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17 mars 1891. 562 émigrés italiens en route pour les États-Unis se noient à Gibraltar.

mardi 17 mars 2015

John McKeague, le commandant de l’Utopia, jette son vapeur sur un cuirassé britannique à l’ancre !


Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Le 17 mars 1891, le commandant du paquebot Utopia, John McKeague, jette son navire sur un cuirassé à l’ancre dans le port de Gibraltar. Bilan : 562 passagers et marins noyés. Du grand art de la marine marchande. Le vapeur transportait 880 hommes, femmes et enfants, dont 3 clandestins. La plupart des passagers sont des Italiens ayant décidé d’émigrer en Amérique pour fuir leur misère. Maintenant que le pape est un Argentin, à quoi ça sert de vivre au pays ? Leurs rêves américain vont prendre sacrément l’eau... Inutile de dire que le confort de l’Utopia n’a rien à voir avec celui des actuels palaces flottants pour obèses américains. Les émigrants sont entassés comme des sardines avec leurs hardes. Il n’y a que cinquante neuf hommes d’équipage pour les servir et manoeuvrer le navire. On est loin de la croisière qui s’amuse.

Depuis plusieurs jours, la mer est forte. Il vente, il pleut. En fin d’après-midi, l’Utopia se présente devant le port britannique pour y trouver refuge. Normalement, aucune escale n’est prévue à Gibraltar, mais le capitaine McKeague décide d’y compléter son chargement en charbon. Il dirige le navire vers un mouillage qu’il a l’habitude d’utiliser.

Éperon

Il est bientôt 18 h 30, la nuit tombe, et la visibilité est mauvaise. Au dernier moment, le commandant constate que la place qu’il visait est occupée par deux navires de guerre de la Royal Navy, le HMS Anson et le HMS Rodney. Lors de l’enquête, McKeague prétendra ne pas s’en être aperçu plus tôt par la faute d’un projecteur du Rodney qui l’aurait aveuglé. Au lieu de laisser son navire poursuivre sa course pour virer derrière l’Anson, il tente de passer devant la proue. La manoeuvre est audacieuse. La distance entre les deux navires diminue dangereusement. Le capitaine de l’Utopia demande la remise en route des machines qui avaient été stoppées. Trop tard, le vapeur s’empale sur l’éperon de six mètres de l’Anson placé sous la ligne de flottaison et donc invisible.

Plus tard, McKeague essaiera de faire croire que l’Utopia a été dévié de sa course, sans qu’il puisse s’y opposer, par un brusque coup de vent et un fort courant sous-marin. Avec la facilité d’un ouvre-boîte perçant un emballage en papier, l’éperon découpe un trou de cinq mètres de diamètre dans la coque de l’Utopia. L’eau s’y engouffre avec la violence d’un pastis tombant dans la gorge d’un Marseillais assoiffé. Comprenant immédiatement sa connerie, le capitaine veut échouer le navire sur la côte avant qu’il ne coule. Il donne aussitôt l’ordre de forcer l’allure, mais impossible, car l’ingénieur en chef vient juste de couper les machines pour éviter une explosion de vapeur. Déjà, l’arrière du navire plonge sous l’eau.

Six canots

C’est l’affolement chez les passagers complètement surpris. Par dizaines, ils sautent dans l’eau glacée. Mais la majorité d’entre eux sont coincés dans l’entrepont. McKeague n’abandonne pas son navire, mais se précipite sur le pont, de plus en plus incliné, pour commander la mise à l’eau des six canots de sauvetage. Trop tard, l’Utopia bascule de 70 degrés sur bâbord, entraînant une effroyable confusion. Plus personne ne peut se tenir debout. Les canots sont devenus inutilisables. Le capitaine rassemble autour de lui une cinquantaine de passagers et leur conseille de s’accrocher à la rambarde de tribord du navire pour essayer de gagner le gréement avant. La panique est effroyable. Si les hommes mariés se préoccupent de leur femme, les autres sont devenus des bêtes fauves, soucieux de leur seule survie. Ils s’ouvrent un chemin à coups de pied, coups de poing, sans entendre les prières des femmes et des enfants. L’objectif est d’atteindre l’avant du navire qui s’élève au-dessus de l’eau. Ne parlons pas de la terreur des passagers prisonniers de l’intérieur du navire.


Une vague monstrueuse balaie le pont, emportant le capitaine et une cinquantaine de passagers. McKeague veut regagner l’épave, mais la mer est trop forte. Impossible de remonter à bord. Il est secouru par un des nombreux canots mis à la mer par les navires au mouillage. À cause du temps, ceux-ci doivent rester au large de l’Utopia en train de couler. S’approcher serait trop dangereux. Ils se bornent à recueillir les passagers qui ont la force de nager dans une mer glacée et démontée.

Graves erreurs de jugement

À bord du vapeur, la ruée vers l’avant se poursuit, mais bientôt une explosion pulvérise le château avant, tuant de nombreuses personnes. Vingt minutes après la collision, le vapeur coule à pic. Seules les extrémités de deux mâts émergent encore, auxquelles s’agrippent quelques dizaines de naufragés. Les plus forts tiennent leur femme ou un enfant contre leur poitrine, mais le froid et la violence des vagues leur font peu à peu lâcher prise. Vers 23 heures, la mer est vide. Les canots de sauvetage ont pu recueillir 290 passagers de l’entrepont, 2 passagers de première classe, 3 interprètes italiens et 23 membres d’équipage. Les 562 autres occupants du navire sont au fond de l’eau. 
Les jours suivants, les plongeurs envoyés à la recherche d’éventuels survivants découvriront dans l’épave des monceaux de cadavres si fortement agglomérés qu’il est impossible de les séparer. Le capitaine John McKeague sera accusé d’avoir commis de graves erreurs de jugement. C’est tout. Au panthéon des commandants de paquebot naufragé, il se situe en bonne place derrière Edward Smith, capitaine du Titanic, responsable de 1 500 morts.
C’est également arrivé un 17 mars

1986 - L’alpiniste Jean-Marc Boivin enchaîne 4 faces nord en 20 heures dans les Alpes.

1969 - Golda Meir est nommée Premier ministre de l’État d’Israël.

1938 - Début du bombardement de Barcelone par l’aviation italienne.

1911 - La Chine interdit les fumeries d’opium.

1901 - Exposition des œuvres de Van Gogh à la galerie Bernheim-Jeune, à Paris.

1830 - Chopin donne son premier concert sans improvisation, à Varsovie.

1808 - Décret napoléonien fixant les nouvelles règles du baccalauréat.

1805 - Napoléon se fait nommer roi d’Italie.

1800 - Alessandro Volta fait jaillir de l’électricité de la première pile portant son nom.

180 - Marc Aurèle meurt de la peste en Pannonie.


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