MosaikHub Magazine

L’échec sans peine

vendredi 9 janvier 2015

Le Nouvelliste | Publié le : 08 janvier 2015////////
Dans le temps, une méthode d’apprentissage des langues proposait « L’anglais sans peine », « L’espagnol sans peine », etc. Après avoir fait le choix de son idiome de prédilection, certains ne déposaient jamais le sésame qui devait leur ouvrir les portes d’un nouveau monde, ailleurs, sous d’autres cieux, la langue du lieu en poche.

On a longtemps admis que les méthodes « sans peine » étaient des best-sellers. Sans nul doute. Mais qui eût cru que le plus répandu ici était « L’échec sans peine » ? En Haïti, chaque Haïtien donne l’impression de connaître sur le bout des doigts chaque recommandation du manuel des procédures de l’échec.

En toute chose, nous sommes devenus les champions du non-aboutissement satisfaisant. « Comment bien faire pour ne pas faire ce que j’ai à faire » est-il le credo, le mantra que l’on récite chaque matin depuis que le serment au drapeau n’est plus obligatoire ? Est-ce vrai que dans le fin fond de nos cœurs sommeille cette petite envie de préférer la dérobade, la débandade, la débâcle au lieu de tout faire pour réussir ?

Tout faire pour réussir implique que l’on doit prendre en compte l’autre. Celui qui n’est pas un parent, ni un être aimé, ni un ami, mais cet autre qui attend de nous un geste pour, à son tour, s’accomplir. Tout faire est compliqué. C’est un dosage. Un apprentissage. Un mécanisme. Un assemblage complexe de principes et de moyens. Echouer est si simple.

Tout faire pour réussir suppose de l’estime de soi, l’existence d’un but, la poursuite d’un objectif. La satisfaction rapide de ses besoins n’est pas un carburant suffisant pour pousser à la recherche de nouvelles frontières. Le parfait accomplissement d’une tâche, quelle qu’elle soit, demande beaucoup. Echouer est si simple.

En acceptant que l’échec nous va bien, ke pito nou lèd nou la, qu’échouer n’aura aucune conséquence, dans tous les domaines et dans tous les camps, ceux qui faillissent ont le vent en poupe. Ils sont à l’aise. Donnent le ton. Inspirent.

Depuis le début de 2015, devant l’évidence du gâchis national, qui ne s’est pas demandé pourquoi nous appliquons si bien les formules de « L’échec sans peine » ?
Il est temps que chacun se débarrasse de ce livre.

AUTEUR

Frantz Duval

duval@lenouvelliste.com


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie