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Martelly, seul maître à bord, reste faible en dépit du support de l’international

mercredi 14 janvier 2015

13 janvier 2015. Sans Parlement, avec un CSPJ décapité, un CEP à monter, un gouvernement de consensus à mettre en place pour assurer la continuité de l’Etat, le président Michel Martelly est seul maître à bord. Enfin, presque. En début de matinée du jour 1, du jour sans, un report tombe. Le rassemblement au Champ de Mars des pro-Martelly n’a pas eu lieu. Pas de triomphalisme, pas de provocation gratuite dans le camp du chef de l’Etat. Le président Michel Martelly a choisi la carte de l’ouverture, de l’apaisement en rencontrant les derniers élus. Avec neuf des dix sénateurs encore en fonction, il a partagé sa vision de l’avenir. La rhétorique, selon les échos de la discussion, est celle d’un président soucieux, préoccupé, qui veut éviter des jours sombres au pays. Le président et les derniers parlementaires élus ont convenu, d’après le sénateur Andris Riché, de se « concerter » sur les grandes décisions engageant la nation.

Sans expliquer comment, avec un Parlement en dysfonctionnement, Andris Riché a indiqué que tout le monde est de retour au Sénat « pour surveiller la gestion des affaires de l’Etat ». Le président autoproclamé des 10 sénateurs -sauf bémol de ses pairs-, d’un optimisme à tout casser, prend, dans la foulée, le contre-pied de ses pairs Steven Benoit et Jean Baptiste Bien-Aimé qui ne sont pas restés jusqu’à la fin de cette réunion à cause, disent-ils, du comportement « irrévérencieux » du président Martelly. « M. Steven est parti. Il a voulu quitter la salle mais je n’ai vu aucun incident malheureux ni malhonnête qui justifie ça », a indiqué Andris Riché alors que le sénateur Benoit, vexé, sans se « plaindre », ni pleurniché, estime avoir été l’objet d’un « manque d’égard » de la part du chef de l’Etat.
Le président Martelly, a expliqué Steven Benoit, lui a dit qu’il « parlait trop fort au palais, chez lui ». « J’étais venu dire au président que les élections doivent se tenir le plus tôt que possible pour ne pas avoir une seule personne à bord. Je veux que mon Parlement revienne avec de bien meilleurs députés et sénateurs », a soutenu le sénateur de l’Ouest qui évoque une nouvelle fois sa proposition de sortie de crise rendue publique et non encore connue par le président.

La question du sénateur au président sur la durée de la réunion et la petite remarque du sénateur invitant le président à l’appeler sénateur et non Steven a fait sortir Martelly de ses gonds qui a déballé quelques gros mots, a confié en off un des sept sénateurs restés jusqu’à la fin de la rencontre. Avant et après l’incident, Martelly « était très correct, il n’avait pas l’arrogance des premiers jours », a ajouté ce sénateur qui qualifie les faits « de petit incident banal qui n’avait pas sa place ». Sans être dupe, ce sénateur attend Martelly au tournant. « Je ne suis pas un enfant. Rien ne dit que le président ne fait pas de l’hypocrisie », a-t-il dit. Les tentatives pour obtenir un commentaire du porte-parole de la présidence sur cet incident sont restées infructueuses.

Le Core Groupe déplore et supporte

En début d’après-midi, comme la note de l’ambassade des Etats-Unis du 11 janvier, le Core Group, dans le communiqué # 17, a exprimé son « support » au président Martelly après avoir « déploré » le dysfonctionnement du Parlement haïtien. Le Core Group est gravement préoccupé par le dysfonctionnement du Parlement à cause de la non-tenue des élections conformément aux échéances constitutionnelles. Dans ce contexte, le Core Groupe a exprimé son support au président de la République dans l’exercice de ses responsabilités constitutionnelle de s’assurer du fonctionnement normal des institutions et la continuité de l’Etat. Dans ces circonstances particulières, le Core Groupe croit que l’exécutif et tous les acteurs politiques agiront avec responsabilité et pondération, selon le communiqué.

Le Core Group accueille favorablement le récent accord conclu entre le président Martelly et plusieurs partis politiques de l’opposition. Dans l’intérêt de la nation, le Core Group invite tous les partis à rejoindre le consensus obtenu à travers cet accord. Reconnaissant les récents efforts du président de la République et d’autres acteurs en vue de reconstruire la confiance dans le processus politique, le Core Group appelle les acteurs à poursuivre de toute urgence les négociations dans le but de former un gouvernement de consensus et de monter un CEP dans l’esprit de l’article 289 de la Constitution pour organiser, le plus tôt qu’il sera techniquement possible en 2015, des élections inclusives, honnêtes et transparentes pour consolider la démocratie et la stabilité.

Les perspectives peuvent changer, la politique est dynamique

En off, une source à l’ambassade des USA en Haïti, très active ces derniers jours pour que Martelly fasse des concessions, a souligné la nécessité de continuer à travailler avec le gouvernement haïtien. « Depuis des années, nous avons dit qu’il fallait tout faire pour éviter ce vide institutionnel. Beaucoup de monde ne voulait pas que cela arrive. Il faut faire avec », a-t-elle dit, ajoutant que les projets de développement financés par les Etats-Unis se poursuivront. Cette source ne considère pas comme une « ingérence » la présence de Pamela A. White au Parlement le 11 janvier au soir. « Haïti est un pays allié, un partenaire », a souligné cette source qui a refusé de dire s’il faut s’attendre à un changement de position des Américains, comme cela a été le cas en 2004, quand Colin Powell, secrétaire d’Etat américain avait soutenu le pouvoir du président Jean-Bertrand Aristide pour ensuite virer sa veste. « On ne peut pas spéculer, ni répondre à des questions hypothétiques », a-t-elle dit avant une nuance : « En général, la politique change ». « Il n’y a rien de permanent. On peut changer les perspectives. Il faut évaluer la situation », a souligné cette source qui insiste : « Il faut organiser les élections le plus rapidement possible ».

CEP, le temps des consultations

Entre-temps, des consultations pour désigner des représentants au CEP alimentent des discussions parfois houleuses, comme au sein du secteur syndical. Seul maître à bord, Michel Martelly regarde l’horizon avec les consensus qui prennent forment et une contestation susceptible de se radicaliser. D’autant que certains de ses opposants l’accusent d’avoir manœuvré et donné le coup de grâce au Parlement en demandant à ses alliés au grand Corps de ne pas participer à la séance de la dernière chance le 11 janvier. Ces opposants n’évoquent pas toujours la situation de ce Parlement, englué dans ses conflits internes, ses contradictions handicapantes avant de rendre son dernier souffle à la mer, au Bicentenaire, un soir de janvier, à un moment où la marée des soucis était haute alors qu’un seul homme, Michel Martelly, se retrouve au gouvernail du navire d’Haïti qui raffole des récifs.

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com


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