MosaikHub Magazine

L’instant X : Krul, le sauveur inattendu

dimanche 6 juillet 2014

L’histoire bégaye si souvent que l’on finit par croire qu’on peut la prédire. L’équipe qui ne convertit pas ses occasions le paye et prend un but en contre, l’Allemagne gagne toujours à la fin et l’Angleterre perd toutes ses séances de tirs au but. Des idées plus ou moins fondées, mais un point commun : la fatalité. Les Pays-Bas, battus jusque-là lors de leurs quatre matchs décidés au-delà des quatre-vingt-dix minutes en Coupe du monde, ont multiplié les ratés en quarts de finale face au Costa Rica.

Lire la note de blog : La science du penalty

Un adversaire qui restait sur une séance parfaite contre la Grèce en huitièmes de finale et dont le gardien, Keylor Navas, est dans la forme de sa vie. Tous les éléments pour une énorme surprise étaient réunis, mais Louis van Gaal a refusé de subir son sort. Et effectué un choix tactique qui fera date.

KRUL SUMMER

Génie tactique – avec tout ce que le génie peut comporter de folie –, le sélectionneur néerlandais a innové tout au long de la Coupe du monde. Ses expérimentations défensives, couronnées de succès, ont laissé la place à un jeu beaucoup plus volontariste face au Costa Rica, équipe incapable de faire le jeu à un tel niveau de compétition.

Mais l’instauration d’un système en 3-4-3, audacieuse et plutôt efficace en première mi-temps, n’a pas suffi à faire la décision. Alors, Van Gaal a changé un joueur (Lens pour Depay), sans toucher au système, puis un deuxième (Huntelaar à la place de Martins Indi), passant résolument vers l’attaque. Mais, à la 121e minute, à quelques instants de la fin de la prolongation, il lui restait toujours un changement. Une incongruité.

Jasper Cillessen, gardien de 25 ans promu titulaire à l’Ajax en début de saison et rapidement numéro un en sélection, est alors rappelé vers le banc. Sans se plaindre mais sans avoir l’air particulièrement réjoui. « Nous ne lui avions rien dit », expliquera son coach après la partie. Il tape dans la main de Tim Krul, joueur de Newcastle d’un an son aîné, sorti discrètement du banc depuis dix minutes pour s’échauffer. Louis van Gaal, qui aurait pu faire entrer des forces vives depuis longtemps, abat la carte qu’il gardait dans son jeu tout ce temps. Et devient le premier à changer de gardien avant une séance de tirs au but en Coupe du monde.

Si Cillessen n’a pas offert de garanties dans le tournoi, son remplaçant n’a même pas eu l’occasion de le faire. Et les quelques secondes qu’il passe sur le terrain avant le coup de sifflet final n’y changent pas grand-chose : il va devoir aider son pays à se qualifier sans jamais avoir touché le ballon. Et, qui plus est, en étant le premier à défendre les tirs adverses. Pas vraiment un cadeau quand on sait que, dans l’histoire de l’épreuve, douze des treize dernières équipes ayant posé le ballon en premier se sont qualifiées.

Qu’importe, Tim Krul chambre ouvertement Celso Borges, le premier tireur, et passe tout proche de l’arrêt. Il obtient immédiatement sa revanche sur la tentative de Bryan Ruiz, la star du Costa Rica, puis part du bon côté, sans réussite, sur les envois de Gonzalez et Bolanos. Entre-temps, il se fait également rappeler à l’ordre par l’arbitre, Ravshan Irmatov, pas ravi de le voir parler et gesticuler à outrance pour entrer dans la tête des tireurs adverses.

« SI J’AVAIS EU TORT, J’AURAIS DÛ AFFRONTER LA CRITIQUE »

En réalité, le coup de poker est déjà réussi. Car, si les Costaricains n’ont aucun point de repère par rapport à ce portier qu’ils n’ont sans doute pas étudié (et pourquoi l’auraient-ils fait ?), les tireurs « oranje » placent tous leur ballon dans des endroits inatteignables pour Navas.

Michael Umaña, qui peut maintenir les siens en vie, bute à nouveau sur Krul. Et c’est donc de la main gauche que le fantasque brun élimine l’invité surprise des quarts de finale, devenant le héros improbable de ce match. Son entrée n’est en effet qu’un pari, un coup d’intox qui ne peut pas nécessairement vous faire gagner, mais qui peut faire perdre l’autre.

Lire aussi le compte-rendu du match : Le courage des Ticos face aux boxeurs néerlandais

Car Tim Krul n’est pas un énorme spécialiste, loin de là. S’il a la taille – il mesure 1,93 m contre 1,88 m pour Cillessen –, il n’a pas les statistiques : sur les vingt penaltys qu’il a dû défendre en Premier League depuis 2010, il en a arrêté deux, et aucun lors des deux dernières saisons. Soit 10 % de réussite, ce qui est loin de sortir de l’ordinaire. A titre de comparaison, Mickaël Landreau a effectué trente-neuf arrêts sur moins de cent tentatives adverses.

Et, si le remplacé Cillessen ne fait guère mieux, puisqu’il a toujours été battu, les Pays-Bas possédaient également sur le banc Michel Vorm, surnommé… “Penalty Killer”. Car le gardien de Swansea, qui est à 27 % de réussite sur ces trois dernières années, raffole de l’exercice. C’est même sans doute sa plus grande qualité. Mais le plan du sélectionneur était autre. « On sentait que Krul serait le plus approprié, éclaira-t-il en conférence de presse. Il a l’amplitude. On le lui avait dit pour qu’il se prépare, c’était prévu. Si j’avais eu tort, j’aurais dû affronter la critique. »


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie