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« Haïti doit recouvrer sa place dans le tourisme mondial

vendredi 27 février 2015

En marge de l’ouverture mardi de l’hôtel Marriott à Port-au-Prince, la matinale de Magik 9, Panel Magik, a décidé pour sa 4e sortie de la semaine, ce jeudi 26 février 2015, de donner un gros coup de projecteur sur le tourisme en recevant en direct des acteurs du secteur tels que la ministre Stéphanie B. Villedrouin, Richard Buteau, président de l’Association touristique d’Haïti (ATH), et Maarten Boute, chairman de la Digicel en Haïti.

Tous les invités ont été unanimes à le reconnaître : l’ouverture de l’hôtel va changer la donne du secteur hôtelier en Haïti. Le témoignage le plus poignant est venu du président de l’ATH, Richard Buteau, lui-même propriétaire de plusieurs hôtels, qui s’est dit très reconnaissant que Digicel ait accepté de débourser 45 millions de dollars. Pour lui, c’est un pari, un défi. « Haïti a tout à gagner […] Haïti s’ouvre maintenant au monde », a déclaré Buteau qui, selon ses dires, espère que ce succès pourrait se répliquer au reste du pays.

Pour sa part, la ministre du Tourisme, Stéphanie B. Villedrouin, a exprimé sa double satisfaction pour, d’une part, l’ouverture de cet hôtel à Port-au-Prince – ce qui n’était pas arrivé depuis fort longtemps – et, d’autre part, pour la rapidité avec laquelle l’hôtel Marriott a été construit. En effet, les travaux ont duré à peu près deux ans. Une première dans la Caraïbe.

Plus que le bâtiment, déjà impressionnant en lui-même, la ministre avoue avoir été éblouie lors de sa visite du « back office » de l’hôtel. A l’en croire, ces installations élèvent la barre très haut au niveau de la standardisation. Elle en a profité pour apporter une petite clarification concernant le décernement des hibiscus par son ministère aux différents hôtels du pays.

« Notre classification [hibiscus] prend en compte le bâti et les espaces dans les chambres, les espaces de piscine […] Marriott vient d’ajouter une autre composante, c’est la technologie », a-t-elle fait savoir tout en invitant les autres hôtels à prendre en exemple cette technologie.

Tout en se frottant les mains pour cette belle réalisation, les invités ont, d’une seule voix, lancé un appel aux politiques pour qu’ils pensent, un tant soit peu, à protéger ces investissements qui se font surtout dans le secteur touristique. Car, si nous faisons fuir les touristes, les hôtels n’auront plus le choix que de mettre les clés sous la porte. « Le secteur est fragile », concède Richard Buteau qui, du haut de ses 29 ans dans le secteur, en est un fin connaisseur.

« Haïti doit recouvrer sa place dans le monde touristique […] Haïti a un atout, une compétitivité car elle a une culture, une histoire, une vibration introuvables ailleurs. A nous de savoir comment les exploiter », a martelé le président de l’ATH.

Pour y parvenir, la ministre Villedrouin a rappelé qu’elle et son équipe, depuis tantôt deux ans, s’attellent au repositionnement d’Haïti au niveau des foires internationales notamment. Autres initiatives prises par la très remuante ministre, le lancement ce mercredi d’une campagne de promotion sur sept chaînes de télévision dans la région de New York. Cette campagne est constituée de 1 700 spots par mois pour une durée de cinq mois. Elle a été rendue possible, selon la ministre, grâce aux redevances touristiques imposées à l’aéroport.

« Le tourisme a un impact transversal sur la vie économique », a déclaré Pierre Buteau, qui se veut tout de même positif en dépit du début d’année en demi-teinte qu’est en train de connaître ce secteur. Les mois de janvier et février ont été mauvais pour le secteur avec les manifestations en cascade et les journées de grève. Le taux d’occupation de mes hôtels a chuté de 30% », se désole l’hôtelier. « Il suffit de 24h pour balayer quatre ans d’efforts », poursuit-il, faisant référence à la gestion et au dynamisme de la ministre Villedrouin.

Une approche partagée également par Pierre Chauvet Fils, président de l’agence Citadelle, la plus ancienne agence de voyages du pays, qui rejoint le panel peu avant qu’il termine. Si le tourisme est « un secteur très prometteur pour Haïti », il n’en demeure pas moins qu’il est victime de la situation sociopolitique délétère. « Si nos dirigeants se consacrent davantage à promouvoir l’image du pays au lieu de l’image d’un gouvernement, nous irons loin », a soutenu Pierre Chauvet.

Par ailleurs, Maarten Boute croit que la marque Marriott au bas de la ville va rassurer les visiteurs. « Marriott c’est plus de 4 mille hôtels dans le monde », rappelle-t-il. « Nous croyons dans le long terme […] Marriott va servir pour attirer des touristes mais aussi des hommes d’affaires », prédit le chairman de la Digicel, qui dit constater, grâce au Marriott, un relèvement du niveau de l’hôtellerie à travers le pays –tant le bâtiment que le service.

« Le secteur privé, à travers l’ATH, doit s’impliquer davantage. Le tourisme à 80% c’est l’affaire du secteur privé », plaide la ministre, qui se démène sur tous les fronts en même temps. Elle annonce pour le mois de mars le début d’une campagne de sensibilisation pour aider les gens à mieux comprendre le tourisme.

Elle en a profité pour faire un peu de lumière sur le projet de l’Ile-à-Vache qui, selon elle, avance très bien et que les 45 projets en cours respecteront l’échéance de novembre 2015. « Nous sommes en train de travailler d’arrache-pied pour qu’au niveau de l’île nous ayons des hôtels boutique de 80 chambres, des villas, des bungalows afin de ne pas gâcher le paysage », a lâché la ministre, qui concède volontiers que dans sept mois, elle ne sera plus ministre. Toutefois, elle a fait savoir qu’elle est en train de préparer un document de politique publique du tourisme.

« Le tourisme se planifie dans 30 ans tout au plus », a renchéri Richard Buteau qui admet connaître, dans la gestion quotidienne de ses affaires, des tracasseries bureaucratiques qui auraient pu être évitées. Par exemple, la bataille qu’il s’apprête à livrer à l’EDH qui vient de lui soumettre la facture de 14 millions de gourdes pour un seul mois.

Maarten Boute, au niveau de la Digicel, n’est pas épargné non plus par ces pépins qui retardent les investissements. « Les gens ne veulent pas vendre, c’est frustrant […] Les Haïtiens ne font que surestimer la valeur de leurs terrains », se lamente Maarten Boute, qui ne décide pas pour autant de jeter l’éponge. Actuellement, il travaille avec le ministère du Tourisme et la mairie de Port-au-Prince pour embellir la voirie, réguler le trafic aux abords du Marriott qui est totalement engorgé.

AUTEUR

Patrick SAINT-PRE

sppatrick@lenouvelliste.com


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