MosaikHub Magazine

Cinq conseils pour que vos enfants profitent des jeux vidéo

lundi 5 janvier 2015

Les jeux vidéo ne sont pas l’opium de la jeunesse, à condition de ne pas les consommer passivement. Pour rester maître du jeu, les conseils d’Aberkane.

Par Idriss J. Aberkane

L’abus de jeux vidéo est dangereux pour la santé. L’abus de vin aussi, mais on n’interdit pas le barbaresco. L’abus de cinéma aussi, mais on n’interdit pas Sorrentino... Dans le jeu vidéo, il y a de grands crus et des navets, mais les grands crus sont une forme d’art - au sens où ils élèvent les consciences - et d’artisanat - au sens où ils élèvent les compétences -, aussi bien de ceux qui les créent que de ceux qui les utilisent.

Le jeu vidéo, c’est la fibre optique des transferts de connaissance. Aucune technologie ne permet aujourd’hui de transférer un savoir ou un savoir-faire plus rapidement. Mais la "ludification", la transformation en jeu, est encore très coûteuse et difficile, elle est donc l’exception plutôt que la règle. Ludifier un métier ou une connaissance se fait encore au cas par cas, nous n’en avons pas la recette industrielle.

Il n’empêche, l’initiation au monde vidéoludique est l’une des alphabétisations du XXIe siècle, avec la programmation par exemple (dont l’acquisition, facteur de succès sur le marché de l’emploi tous métiers confondus, est hautement corrélée à la pratique du jeu vidéo). Les médecins, les pilotes, les dirigeants, les astronautes ou les juristes jouent de plus en plus pour se former. Moins on peut robotiser un métier, plus on doit le ludifier. Dans un apprentissage obligé, si votre cerveau est une voiture et son carburant la motivation, la voiture consommera son carburant au démarrage et sur tout le trajet. En jouant, la voiture ne consommera de carburant que pour s’arrêter : commencer et continuer à jouer ne consomme pas de motivation.

Conseil numéro 1 :

Impliquez-vous dans le choix des jeux vidéo de vos enfants, d’une façon constructive et non invasive. De même qu’il y a de la "junk food", il y a des jeux plus ou moins nutritifs pour l’esprit. Civilization V, par exemple, est excellent, de même que Wargame des studios Eugen Systems si vos enfants aiment la stratégie. Les jeux Ubisoft sont en général de vraies merveilles à la fois d’animation et de scénario (le dernier Assassin’s Creed ne fait pas exception, n’en déplaise à Jean-Luc Mélenchon). Discutez avec vos enfants de leurs choix, laissez-les vous expliquer pourquoi ils ont de l’intérêt pour un titre, instaurez un maximum de dialogue.

Conseil numéro 2 :

La deuxième étape est de jouer avec vos enfants. Le premier effet bénéfique est de faciliter grandement l’arrêt du jeu : quand le "chef de tribu" se lève et déclare "on arrête", il est beaucoup plus facile pour les enfants d’arrêter avec lui. Un bon moyen de faire décrocher vos enfants dans la tranquillité est de prendre l’habitude de jouer avec eux sur la dernière heure ou demi-heure, de façon à ritualiser et apaiser la fin du jeu. Vous devez prendre cinq minutes pour "débriefer" le jeu, rester assis devant la console, télé éteinte, pour commenter ce que vous avez ressenti. Ce qui amène au conseil suivant :

Conseil numéro 3 :

La troisième étape est de devenir un véritable sommelier du jeu vidéo. Vous n’empêcherez pas vos enfants d’écouter, de lire ou de regarder des navets, mais vous les avez déjà initiés à des chefs-d’oeuvre du cinéma. La différence est que, a priori, vos enfants en ont plus à vous apprendre sur les jeux que vous (c’est la dernière génération où cela sera le cas d’ailleurs). Qu’importe, élevez leur goût, faites-en non pas des consommateurs, mais des critiques vidéoludiques, exactement comme il y a des critiques littéraires et gastronomiques. Il est très important pour le joueur de développer sa subjectivité, de consommer activement le jeu et d’être conscient de ce qu’il ressent, jusqu’à éventuellement pouvoir décrire verbalement ses émotions et ses addictions. Jouer avec vos enfants permet de développer leur sens critique, leur expression orale et leur autosubjectivité, en particulier émotionnelle, mais aussi leur capacité à argumenter : c’est une excellente chose s’ils vous contredisent, cela développe leur aptitude à plaider.

Conseil numéro 4 :

Instaurez des crédits jeux vidéo. L’experte Jane McGonigal l’a parfaitement compris : le problème est qu’aujourd’hui l’école est ennuyeuse alors que les jeux vidéo sont extrêmement stimulants. Si on pouvait transformer l’école en jeu, l’équilibre serait rétabli. S’arrêter de jouer requiert du self-control. Vous devez l’expliquer à vos enfants, au moment de l’arrêt (voir le conseil précédent), leur dire que ce qu’ils ressentent est normal, et que le self-control est une chose noble et difficile. Vous devez récompenser le self-control en conséquence. Pourquoi ne pas instaurer un taux de change entre le travail et le jeu vidéo : un ratio entre 1 et 1,5 en faveur du temps de travail (2 heures de jeu pour 3 heures de travail), que ce soit laver la voiture, tondre la pelouse, aller faire les courses, ou bien sûr faire ses révisions. Les tâches spéciales (gagner trois points de moyenne en maths) doivent avoir des récompenses spéciales (un nouveau jeu ou une nouvelle console).

Conseil numéro 5 :

Diversifiez le régime alimentaire en jeux vidéo. Le cerveau est comme le système digestif, il s’épanouit dans une stimulation diversifiée et souffre dans une stimulation unique, d’où la pénibilité de l’école... Pour le jeu, imposez un certain temps de jeux vidéo qui se pratiquent debout ou sur plateau, les jeux de fitness par exemple. Placer ces jeux en fin de la séance est ainsi un excellent moyen de terminer en douceur pour le cerveau, sans souffrir de la rupture entre jeu et devoirs par exemple. Et si vous pouvez diversifier encore plus le mix alimentaire avec des jeux de construction, de simulation, d’énigmes ou des jeux sérieux, c’est encore mieux. Mais gardez toujours le jeu qui nécessite une dépense physique pour la fin.


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