racines haïtiennes, Michaëlle Jean honore le pays à chaque échelon qu’elle gravit. Elle n’a pas attendu d’être en vue pour se revendiquer l’une d’entre nous ni pour mettre la main à la pâte de nos problèmes. Au Canada comme à Jacmel, en Haïti et à l’étranger, elle se montre fière d’être des nôtres, s’implique et souffre avec nous. Représentante éminente de la diaspora haïtienne qui réussit en pays d’accueil, un peu de sa réussite rejaillit sur chaque Haïtien et nous rappelle que le meilleur est possible.

Laurent Lamothe

C’est la chute la plus inattendue d’un premier ministre. C’est la démonstration par l’absurde qu’un premier ministre ne peut pas ne pas faire de la politique. Lamothe se cantonnait depuis 31 mois dans la gestion des projets, de beaucoup de projets et laissait la politique au président Michel Martelly, son ami. Celui qui lui faisait confiance et qui avait sa confiance. Un vendredi de décembre, Martelly a dû, sans que Lamothe ait vu venir sa chute, mettre fin à l’aventure. Le premier ministre avait contre lui des ennemis puissants : le palais, la famille du président, des politiciens, tous les futurs candidats à la présidence, de puissants hommes d’affaires et des diplomates. Trop d’ennemis ne fait le bonheur de personne. L’élégance de Laurent Lamothe aura été de ne pas s’accrocher, de partir sans faire d’esclandre et de ne pas cracher sur l’avenir. Pour ce qui est de son bilan, il est discutable. Comme tous les bilans. Personne, cependant, ne lui reprochera de n’avoir pas eu le cœur à l’ouvrage.

Michel Martelly

Le président Michel Martelly a tenu en haleine l’actualité cette année encore. Pas toujours pour de bonnes raisons ni pour les meilleurs résultats. Le président élu peine à faire la jonction entre les forces politiques pour trouver une majorité pour construire l’avenir de la nation. Martelly tient le pouvoir, mais ne gouverne pas. Voulant être premier en tout, il est devenu le premier président élu empêtré dans d’inextricables contradictions. Martelly ne tombe pas. Il n’avance pas. Il multiplie les initiatives. Mais n’arrive pas à construire ni à consolider les institutions. Il résiste le plus longtemps possible avant de céder sur tous les points. Il veut tout entreprendre, n’arrive à ne rien finir. Il dédaignait les politiciens, ils lui font voir de toutes les couleurs. 2014 ne sera pas la meilleure année de sa présidence, mais celle qui lui aura appris la sagesse de reconnaître ses erreurs. Cette clairvoyance fait souvent défaut à nos hommes politiques.

Jean William Pape

Le Dr Jean William Pape est le scientifique haïtien par excellence. Il exerce sa science en Haïti. Sur le terrain des problèmes. Dans les conditions du milieu. Depuis la fin des années 70 et de brillantes études aux Etats-Unis d’Amérique, il anime des équipes soudées, cherche des solutions et résout cas par cas des maladies graves. Il maîtrise avec sa science des tueurs : la diarrhée infantile, le sida, le choléra, la tuberculose. Le Dr Pape, directement ou grâce à ses recommandations, a sauvé beaucoup, beaucoup de vies en Haïti. Il représente aussi le pays dans de nombreux symposiums scientifiques, conduit des expérimentations, présente des travaux, entraîne de jeunes médecins à suivre cette double voie de la recherche et de la médecine clinique tout en recherchant constamment des fonds pour poursuivre une œuvre. Son approche est basée sur la médecine totale. A travers plusieurs programmes, les centres Geskio ne s’occupent pas seulement du corps des patients mais les rehabilitant aussi socialement. Jean William Pape est médecin, scientifique, administrateur, guide et philanthrope. Honoré cette année par le président Martelly, il est l’un des rares haïtiens exerçant en Haiti récipiendaire de distinctions scientifiques décernées par plusieurs institutions internationales. Haïti tout entière a à apprendre de son parcours et de son enseignement.

Stéphanie Balmir Villedrouin

La ministre du Tourisme, et depuis peu des Industries créatives, est la vitrine du gouvernement Lamothe qui a remis sa démission mi-décembre. Dans son secteur d’activité, Mme Balmir peut s’enorgueillir d’avoir un bilan qui fait rougir tous ses devanciers au sein de ce ministère successeur de l’Office du tourisme. Mme Villedrouin accumule depuis mai 2011 des travaux en commissions, des idées de projets, des chantiers et des réalisations concrètes. L’installation de capacités d’accueil modernes à la Citadelle, la desserte Cap-Haïtien-Miami par la American Airlines, les grands travaux de Jacmel, les centaines de chambres d’hôtel dans la région métropolitaine font partie des transformations que la ministre a conduites. Plus que tout, elle a su vendre une nouvelle image d’Haïti aux Haïtiens comme aux étrangers et a ouvert les yeux sur des destinations aux quatre coins du territoire ignorées par les opérateurs touristiques. Certains défis lancés à l’Ile-à-Vache, à Côte-de-Fer ou à l’Ile de la Tortue prendront du temps pour sortir de terre et alimentent la raillerie des sceptiques, mais il faut reconnaître que Stéphanie Villedrouin a semé des graines qui vont continuer à nous faire rêver de généreuses récoltes.

AUTEUR

Frantz Duval

duval@lenouvelliste.com


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