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27 000 communes françaises vont disparaître

mercredi 1er avril 2015

Adieu Chantemerle-sur-la-Soie, Cucuman ou Saint-Barbant ! La France ne sera bientôt plus le pays des 36 000 clochers. Un nouveau projet de loi prévoit la suppression des 27 000 communes de moins de mille habitants.

Au soir de la défaite électorale de dimanche dernier, le Premier ministre, Manuel Valls, avait clairement annoncé ses intentions : « Ceux qui pensent que nous allons freiner ou stopper les réformes se trompent ». Et en effet, loin de freiner, le gouvernement accélère et approfondit sa réforme territoriale en ouvrant un nouveau chantier : la disparition programmée de 27 000 communes d’ici 2020.

75 % des communes, 15 % de la population

Inspirée par le rapport du Commissariat général à l’égalité des territoires publié en janvier, la réforme prévoit la dissolution de toutes les communes de moins de mille habitants et leur absorption dans les intercommunalités ou les agglomérations urbaines. Les 27 396 villages concernés représentent près des trois quarts des communes, mais regroupent seulement 15 % de la population française. L’objectif affiché par le gouvernement est de réduire le nombre total de communes et groupements communaux à environ 10 000.

Selon André Vallini, secrétaire d’État à la Réforme territoriale, le projet répond à un besoin de rationalisation et de mutualisation des moyens. « Le tissu communal très dense de la France présente des avantages indéniables, tant sur le plan de la démocratie locale que pour le maillage du territoire, mais il est aussi une source de déperdition d’efficacité par l’émiettement des moyens. De nombreuses petites communes, vidées de leur population par l’exode rural, ne disposent plus des capacités nécessaires à la gestion de la collectivité, y compris pour des services de base comme l’adduction de l’eau courante, le ramassage des ordures ménagères ou l’entretien des chaussées. Il est urgent d’agir pour préserver l’égalité de traitement entre les citoyens. »

La fin d’une exception française

Les partisans de la réforme font valoir que l’organisation territoriale française, morcelée à l’extrême, constitue une exception, voire une anomalie. La France a presque autant de communes que les États-Unis, dont le territoire est 14 fois plus vaste et la population cinq fois plus nombreuse. Elle compte à elle seule plus d’un tiers des communes de l’Union européenne. Depuis les années 1970, la plupart de ses voisins ont réduit de façon drastique les collectivités locales. Le nombre des communes a été divisé par cinq en Belgique, par trois en Allemagne, en Grèce ou au Danemark. La Grande-Bretagne ne compte plus aujourd’hui que 545 districts, dont la population moyenne atteint 104 000 habitants.

En France, la loi Marcellin de 1971 offrait aux communes une assistance et une aide financière pour les inciter à se regrouper librement. En quarante ans, elle a abouti à la disparition de seulement un millier de communes, qui acceptèrent de se dissoudre dans une entité plus grande. Dans le même temps, les pouvoirs publics n’ont cessé de créer de nouvelles structures intercommunales, établissant ainsi un niveau supplémentaire d’administration entre la commune et le département, avec un coût total de fonctionnement plus élevé et un enchevêtrement des compétences.

L’obstacle constitutionnel

La réforme des communes nécessite théoriquement une révision constitutionnelle, impossible sans référendum ou le soutien d’au moins une partie de l’opposition. En effet, la commune fait partie des « collectivités territoriales de la République » auxquelles la Constitution reconnaît le droit de s’administrer librement via des conseils élus et un pouvoir réglementaire autonome pour l’exercice de leurs compétences.

Mais si la Constitution consacre l’existence des communes, elle n’empêche pas de fixer un seuil minimum de population pour permettre à une commune d’exister. Redéfinir la carte communale ne requiert donc que le vote d’une loi ordinaire. Les communes se trouvant en deçà du seuil retenu seraient ainsi forcées de se regrouper avant les prochaines élections municipales en 2020. À défaut, elles seraient dissoutes et leurs prérogatives administratives et réglementaires exercées au niveau du département.

Des réactions indignées à droite

Sans surprise, ce nouveau projet de réorganisation territoriale a immédiatement suscité de vives réactions, surtout à droite. À l’UMP, Bruno Le Maire se dit choqué que, trois jours seulement après sa lourde défaite aux élections départementales, « la majorité socialiste, privée de légitimité populaire et chassée de ses bastions historiques, ose s’attaquer au cœur même de la démocratie locale ». Pour le député souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, il s’agit d’une « forfaiture ». L’Association des maires de France dénonce, quant à elle, « une vision dogmatique qui considère comme un progrès de supprimer la collectivité préférée des Français ».

Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’iFRAP, institut de recherche sur l’efficacité des politiques publiques, s’amuse de cette bouffée d’indignation dans les milieux politiques : « La commune est surtout la collectivité préférée des élus. La France compte 618 384 élus, dont la plupart sont conseillers municipaux. Cela fait un mandat électif pour 104 habitants. Il y en a un pour 256 habitants en Suède, un pour 2603 habitants au Royaume-Uni. » D’après elle, la réforme envisagée devrait non seulement générer des économies de l’ordre de 7 milliards d’euros et simplifier la répartition des compétences entre collectivités, mais aussi mettre fin au... Lire la suite


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