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Grand Marnier et Haïti : une relation d’amour qui perdure

mercredi 8 avril 2015

Depuis les années 30, Haïti, à travers ses bigarades, couramment appelées oranges amères, se retrouve dans chaque bouteille de liqueur haut de gamme luxe Grand Marnier, de renommée mondiale.

Plantées dans la ferme de la compagnie aux alentours de Limonade, les écorces séchées de ces oranges amères ainsi que l’huile essentielle sont ensuite exportées par voie maritime à destination de la maison Marnier en France où ces écorces sont macérées dans l’alcool pendant une ou deux semaines et sont distillées dans un alambic pour donner ce que la famille Marnier appelle affectueusement le « parfum d’Haïti ».

Entre Marnier et Haïti, il existe, depuis toujours, une véritable histoire d’amour. « Un amour immense que Marnier continue à assumer, contre vents et marées et malgré les difficultés et les incertitudes de notre pays », a déclaré Daniel Zéphyr, représentant de la maison Marnier en Haïti, qui, le 23 mars dernier, sur la demande du Comité interministériel d’aménagement du territoire (CIAT), a effectué un exposé sur la société des produits Marnier Lapostolle et de ses relations économiques et d’amitié avec Haïti.

Relations qui se sont tissées au fil des années, depuis près de 80 ans, à travers notamment l’exploitation agricole qui fournit les oranges amères comme matières premières au liquoriste français.

Selon Daniel Zéphyr, l’objectif primordial de l’exploitation agricole est d’exporter vers la maison mère, en France, les écorces d’oranges amères et l’huile essentielle d’oranges. Ainsi, les principales activités de la ferme se résument en travaux des champs, préparation des écorces et extraction de l’huile essentielle.

Ensuite, de fil en aiguille, ce dernier a entretenu son auditoire sur la genèse des relations entre Haïti et cette société. D’après ses dires, la société Marnier Lapostolle a commencé à importer ses écorces d’oranges d’Haïti dans les années 30, de plusieurs maisons au Cap-Haïtien et à Jacmel. Mais ce n’est qu’entre 1970 et 1973 que la société fit légalement l’acquisition des terres agricoles d’une superficie d’environ 137 carreaux, situées à environ 5 km de la ville du Cap-Haïtien.

L’objectif d’alors était que la société Marnier Lapostolle puisse avoir sa propre plantation lui permettant ainsi d’augmenter et de sécuriser son approvisionnement.

Ces dernières années, pour diverses raisons, la production et la productivité n’ont cessé de décroître : vieillissement des arbres, problèmes phytosanitaires, modification du microclimat, l’hydromorphie de nombreuses parcelles. Pour pallier cette situation, la Société a décidé d’acquérir de nouvelles terres dans la région, question de sauvegarder les centaines d’emplois créés dans la zone.

« N’ayant pu trouver le foncier voulu, d’un seul tenant, la société a fait appel à l’Etat haïtien afin qu’il lui permette d’obtenir une centaine de carreaux de terre dans la zone agricole de Pister dans la zone de Limonade. Après des années de négociation, un bail emphytéotique de 50 ans a été signé en novembre 2009 entre l’Etat haïtien et la Société Marnier Lapostolle », a fait savoir Daniel Zéphyr.

Cette nouvelle plantation, qui est la seule à travers le monde à approvisionner la maison Marnier en bigarades, a surtout, selon Youssef Narbesla, le responsable d’exploitation, nécessité un investissement en termes de temps. « On attendra 6 ans pour la première récolte […] Les arbres étaient déjà préparés, donc les investissements en termes d’équipements sont assez limités », a déclaré celui qui a servi de guide à l’équipe du journal qui a entrepris de visiter cette nouvelle ferme positionnée dans le Nord et attenante à Agritrans qui est dans le Nord-Est. Une rivière sépare ces deux fermes se trouvant sur deux départements limitrophes.

« On est dans l’expansif, pas dans l’intensif, on joue la carte du temps », a-t-il poursuivi.

De plus, ce dernier se vante de maintenir un environnement sain sur la plantation. « On ne met pas d’engrais chimique, on parie sur l’engrais naturel que nous avons fabriqué », a déclaré Narbesla.

Côté infrastructure, la centaine d’ouvriers occasionnels travaillant actuellement sur les lieux disposent notamment d’un dispensaire, d’une cuisine et d’un réfectoire. « Nous pensons arriver à 300 ouvriers lorsque la nouvelle plantation commencera à donner des fruits d’ici 2016-2017 », a affirmé Daniel Zéphyr.

La dernière escale de la visite a eu lieu au réfectoire de la plantation où Youssef Narbesla, intarissable, nous a commenté une fresque murale, œuvre de Peterson Jean, fils d’un peintre célèbre des environs, retraçant les différentes étapes de la préparation du Grand Marnier.

Selon les explications fournies, la bigarade est récoltée alors que son écorce est encore verte de manière à garder son arôme, l’orange est ensuite écorcée en quatre tranches ; les pelures sont séchées au soleil puis envoyées à l’usine en France afin d’être distillées lentement, donnant ainsi une essence d’une finesse incomparable. L’essence d’orange, mélange d’écorces plus l’huile essentielle, est ensuite combinée avec les meilleurs cognacs selon une recette unique. Ce mélange subit de nouveau une fermentation durant des mois, voire des années, dans des fûts de chêne où il acquiert sa totale subtilité.

Après ces différentes étapes, Grand Marnier est enfin embouteillé pour le plus grand bonheur des amoureux de cocktails dans le monde entier.

AUTEUR

Patrick SAINT-PRE

sppatrick@lenouvelliste.com


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