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« J’assume la responsabilité de cette situation… », dixit Michel Martelly

dimanche 18 janvier 2015

Plus qu’un message solennel. Une adresse à la nation et à la communauté internationale. Diriger le pays avec les dix sénateurs encore en poste, intégrer l’opposition dans le nouveau gouvernement, amender la Constitution… Michel Martelly s’est bien fait comprendre. Au palais national, vendredi après-midi, devant le gratin du corps diplomatique, les grands commis de l’Etat, des sénateurs en fonction, des leaders politiques de l’opposition, d’anciens parlementaires et le secteur privé des affaires, Michel Martelly a reconnu sa responsabilité dans la crise et a promis de terminer son quinquennat sous de bien meilleures notes.

Michel Martelly et Evans Paul côte à côte et seuls recevant les honneurs présidentiels de la fanfare du palais national. Symbolique, mais fort en signification. C’est de cette façon que le chef de l’Etat a signé officiellement l’entrée en fonction de son nouveau Premier ministre au timon des affaires. Devant le corps diplomatique au complet, le président Martelly a pour une fois et pour la première fois cessé de rejeter la responsabilité de la crise sur uniquement l’opposition politique. Après 44 mois au pouvoir, il se hisse au rang d’un chef de l’Etat responsable.

« Fort de ces constats qui nous interpellent tous dont nous sommes tous responsables, j’assume également aujourd’hui en tant que président de tous les Haïtiens sans distinction et le premier citoyen de la nation, la responsabilité de cette situation… », a-t-il dit.

Au début de son message solennel, le chef de l’Etat a campé l’Haïti de son rêve. Un pays sans inégalité sociale où il fait bon vivre pour tout le monde. En prenant le pouvoir le 14 mai 2011, environ un an après le tremblement de terre dévastateur, il dit avoir eu à ce moment-là la conviction de profiter de l’opportunité du séisme pour reconstruire non seulement l’espace physique « mais surtout refonder la nation, réorganiser l’Etat et créer l’environnement propice à la mise en route d’une véritable dynamique de croissance et la prospérité au bénéfice de tous les citoyens… » Michel Martelly a avoué qu’il a échoué en ce sens.

Il a avoué aussi avoir échoué après trois ans de lutte pour le maintien du Parlement. « 28 ans après l’adoption de la Constitution, nous peinons encore à mettre en place l’ensemble des institutions que notre Charte fondamentale avait prévues », a-t-il dit sous le regard attentif des représentants de la communauté internationale.

Martelly veut amender la Constitution

Michel Martelly a annoncé un nouvel amendement de la Constitution avant la fin de son mandat. « Je compte également conduire très prochainement un large débat sur notre Charte constitutionnelle, en vue de réfléchir au plus tôt aux amendements nécessaires pour en moderniser le cadre et l’efficacité, a-t-il signalé. Ces amendements seront introduits au moment opportus en respectant les règles prévues dans notre Charte fondamentale. »

« Dans tous nos travaux de réflexion, je compte également constituer des groupes, qui incluront des représentants de toutes tendances et idéologies politiques, en vue de systématiser les pratiques de dialogue qui nous ont trop souvent manqué et ont paralysé la vie publique », a-t-il expliqué. Pour éviter tout malentendu sur les motivations derrière cette initiative, s’est-il empressé de préciser, je tiens à souligner haut et fort que je respecterai l’article 134.3 de la Constitution qui empêche un président de se succéder à lui-même et qu’en aucun cas, je ne serai candidat aux prochaines élections. »

« Nous sommes condamnés à vivre ensemble dans l’unité, la paix, la tolérance et le respect des uns et des autres », a-t-il dit. Selon le chef de l’Etat, en priorisant ce qui rassemble et en minimisant ce qui nous divise, « nous pouvons étonner le monde et faire taire nos détracteurs ».

