MosaikHub Magazine

23 février 1885. Par trois fois, le bourreau foire la pendaison de John Lee qui est gracié !

lundi 23 février 2015

Trois fois de suite, la trappe sous le condamné refuse de s’ouvrir bien que le mécanisme ait été vérifié. Incompréhensible !


Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

L’exécuteur anglais James Berry n’y comprend plus rien. Cela fait trois fois qu’il déclenche l’ouverture de la trappe sous les pieds du condamné John Lee, 20 ans. Et cela fait trois fois qu’elle refuse de s’ouvrir. Il croit devenir fou. Mais, bon Dieu, il le connaît son boulot ! N’a-t-il pas déjà expédié plusieurs dizaines de criminels dans l’autre monde ?

Tout a pourtant bien débuté, ce matin-là. On lui a délivré au pied de la potence un condamné bien préparé. Les mains liées par une ceinture et une capuche blanche, très seyante, autour de sa tête. Qui plus est, John Lee paraît accepter son sort avec fatalisme. Tout devrait marcher comme sur des roulettes. Un aide du bourreau fait avancer Lee sur la trappe fermée, puis lui passe la corde autour du cou.

Pour ceux que la technique intéresse, précisons qu’il y a deux façons de pendre un homme. La pendaison avec chute (technique du long drop) employée par les Anglo-Saxons : l’interruption brutale de la chute par la corde provoque une rupture des vertèbres cervicales. L’arrachement de la moelle épinière se traduit par une mort quasi immédiate. La pendaison sans chute : le condamné est hissé au bout de la corde, ce qui provoque un écrasement des veines jugulaires. Le sang ne peut plus circuler, provoquant oedème et cyanose. Simultanément, les deux artères carotides sont écrasées, ce qui entraîne une perte de connaissance rapide.

Stupeur

Fermons la parenthèse, car John Lee commence à s’impatienter. Mais le bourreau a encore un devoir à accomplir. Il demande au condamné s’il n’a pas une dernière déclaration à faire. Celui-ci répond de manière laconique : "Non, déclenchez l’ouverture !" Le bourreau abaisse le levier censé commander l’ouverture de la trappe. Rien ne se passe. Celle-ci reste fermée. Stupeur de l’assistance. Les aides du bourreau se précipitent pour piétiner la trappe récalcitrante. Rien à faire. Elle reste fermée. C’est incompréhensible.

John Lee est raccompagné dans sa cellule tandis que le mécanisme de la trappe est examiné. Apparemment, il fonctionne à la perfection. Le condamné est ramené. Une deuxième fois, James Berry actionne le levier. Toujours rien ! La trappe refuse de basculer. C’est à devenir dingue. De honte, le bourreau a envie de se pendre. Quant à John Lee, il commence à trouver le temps long. Une nouvelle fois, on emmène le prisonnier. Une nouvelle fois, on teste le mécanisme. Une nouvelle fois, il donne toute satisfaction. Une nouvelle fois, Lee est placé sur la trappe. Et une nouvelle fois, elle refuse de s’ouvrir.

L’aumônier qui assiste à l’exécution rappelle qu’après trois tentatives ratées de pendaison, la loi anglaise interdit d’en faire une quatrième. John Lee retrouve, cette fois définitivement, sa cellule. La mort n’a pas voulu de lui. Serait-il vraiment innocent ? Et Dieu existerait-il vraiment ? Après plusieurs jours d’attente, le ministre de l’Intérieur de Grande-Bretagne, Sir William Harcourt, transforme la condamnation à mort de John Lee en détention à vie.

Enquête rapide

John Lee a été condamné pour le meurtre de Miss Emma Keyse, 68 ans, chez qui il travaille comme domestique. Le cottage se situe à Babbacombe, dans le South Devon. Tous les autres serviteurs sont des femmes dont sa demi-soeur Elizabeth Harris. C’est du reste elle qui le fait engager par Miss Keyse à sa sortie de prison à l’automne 1884. Il avait écopé de six mois de détention pour vol. Peu de temps après son arrivée, le 15 novembre, vers 4 heures du matin, une épaisse fumée envahit le cottage. Les domestiques se lèvent précipitamment. Certains vont chercher du secours chez les voisins. La maîtresse de maison est retrouvée dans le salon, morte au milieu des flammes. Elle a été égorgée et porte trois blessures à la tête. La présence de papiers enduits de paraffine autour de son corps indique que son assassin a mis le feu pour cacher les traces de son crime.

La police locale mène une rapide enquête. John Lee, le seul homme du cottage est immédiatement soupçonné. D’autant que la présence d’une blessure au bras renforce leurs soupçons. Le jeune homme a beau protester qu’il s’est blessé en cassant un carreau pour aérer le salon rempli de fumée, personne ne le croit. Il est embarqué illico, puis jugé le 2 février à Exeter. Vingt-huit témoins le chargent sans qu’il juge bon de se défendre. Trois jours plus tard, l’affaire est dans le sac, Lee est condamné à être pendu. Ce qui semble ne même pas l’émouvoir. Le juge s’étonne. "La raison qui fait que je reste calme, c’est que je crois en Dieu et il sait que je suis innocent." Apparemment, il a tapé juste puisque trois semaines après, Dieu s’arc-boute par trois fois sous la fameuse trappe.

Coupable idéal

Après la commutation de sa peine en perpète, Lee est transféré à la prison de Portland pour purger sa peine, où il continue de clamer son innocence. Finalement, la presse s’empare de son cas, l’opinion publique s’émeut. Effectivement, sa condamnation n’est basée que sur du vent : le fait d’avoir été le seul homme sur place et une blessure au bras parfaitement explicable. En décembre 1907, il finit par être libéré après 23 ans de détention. Il retourne vivre dans le Devon, publie une autobiographie qui le rend célèbre. Il multiplie alors les conférences dans le pays pour raconter son expérience extraordinaire. Il se marie, déménage à Londres où il occupe un emploi de barman. Son épouse lui donne un premier enfant.

En 1911, John Lee disparaît. Son épouse, pourtant enceinte d’un deuxième enfant, lui aurait dit d’aller se faire pendre ailleurs. On retrouve sa trace aux États-Unis avec une autre femme, qu’il fait passer pour son épouse. Il serait mort à 80 ans passés, le 19 mars 1945, à Milwaukee. Soixante ans après avoir miraculeusement survécu à sa pendaison.

C’est également arrivé un 23 février

2003 - Suicide du célèbre cuisinier étoilé Bernard Loiseau.

1991 - Violentes émeutes à La Réunion à suite de l’interdiction de Télé Free Dom par le CSA. Bilan : 11 morts.

1958 - Durant le deuxième Grand Prix de Formule 1 de Cuba, le coureur argentin Juan Manuel Fangio est kidnappé à son hôtel sur ordre de Castro.

1899 - Paul Déroulède tente un coup d’État pendant les obsèques du président Félix Faure.

1775 - Première présentation du Barbier de Séville de Beaumarchais au palais des Tuileries.

1716 - À Paris, un directeur des pompes est nommé pour organiser les secours en cas d’incendie.

1530 - Charles Quint est couronné roi d’Italie par le pape Clément VII.

1515 - Tous les enfants nés en France de parents étrangers se voient accorder le droit du sol).

1455 - Première impression de la Bible de Gutenberg. Le premier livre imprimé en série en Europe.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie