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Barack Obama impose son rythme au Congrès

lundi 19 janvier 2015

L’accueil devrait être glacial. Mardi soir 20 janvier, le président Barack Obama prononcera son avant-dernier discours sur l’état de l’Union devant un Congrès désormais entièrement aux mains des républicains. Il est très peu probable que ces derniers le trouveront à leur goût, tant le président a multiplié les initiatives depuis la sévère défaite démocrate, le 4 novembre 2014, marquée par la perte du contrôle du Sénat et de plusieurs postes de gouverneur. Libéré de toute échéance électorale jusqu’à la fin de son second mandat, M. Obama, souvent critiqué pour son attentisme, imprime désormais à sa présidence un rythme soutenu.

Après la déroute, il avait remis de l’ordre dans son administration en remplaçant son ami Eric Holder, attorney général (ministre de la justice) des Etats-Unis depuis 2009, et son secrétaire à la défense, Chuck Hagel, en poste depuis 2013. Et il s’était consacré à des dossiers fort peu consensuels : l’environnement, l’immigration et la politique étrangère avec, notamment, la normalisation inattendue des relations avec Cuba, après plus d’un demi-siècle d’isolement. Tous lui ont valu les critiques des républicains. Depuis le début de l’année, il ne cesse de parcourir les Etats-Unis en concentrant son message sur la situation de la classe moyenne américaine, déclinant à l’avance les thèmes qu’il devrait reprendre dans son intervention de mardi.

Taxer plus les Américains les plus aisés

M. Obama accumule depuis des mois les proclamations de victoire au rythme de la baisse du chômage, qui est revenu fin 2014 au niveau de l’été 2008, à la veille de son élection. Mais la stagnation des salaires (ils ont même baissé en décembre) les a rendues inaudibles, et le président ne peut revendiquer la seule vraie nouvelle concrète pour les salariés modestes que constitue l’effondrement des prix du pétrole. Cette chute s’est traduite par un gain immédiat en termes de pouvoir d’achat.

La frustration de cette classe moyenne, qui ne tire jusqu’à présent pas ou peu de bénéfices de la reprise économique, a été évoquée pour expliquer la démobilisation démocrate à l’origine des revers de novembre. Après des annonces en faveur du logement, de la gratuité de l’enseignement supérieur et de la généralisation de jours d’arrêt maladie pour les salariés qui n’en disposent pas, l’administration Obama a dévoilé, le 17 janvier, un projet de réforme fiscale visant à supprimer des niches pour pouvoir taxer plus fortement les Américains les plus aisés et mettre à contribution les plus grandes banques. L’objectif est d’alléger les impôts pour les plus modestes, ce que le journaliste du Washington Post Matt O’Brian a résumé d’une formule : « du Piketty avec un accent américain ». Un angle d’attaque peu susceptible de séduire les républicains si l’on en croit leurs premières réactions, alors qu’ils jugent pourtant eux aussi nécessaire une refonte du code des impôts.

Guerre de mouvement

La multiplication des annonces présidentielles dit clairement que M. Obama n’est pas décidé à attendre le fruit de négociations nécessairement ardues avec la majorité républicaine du Congrès, mais qu’il a choisi, au contraire, de la placer devant des faits accomplis, espérant jouer de ses divisions. Il utilise à cet effet les pouvoirs exécutifs dont il dispose et a déjà indiqué qu’il était prêt à mettre son veto aux lois du Congrès qui n’emporteraient pas son adhésion. Cela vaut pour la question, devenue hautement symbolique, de l’oléoduc géant Keystone XL, destiné à relier le Canada aux Etats-Unis, principalement parce qu’il estime que la Chambre des représentants et le Sénat empiètent sur ses prérogatives en tentant de lui forcer la main, comme pour la modification de la définition du travail à plein temps (pour passer de 30 à 40 heures hebdomadaires), dont l’objectif est de contribuer à vider de sa substance sa réforme de la santé.

M. Obama n’est pas décidé à attendre le fruit de négociations ardues avec la majorité républicaine du Congrès. Il a choisi, au contraire, de la placer devant des faits accomplis, espérant jouer de ses divisions

Dans cette guerre de mouvement, le président a incontestablement l’avantage, même s’il a dû se résigner à un compromis avec les responsables du Congrès en décembre pour obtenir le financement de l’Etat fédéral jusqu’en septembre. La direction du Parti républicain, désireuse de démontrer son sens des responsabilités dans la perspective de l’élection présidentielle de 2016, tarde à trouver une réponse adaptée, ce qui accroît l’exaspération de son aile droite, pour laquelle les succès des midterms ont validé une tactique d’opposition frontale.

Des membres de cette aile droite avaient même souhaité, après l’annonce, le 20 novembre, par le président d’un dispositif temporaire pour tirer de la clandestinité des millions de clandestins majoritairement hispanophones, que le « speaker » de la Chambre, John Boehner, n’adresse pas d’invitation à M. Obama à se rendre au Congrès pour prononcer le traditionnel discours. Le représentant de l’Ohio s’était bien gardé de donner corps à cette idée.

Il reviendra mardi soir à l’une des nouvelles figures républicaines, la sénatrice de l’Iowa Joni Ernst, de répondre au président, après la représentante de l’Etat de Washington Cathy McMorris Rodgers en 2014, et le sénateur Marco Rubio en 2013. Un honneur redoutable pour celle qui promettait de faire « couiner Washington » pendant la campagne des midterms et qui devra faire la preuve de sa capacité à rivaliser avec un orateur de la force de Barack Obama.


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