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Reconstruire le Canado en 12 mois, pari gagnant d’une firme haïtienne

jeudi 22 janvier 2015

Le 12 janvier 2010, l’année de ses 42 ans, le Collège canado-haïtien a valsé avant de s’effondrer. Mi 2013, après avoir déchiré leurs bas de laine et mis plus de 3 millions de dollars us sur la table, les frères du Sacré-Cœur ont fait plusieurs paris gagnant-gagnant. Ils ont montré la voie en confiant ce chantier à Expert Concept, une firme de construction haïtienne en mal de challenge, pour que ce collège, l’un des creusets de la formation de l’intelligentsia haïtienne, vive, continue à servir la communauté en toute humilité, sans renier l’esprit Canado : Excelsior.

Peu d’architectes s’extasieront devant le nouveau bâtiment logeant le Collège canado-haïtien, mis en service mi-2013, trois ans après le séisme du 12 janvier 2010. Sacrifier le beau sur l’autel de l’utilitaire ne nuit en rien à « l’esprit Canado » qu’un mot résume : Excelsior. On assume. « Notre objectif n’était pas de reconstruire un bâtiment pour épater la galerie mais pour le service », a expliqué le directeur général du collège, frère William Colin, sans prendre ombrage.

Le mérite des frères du Sacrée-Cœur, 70 ans de présence en Haïti, dont 46 à faire de ce collège l’un des creusets de la formation de l’intelligentsia haïtienne, est ailleurs. Parce qu’il était important de reconstruire pour que les élèves laissent le local loué à Babiole et revenir à l’alma mater, les frères ont fait un pari gagnant-gagnant en confiant la reconstruction de ce bâtiment comptant 25 salles de classe sur cinq niveaux à une firme de construction haïtienne, Expert Concept.

Pour le frère William Colin, satisfait du travail de cette firme, il fallait donner l’exemple, « modestement ». « Canado l’a fait en montrant que la vraie reconstruction ne passe que par l’Haïtien », a-t-il dit, refusant de parler de chiffres. Ce n’était pas de son ressort, a expliqué William Colin, qui souligne que la construction n’est pas terminée, que les efforts pour que l’école redevienne comme elle était avant le tremblement de terre sont en cours.

L’autre pari gagnant-gagnant

L’autre pari gagnant-gagnant est celui d’Expert Concept, a confié Monique Duperval, le P.D.G. de cette firme. La construction du Canado, en 12 mois, pour plus de trois millions de dollars us était un « challenge ». Un « saut qualitatif » pour montrer qu’une firme de construction haïtienne pouvait réaliser ces travaux et les faire « à meilleur coût », a souligné Monique Duperval, qui a mis en avant « la relation de confiance entre la firme et les frères ». « Les honoraires étaient fixés au plus bas, au seuil du raisonnablement possible, comme si c’était ma construction », a expliqué la patronne de ce chantier réalisé sur quelque 5 000 m2, décroché sans appel d’offres, grâce aux bonnes relations développées avec les frères suite à la construction d’un bâtiment de cinq niveaux pour le compte de Canado technique.

Pour le Collège Canado, il faillait trouver des solutions à chaque problème dans le contexte haïtien d’une construction de cette importance afin de respecter le délai de livraison. Le bâtiment est parasismique, a indiqué Monique Duperval, révélant avoir placé des murs de refend en béton armé de la fondation jusqu’au dernier étage. Expert Concept, qui avait reçu des frères des croquis sur l’architecture du collège, est une firme de construction d’une soixantaine d’employés. Elle a pris progressivement du galon depuis sa création en 1998 avec aujourd’hui un portefeuille de contrats annuels d’un peu plus de 8 millions de dollars américains, grâce à des chantiers comme celui du Collège Canado, achevé ou le prochain local de Unicef en construction à Turgeau

L’école habite ses élèves

Ce n’est pas peu dire. « Canado, c’est une seconde vie », a confirmé Woody Cassis, responsable du comité des anciens. Ses années au Canado, entre la cour de l’école, les rendez-vous volley ball, basket-ball sont gravés en vous, a-t-il dit, se rappelant ce jour quand un ancien du Canado, Frantz Duval, a posté les premières photos de l’école qui s’est effondrée pendant le séisme. « Ces images-là et d’autres prises après avaient bouleversé beaucoup d’anciens », témoigne Woody Cassy, professeur d’informatique au Canado. Entiché du bâtiment de son enfance, Woody Cassis est cependant content de la reconstruction du collège. Il a souhaité plus, souhaité mieux mais ne crache pas sur l’effort des frères du Sacré-Cœur d’Haïti qui ont rassemblé leurs économies, sans le support du comité des anciens, pour trouver ces trois millions de dollars pour reconstruire l’école.
L’école, « c’est un symbole rétabli », a estimé Teddy Kesser Mombrun, médecin et célèbre caricaturiste au journal Le Nouvelliste. Certains personnages d’Alain Posib ont habité son vécu d’élève au Canado.

L’humoriste Kako Bourjolly souligne de son côté que cette école « est une partie de sa vie ». Des professeurs comme M. Pierre-Louis, Abdallah, maître Mario, M. Monfort, professeur de physique et de volley-ball ont « forgé » toute la personnalité du gamin habitant à deux minutes de l’école. Le séisme, vécu comme un drame, avait suscité de l’impuissance chez beaucoup d’anciens, frappés par la catastrophe et incapables de mettre la main à la poche pour aider à la reconstruction de l’école. « C’était troublant de voir l’école devenir un pancake », a-t-il illustré. Reconnaissant envers les frères, l’humoriste souligne avec fierté le fait que le Canado a été reconstruit avant beaucoup d’autres institutions publiques et d’églises. Pour Kako Bourjolly, ce nouveau bâtiment « est un signe du renouveau », l’illustration parfaite que « l’Haïtien ne se décourage jamais ».

AUTEUR

Roberson Alphonse

robersonalphonse@lenouvelliste.com


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