MosaikHub Magazine

10 janvier 1839. Première vente aux enchères de thé indien, à Londres. Succès monstre.

samedi 10 janvier 2015

La filière chinoise menaçant de s’interrompre, les Anglais vont chercher leur drogue quotidienne en Assam.


Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 10 janvier 1839, il y a foule à l’East India House sur Leadenhall Street, à Londres. Des centaines de grossistes en thé et de curieux s’entassent dans la salle où, dans quelques minutes, la première cargaison de thé en provenance d’Inde sera mise aux enchères. Les experts chargés de le goûter l’ont trouvé aussi bon que celui venant de Chine. Et peut-être meilleur !

Avec l’embargo décrété par l’empereur de Chine sur le départ des marchandises en direction de l’Europe, l’Angleterre commençait à tirer la langue. À l’époque, les Anglais sont déjà accros à leur théine. Les priver de leur dose quotidienne serait comme, aujourd’hui, supprimer le Coca aux Américains ou encore la vodka à Depardieu. La nouvelle de l’arrivage d’un thé indien soulève un immense espoir dans tout le pays. Les acheteurs sont donc prêts à en découdre pour arracher quelques précieuses feuilles.

Décoction

C’est une vente à la bougie. Quand la flamme a brûlé un pouce de cire, le marteau s’abaisse. Le dernier surenchérisseur peut repartir avec son lot. Il y a, en tout, 350 livres de thé à vendre. Elles partent en moins d’une heure. Les enchères se déroulent dans un énorme brouhaha. C’est une foire d’empoigne. Chacun tuerait père et mère pour arracher un ballot. Ce premier thé d’Assam arrivé en Angleterre s’arrache entre 28 et 34 schillings la livre. Soit vingt fois le prix payé pour le thé chinois.

Le succès du thé d’Assam doit tout à l’obstination de deux frères écossais nommés Bruce. Tout commence en 1823, quand Robert, l’aîné, mi-explorateur mi-marchand, découvre en Assam que les populations locales boivent une décoction ressemblant au thé. Un chef local l’initie, lui montre la plante, lui donne des graines. Ça a tout l’air d’être du théier. Et, effectivement, ce théier sauvage d’Assam est à ranger dans la même espèce que celle de Chine. Bruce se dit alors qu’il est sur un coup faramineux. S’il parvient à convaincre l’Angleterre de boire du thé indien, alors sa fortune est faite. Il y a juste un petit problème qui entrave son projet : il meurt presque aussitôt après sa découverte. Son jeune frère Charles Alexander prend le relais, il fait envoyer des plants de théier au jardin botanique de Calcutta pour une expertise. Manque de chance, le superintendant du jardin rejette avec mépris les plants en affirmant qu’il ne s’agit pas de thé. Fin du rêve de fortune.

Plants importés de Chine

Une dizaine d’années passent. En 1833, l’East India Company perd le monopole du commerce du thé chinois. Il faut contre-attaquer. Le gouvernement britannique envisage d’établir de grandes plantations en Inde. Mais où ? Une commission du thé est créée. Les fonctionnaires de l’empire britannique sont chargés d’enquêter. L’officier implanté en Assam fait savoir que les conditions sont réunies dans son État. Son adjoint, le lieutenant Charlton, renvoie des plants du théier sauvage trouvé par Robert Bruce à Calcutta, où, cette fois-ci, ils sont identifiés comme étant du thé. Finalement, en 1834, une délégation scientifique débarque en Assam pour étudier le terrain et confirmer qu’il est idéal pour cultiver des théiers. Mais attention, pas la variété cultivée par ces primitifs d’indigènes. Dans un premier temps, les Britanniques veulent planter des plants provenant de Chine.

L’East India Company charge Charles Alexander Bruce de mener à bien les tests de culture avec des ouvriers chinois. Mais c’est un désastre. Les plants chinois ne sont pas adaptés au climat. Alors, Bruce se met à mélanger des feuilles locales avec celles de variété chinoise pour convaincre les papilles britanniques. Mais, dans la tête de Bruce, l’idéal est de cultiver du thé d’Assam et non chinois. Finalement, il parvient à convaincre la commission du thé et le vice-roi Lord Auckland de la qualité du thé local et à en envoyer une première cargaison en Angleterre.

Five o’clock

Les précieuses feuilles sont emballées dans 46 boîtes en étain pour éviter qu’elles ne perdent leur parfum. Puis Bruce les fait ranger dans huit coffres en bois, transportés jusqu’à Calcutta pour y être embarqués à bord d’un navire, en mai 1838. La précieuse marchandise parvient à Londres en octobre. Des experts goûtent le thé avant de donner un verdict favorable. Il est excellent et peut être mis en vente, deux mois plus tard, à l’East India House.

Dans les années qui suivent, l’Assam se couvre de plantations de thé. Très rapidement, le thé indien s’impose devant celui de Chine. Les Anglais en raffolent. Pire que des drogués. En 1840, Anna, la septième duchesse de Bedford, invente la cérémonie du five o’clock tea
C’est également arrivé un 10 janvier

1956 - Elvis Presley enregistre Heartbreak Hotel à Nashville pour RCA.

1929 - Tintin fait sa première apparition dans un feuilleton publié par Le Petit Vingtième. C’est Tintin au pays des Soviets.

1927 - Fritz Lang organise la première de son film Metropolis.

1863 - Ouverture de la première section du métro londonien.

1810 - Napoléon obtient l’annulation de son mariage avec Joséphine de Beauharnais.

1762 - Claude Bourgelat, écuyer et savant français, ouvre la première école vétérinaire à Lyon.

- 49 - Jules César franchit le Rubicon en s’écriant "Alea jacta est" (Le sort en est jeté).


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie