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Un discours de Martelly qui fera date

dimanche 18 janvier 2015

C’est un président que l’on croyait totalement dépassé par les événements des dernières semaines qui a tenté de rebondir vendredi en allant de l’avant. Michel Martelly, dans une adresse à la nation, a reconnu ses torts devant l’impasse institutionnelle que vit le pays et a annoncé de nouvelles résolutions.
« J’assume en tant que président de tous les Haïtiens, sans distinction, et de Premier citoyen de la nation, la responsabilité de cette situation », a dit le président dans son discours après avoir fait le rappel des éléments de la crise.
Le président a annoncé avoir « décidé d’instaurer un dialogue permanent avec les sénateurs restants et de les consulter régulièrement sur toutes les grandes questions d’intérêt général ».
Il dit aussi avoir « accepté d’entamer un vrai dialogue avec l’opposition constructive et représentative et de les associer dorénavant à la gestion du gouvernement jusqu’à l’issue de (son) mandat. »
Rappelant qu’il a négocié et signé un accord avec une trentaine de partis politiques, pour s’assurer que la composition du prochain gouvernement ainsi que sa gestion pendant cette cruciale période électorale refléteront intégralement le désir de rapprochement avec l’opposition et de rassemblement de toutes les âmes de bonne volonté dans la poursuite de l’objectif commun, le président a glissé, en deux phrases, les annonces essentielles du jour.
« Dans les heures qui suivent, le PM Paul prendra officiellement fonction. Et dans les prochaines 48 heures, le gouvernement de consensus sera annoncé », a annoncé le président qui, le soir même, a installé Evans Paul à la primature dans une de ces opérations champwèl comme K-Plim aimait les dénoncer.
Pour ce qui est des élections à venir, le président Martelly a tenu à « réaffirmer son engagement à mettre tout en œuvre pour la réalisation d’élections honnêtes, crédibles et participatives »
N’ayant pas de bâton, le président a promis des carottes aux partis politiques. « Les amendements indispensables à la loi électorale pour l’adapter à la conjoncture et aux réalités actuelles seront apportés aussitôt après l’installation du nouveau CEP. Ils devront inclure obligatoirement les provisions pour un financement adéquat des partis politiques », a expliqué le président.
Plus loin, Michel Martelly a précisé que « l’accord politique signé avec l’opposition prévoit que les partis jouissant de légitimité et de représentativité bénéficieront d’un financement approprié pour leurs opérations. Cette précision ne dit pas qui et comment on fera le tri entre les partis, les particules, les amis et les ennemis pour départager l’argent public.
Pour le Conseil électoral qui sera monté dans les prochains jours, il « n’inclura aucun membre du personnel de l’Etat ni aucune personnalité politique et partisane », a reconfirmé le chef de l’Etat.
Comme pour tout discours, il y a eu une section inattendue. Le président de la République a ainsi proclamé : « Je compte également conduire très prochainement un large débat sur notre charte constitutionnelle, en vue de réfléchir au plus tôt aux amendements nécessaires pour en moderniser le cadre et l’efficacité. Ces amendements seront introduits au moment opportun en respectant les règles prévues dans notre charte fondamentale. »
Il a tenu à dire que, « pour éviter tout malentendu sur les motivations derrière cette initiative, je tiens à souligner haut et fort que je respecterai l’article 134.3 de la constitution qui empêché a un Président de se succéder à lui-même et qu’en aucun cas, je ne serai candidat aux prochaines élections. »
L’annonce de cette réflexion sur la Constitution de 1987, récemment amendée et très mal en point, étonne. Le président Michel Martelly avait jusqu’en septembre 2014 pour présenter une déclaration d’amendement. Il ne l’a pas fait. On ne peut produire la prochaine déclaration d’amendement qu’à la fin de la 50e législature, si on respecte le Titre XIII de la charte fondamentale en vigueur, particulièrement l’article 282.1 qui stipule : « Cette déclaration doit réunir l’adhésion des deux (2/3) de chacune des deux (2) Chambres. Elle ne peut être faite qu’au cours de la dernière Session Ordinaire d’une Législature et est publiée immédiatement sur toute l’étendue du Territoire. » Le délai légal est dépassé et les Chambres inexistantes depuis le 12 janvier 2015
Toute introduction d’amendement en respect de la constitution ne peut être proposée qu’à la fin de la 50e législature dans quatre, cinq ou six ans, tout dépendra de la date de tenue des prochaines élections.
L’amendement voté ne pourra entrer en application que sous le président qui sera élu dans six ou douze ans….
Le président Martelly, en évoquant des changements dans la Constitution, pense-t-il à un changement de constitution ? Pense-t-il convoquer une Constituante ?
Pour ce qui est du respect de l’article 134.3, là encore, comme il ne peut y avoir d’amendement ni sous Martelly ni sous son successeur… pourquoi en parler ?
Pour une source haut placée, proche du président, interrogée après le message à la nation, le président Martelly a été mal compris. « Il ne souhaite que provoquer un débat, des réflexions ». « Le président de la République respectera scrupuleusement la constitution en vigeur et ses procédures d’amendement », insiste-t-elle.
Dans ses mots de conclusion, le président a rappelé que, « le premier pas vers la sagesse est certainement l’humilité et la recherche du compromis. C’est ce qui devra guider la conduite des affaires publiques au cours du restant de mon mandat de président de la République ».
Il a en outre dit que « pour faire face aux grands et multiples défis de l’année 2015, il est impératif que les « filles et les fils d’Haïti » se retrouvent et s’entendent sur l’essentiel, le fondamental et le durable ».

AUTEUR

Frantz Duval

duval@lenouvelliste.com


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