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Les professeurs pour une « réponse collective et durable à la crise »

vendredi 24 avril 2015

Accusés d’être à l’origine de l’actuelle crise au Campus Henry Christophe de Limonade (CHCL), des professeurs condamnent les récents propos du président du conseil de gestion du campus, Jean Marie Théodat, faisant état de leur « manque de professionnalisme ». Le conseil des professeurs du CHCL invite M. Théodat à créer « le plus vite possible des conditions nécessaires à un vrai dialogue ».

Rien ne va plus au campus de Limonade et ça commence apparemment à trop durer. Les étudiants ont suivi leurs derniers cours depuis le vendredi 20 mars. Une grève des professeurs finalement levée a débouché sur un mouvement de contestation des étudiants qui réclament, entre autres, des équipements pour leurs départements respectifs. Le président du conseil de gestion du campus a critiqué « le manque de professionnalisme » des professeurs qui ont décrété leur grève une semaine avant les examens de fin de semestre.

« Ce que je trouve étrange, c’est qu’on donne des cours à des étudiants pendant quatre mois, on les prépare à des examens et, brusquement, on arrête de travailler en disant qu’on n’est pas satisfait des conditions de travail, a fulminé le professeur Jean Marie Théodat, agrégé de géographie. Intellectuellement, je trouve que c’est un sabotage. De mon point de vue d’administrateur, j’estime que c’est complètement irresponsable. (…) Il y a un professionnalisme qui manque du côté des professeurs. »

Les propos de M. Théodat ont effectivement touché les professeurs. Dans une note dont le journal a obtenu copie, le conseil des professeurs considère les diatribes de Jean-Marie Théodat comme des « reproches attentatoires » et « se réserve le droit et se fait le devoir de ne pas réagir à ces attaques ».

« Le conseil des professeurs estime qu’au point d’aggravation où se trouve cette crise au campus, il est foncièrement irresponsable de se borner à fulminer des reproches à l’égard de qui que ce soit, a-t-on lu dans la note. Il n’est pas moins irresponsable de chercher à dresser des protagonistes les uns contre les autres dans une telle situation. Et, enfin, chercher à se détacher du lot, dans l’intention de se déresponsabiliser, ne peut relever en ce moment que du vedettariat et est, par consequent, dérisoire. »

Pour la reprise des cours, le président du conseil de gestion du campus a affirmé au journal qu’il faut un dialogue « franc et sans concession ». Une assemblée générale mixte convoquée par les étudiants, qui devait se tenir lundi dernier, n’a finalement pas eu lieu. Les professeurs et le responsable de la filière génie informatique ont été les seuls à se présenter.

Mécontents, les étudiants protestataires avaient une nouvelle fois bloqué la route nationale. Comme d’habitude, les forces de l’ordres sont intervenues de façon musclée. Selon des étudiants, certains de leurs collègues ont été blessés, dont deux par des projectiles. Un étudiant a été aussi interpellé puis emprisonné avant d’être relâché quelques jours après.

« Tout en condamnant la propension à l’emportement dans la conduite de certains étudiants, le conseil regrette que l’institution policière continue de faire de la violence le mode opératoire par excellence pour contenir les manifestations des étudiants dans le pays », a déploré le conseil des professeurs.

De son côté, le président de gestion du campus a plutôt critiqué le comportement des étudiants. « L’étudiant doit avoir un comportement civique qui le distingue du brigand de la rue, prêt à mettre le feu dans n’importe quoi au mépris de son propre intérêt, a déclaré le professeur Théodat dans un entretien au journal. Avec leurs jets de pierre, les barricades, les étudiants se donnent l’air de brigand par rapport à la population civile, ce n’est pas normal (…). »

« Le conseil des professeurs désapprouve avec fermeté la déclaration du président du campus dans les médias, comparant les étudiants protestataires à des brigands dans la rue, a-t-on lu dans la note. Sans soutenir l’impétuosité entachant les mobilisations des étudiants, le conseil estime qu’il est du devoir des dirigeants de l’université au premier chef de créer à l’intérieur de cette prestigieuse institution des canaux de communication à travers lesquels les étudiants feront l’apprentissage de la démocratie en apprenant à faire valoir leurs points de vue et leurs revendications par la dialectique. »

Revendications des étudiants

L’une des principales revendications des étudiants protestataires concerne la « clarification du système d’enseignement et le mode de sanction des diplômes (soulevé par les professeurs depuis le début de l’année académique) ». En réalité, ce sera le mémoire se sortie. Les protestataires réclament également la « publication des curricula des différentes filières du CHCL par le rectorat de l’Université d’État d’Haïti (soulevé par les étudiants depuis deux ans) ».

Si le campus offre des formations pour huit filières (médecine, agronomie, génie général, beaux-arts, aménagement du territoire, sciences de l’éducation, sciences humaines et sociales et génie informatique, les étudiants relèvent certaines anomalies. « Pas de ferme agricole pour la faculté d’agronomie ; pas de salle acoustique pour la faculté des beaux-arts ; pas de salle de dessin pour le génie général et pas d’équipements pour les étudiants en génie informatique », ont critiqué des étudiants protestataires.

« Nous suivons certes des cours en rapport à notre filière d’études mais on ne sait toujours pas s’ils seront validés par le rectorat, a fait remarquer Miriam Bouzy, étudiante en travail social. Le système d’études n’est pas non plus défini. »

De son côté, le président de gestion du campus estime que les étudiants du CHCL sont, en termes d’équipements, de logistique, de confort, mieux lotis que beaucoup d’autres. « Je ne dirai pas qu’ils sont les plus privilégiés, mais moi qui ai fait mes études en France, à la Sorbonne, si j’avais eu le quart des avantages qu’ils ont, je pense qu’aujourd’hui je serais prix Nobel de géographie, déclare Jean Marie Théodat. Ces étudiants demandent la lune alors qu’ils ont déjà le soleil. »

AUTEUR

Valéry Daudier

vdaudier@lenouvelliste.com


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