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Que dit l’avant-projet de révision du code pénal ?

vendredi 27 mars 2015

Vendredi 19 septembre 2014, le président Michel Martelly lance sur la Côte des Arcadins les travaux de révision du code pénal haïtien. Avocats, militants de droits humains, professeurs de droit et de nombreux acteurs du système judiciaire haïtien assistent au lancement des travaux. L’initiative est saluée par tous ces acteurs qui estiment unanimement que le code pénal promulgué le 11 août 1835 méritait d’être révisé. Six mois plus tard, la commission chargée de réaliser les travaux remet un premier jet au chef de l’Etat.

Cet avant-projet de révision soumis au président de la République consiste en une refonte totale du code pénal, selon ce que nous a confié l’avocat Jean Joseph Exumé, président de la commission présidentielle pour la réforme de la justice. Le code pénal haïtien est axé sur une nouvelle philosophie, celle de la défense des droits humains. Et la commission entend le faire sans négliger la sauvegarde des institutions républicaines et de la paix publique.

« Haïti n’échappe pas aux nombreuses mutations du monde moderne et se trouve dans la nécessité d’adapter sa législation aux instruments internationaux qu’elle a ratifiés et qui font dès lors partie intégrante de son droit positif interne, a déclaré Me Jean Joseph Exumé lors de la remise officielle de l’avant-projet au président Martelly. Il devient donc impératif que le code pénal connaisse une refonte complète ».

Plusieurs actions ont été entreprises pour réviser entièrement le code pénal. La commission a fait en premier lieu un travail de dépénalisation. Il s’agissait là d’éliminer toute une série d’infractions qui ne seraient plus de mise aujourd’hui. On cite en exemple le vagabondage et la mendicité. Des comportements qui relèvent beaucoup plus de la déviance, selon Jean Joseph Exumé. Le code pénal de 1835, en son article 162, permet même de condamner les pasteurs, prêtres et autres ministres religieux pour le contenu de leur sermon. Une atteinte à la liberté d’expression qui n’est plus de mise.

Les femmes n’encourent plus la prison pour un avortement, selon les nouvelles dispositions de l’avant-projet de code pénal. La décriminalisation de l’avortement répondant à des préoccupations d’ordre sanitaire et de liberté féminine sera sans conteste une victoire pour les organisations féministes qui réclament le droit pour les femmes haïtiennes de se faire avorter à volonté.

Si certains comportements ont été dépénalisés, la commission a fait en revanche la pénalisation. Cette action consiste donc à intégrer dans le code pénal haïtien de nouvelles infractions. Celles qui sont notamment prévues par les conventions internationales signées par Haïti. A titre d’exemple, on retient les crimes contre l’humanité, le génocide, la torture, le trafic de migrants, le terrorisme et les atteintes à l’aviation civile internationale.

Il existe d’autres lois qui sont en vigueur en Haïti, mais qui ne font pas partie du code pénal. La commission a dû réaliser un travail de codification pour intégrer dans le document ces dispositions pénales plus ou moins récentes. Il s’agit des lois sur le trafic illicite des stupéfiants, de celles sur la corruption, sur le blanchiment des avoirs et le financement du terrorisme. Enfin, la commission a procédé à un travail de réécriture de certaines lois déjà présentes dans le code pénal de 1835. Cette action vise à bien qualifier certaines infractions pour éviter toute interprétation abusive. Ce qui sans doute empêchera d’accuser à tort et à travers d’association de malfaiteurs.

« Les dirigeants ont pour devoir d’être attentifs aux différentes mutations, aux évolutions sociales et temporelles afin d’adapter sans cesse les règles et les normes, a déclaré le président Martelly lors de la réception du document. Tout manquement à ce devoir fait peser une menace réelle sur la pérennisation du vivre-ensemble et la sauvegarde des intérêts de la nation qui est, en fait, notre plus grand bien collectif ».

La Commission présidentielle pour la réforme de la justice a eu le soutien des membres du groupe de travail « René Magloire ». Ces derniers travaillaient déjà sur un projet de révision du document vieux de près de 180 ans. Les travaux réalisés par un comité technique conjoint ont été coordonnés par les avocats Jean Joseph Exumé, Sybille Théard Mevs et Jean Vandal. Les deux groupes ont mis dans l’ensemble 18 mois pour produire cet avant-projet de révision du code pénal.

« Le travail qu’on a fait sur le code pénal devrait, selon moi, permettre une amélioration au niveau de la défense des droits des citoyens, soutient l’ancien ministre de la Justice, Me Jean Joseph Exumé qui prône la réhabilitation des condamnés et non la condamnation abusive. Ce qui permettra de s’attaquer à l’un des fléaux du système judiciaire, la détention préventive prolongée. En effet, dans le code pénal de 1835, n’importe quelle contravention peut être punie d’une peine d’emprisonnement. Ce qui ne sera plus le cas, si l’on en croit ceux qui ont fait les révisions.

Ce avant projet de révision du code pénal présage en effet des outils innovateurs en ce qui a trait à l’application des peines. Il prévoit un minimum et un maximum pour chaque peine. Que ce soit emprisonnement ou amendement, à l’exception de la réclusion criminelle à perpétuité. Les juges disposeront aussi de peines alternatives à l’emprisonnement. Au lieu d’envoyer pour n’importe quoi les contrevenants derrière les barreaux, les juges peuvent utiliser le sursis, la surveillance électronique et le suivi sociojudiciaire.

« L’avant-projet du nouveau code pénal oblige les juges à justifier pourquoi ils donnent une peine d’emprisonnement au lieu d’une peine alternative. Par ailleurs, la peine d’emprisonnement est exclue en matière contraventionnelle, sauf en cas de récidive », explique le président de la commission présidentielle pour la réforme de la justice. Actuellement, la commission travaille sur un code de procédure pénale. Ce document devra déterminer les procédures et le mode de fonctionnement du système pénal.

Après les propositions et les remarques de divers acteurs du système judiciaire, il reviendra au Parlement haïtien de ratifier le nouveau code pénal. En tout cas, l’avant-projet fait déjà couler beaucoup d’encre et de salive parmi les juristes. Si certains critiquent des choix de la commission, d’autres pensent que ce travail devrait faire l’objet de beaucoup plus de concertation parmi les initiés.

AUTEUR


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