« La faiblesse de nos institutions, en particulier le dysfonctionnement de la 49e législature, ne peut pas et ne doit pas durer », a fulminé le chef de l’Etat. Il faut corriger ces défaillances, a-t-il dit, soulignant que le grand perdant de la crise n’est autre que le pays. La méfiance a un impact dévastateur sur la nation, a-t-il ajouté.

Cohabiter au pouvoir, Martelly ouvre ses bras

Selon le président, le dialogue qu’il a entamé avec l’opposition politique « est une preuve concrète qu’au-delà de nos divergences, les Haïtiens ont la capacité de s’unir pour un objectif commun. Dans cet ordre d’idées, j’ai décidé d’instaurer un dialogue permanent avec les sénateurs restant et de les consulter régulièrement sur toutes les grandes questions d’intérêt général », a promis le président de la République.

Outre les démissions recommandées par la Commission consultative, Michel Martelly a souligné qu’il a accepté d’entamer « un vrai dialogue avec l’opposition constructive et représentative et de les associer dorénavant à la gestion du gouvernement jusqu’à l’issue de mon mandat. J’ai ainsi choisi pour Premier ministre l’une des personnalités les plus visibles et représentatives de l’opposition. Je remercie Monsieur Evans Paul d’avoir accepté la lourde charge de chef du gouvernement pendant la période électorale », a-t-il expliqué.

M. Martelly a fait remarquer qu’il a négocié et signé un accord avec une trentaine de partis politiques « pour m’assurer que la composition du prochain gouvernement ainsi que sa gestion dans cette cruciale période électorale refléteront intégralement ce désir de rapprochement avec l’opposition et de rassemblement de toutes les âmes de bonne volonté dans la poursuite de l’objectif commun. Dans les prochaines 48 heures, le gouvernement de consensus sera annoncé. »

« Je reconnais, a-t-il avancé, le droit de tous ceux qui ont choisi la voie des manifestations pacifiques pour exprimer leurs revendications et leurs frustrations. Toutefois, je réitère mon invitation (et j’insiste) à rejoindre la table du dialogue qui permettra de mieux comprendre leurs aspirations et de formuler des réponses collectives à ces demandes. »

Le président Martelly a fait savoir que le nouveau CEP sera constitué la semaine prochaine et commencera aussitôt à se pencher sur l’inventaire des travaux déjà accomplis, revoir la loi électorale et planifier les prochaines élections législatives, locales et présidentielle. « Je réaffirme ici mon engagement à mettre tout en œuvre pour la réalisation d’élections honnêtes, crédibles et participatives », a-t-il dit.

Evans Paul se veut un Premier ministre d’ouverture

Evans Paul, fier aux côtés du chef de l’Etat au palais national, a promis de laisser toutes les portes ouvertes. Il se dit disposé à entendre l’opposition, même les plus extrémistes. « La formation du gouvernement de consensus est presque acceptée par tous, a-t-il dit aux journalistes après le message du président. Le gouvernement sera formé avec des figures de l’opposition de différentes tendances. C’est une preuve de notre capacité d’aller au-delà de nos intérêts particuliers en priorisant le pays et la stabilité politique. Je lance un appel à l’endroit du peuple haïtien qui doit choisir la meilleure voie. La confrontation n’a jamais donné de résultats. Il faut exclure le chaos et rechercher le dialogue et la concorde… »

Le Premier ministre fraîchement installé s’est fixé deux objectifs fondamentaux. D’abord, l’organisation d’élections démocratiques. Et, ensuite, la continuité de l’Etat. « Nous serons guidés par notre humilité, notre sérénité, notre perspicacité… » Evans Paul se considère comme un Premier ministre de « salut public déterminé à servir la cause du peuple, la cause de la démocratie et la cause d’Haïti. »

Ce vendredi soir 16 janvier 2015, Evans Paul, militant politiqué avéré, défenseur de la démocratie… entre dans l’histoire comme un Premier ministre de facto qui n’a pas eu la bénédiction du Parlement comme le veut la Constitution du pays.

AUTEUR

Robenson Geffrard

rgeffrard@lenouvelliste.com


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