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Aménagement du territoire, l’État se disperse

mercredi 25 mars 2015

Une double journée de conférence, à l’initiative de la Banque interaméricaine de développement (BID) et du Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT), a été lancée ce mardi 24 mars 2015 au campus de l’université Roi Henri Christophe à Limonade en présence notamment des membres du gouvernement dont le premier ministre, Evans Paul, des autorités locales du couloir Nord – Nord-est, et des experts internationaux. Question d’opérer, selon Michèle Oriol, secrétaire exécutive du CIAT, une espèce de bilan offrant ainsi l’occasion à tous les acteurs travaillant dans cette région de venir s’expliquer ce qu’ils font.

Et, au terme de cette journée de réflexion, de dialogue, dans la salle de l’auditorium du campus de Limonade, Michèle Oriol dit retenir surtout « qu’il n’y a aucun rapport entre les actions des autorités et le plan d’aménagement présenté par le CIAT et publié par le gouvernement en décembre 2012. »

« Les institutions les plus proches du plan d’aménagement, les mairies par exemple, fort souvent sont à l’origine du désordre », se désole la sociologue qui met en avant l’impossibilité, après plus de trois ans d’efforts soutenus, de convertir la liste des investissements prioritaires contenus dans le plan d’aménagement en plan annuel, ce qui permettrait à l’Etat de le financer à travers l’élaboration du budget national ainsi que l’inexistence d’institutions ayant pour mission de contrôler le respect du plan d’aménagement.

Le chef du gouvernement, de passage dans la région pour procéder au lancement de cette conférence, ne s’est pas voilé dérobé face à ces constats accablants pour le pouvoir central.

« Ma présence ici à Limonade aujourd’hui pour lancer cet atelier de travail sur les grands projets de gouvernance de la région Nord et Nord-est revêt plusieurs significations : la première concerne la continuité de l’Etat, la deuxième concerne un soutien à une politique économique d’ouverture pour attirer les investissements, et enfin, ma présence ici concerne la détermination du gouvernement de consensus à soutenir l’effort de décentralisation et de déconcentration, qui seul peut permettre de construire un avenir plus prometteur pour Haïti », a déclaré Evans Paul qui dit vouloir assurer la pérennité des investissements et empêcher la bidonvilisation de cet espace géographique superbe que constituent le Département du Nord et le Département du Nord-Est d’Haïti.

« Il faut un plan d’aménagement et il faut exécuter ce plan d’aménagement », a-t-il martelé.

Pour Jean Marie Théodat, président du Conseil de l’Université de Limonade, rencontré au cocktail offert par les organisateurs au terme de la conférence, ce fut « une journée extraordinaire. » « Une journée d’une très haute densité à la fois intellectuelle, académique et politique […] parce qu’il s’agit de réfléchir sur comment finalement remettre notre Etat en chantier à partir d’une région emblématique », a estimé le géographe.

Ce dernier se frotte les mains du fait que l’université se trouve au cœur de ce dispositif : une route nationale qui va du Cap-Haïtien en République dominicaine en passant par Ouanaminthe, deux parcs industriels CODEVI et Caracol, un aéroport, un port en cours de rénovation, un fort potentiel en tourisme, etc.

Et, ce n’est pas Jude Hervé Day, ministre du commerce et de l’Industrie, qui prétendra le contraire. Lui qui avance, dans son discours, que 23% du total des PME recensées à travers le pays se trouve dans le Nord. L’importance de ces deux journées, selon lui, poursuit deux objectifs siamois, à savoir : promouvoir les potentialités de la région et attirer des investissements.

Cependant, Gilles Damais, représentant de la BID, n’y est pas allé de main morte en soulignant l’absence de l’Etat, l’absence de synergie et de concertation nécessaires à l’accouchement d’un plan de développement. « On élabore des plans d’aménagement, des plans de développement en Haïti depuis les années 60 », a rappelé Michèle Oriol.

Une réalité que ne nie pas Jean Marie Théodat qui pense, au contraire, qu’à travers les communes, on peut remembrer l’Etat. « La reviviscence de l’Etat passe par la reviviscence de la commune », soutient-il avec emphase.

Pour étayer son point de vue, le professeur fait remarquer qu’une moyenne de 15% de recettes fiscales sont collectées par les collectivités en Haïti et rien qu’ « à Limonade le chiffre extraordinaire de 20% est atteint. » Un record pour la région, selon lui, si l’on compare ce chiffre avec les 4% du Cap-Haïtien.

AUTEUR

Patrick St-Pré


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