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Maryse Pénette-Kédar parie sur l’éducation

samedi 16 mai 2015

« Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit. » Cette citation empruntée peut-être de Saint-François de Sales, son père la lui répétait très souvent. Maryse Pénette-Kédar en est sortie fort imprégnée. Sans tambour ni trompette, cette battante travaille pour améliorer le quotidien et l’avenir de ses congénères ! Un de ces prototypes de femmes qu’on voudrait dupliquer en plusieurs exemplaires ! Pour le bien-être du pays … A Pétion-Ville, dans cette demeure familiale où elle a passé près d’un demi-siècle, Maryse Pénette-Kédar nous reçoit. Avec l’aisance de celui qui n’a rien à cacher ou la fierté d’un collectionneur, elle nous fait visiter les différents bureaux des entreprises auxquelles elle se consacre, au premier niveau de la bâtisse. Il y en a trois au fait ! Car MPK, comme je surprends ses employés à l’appeler, arbore de multiples chapeaux. Elle est consultante senior de la Royal Caribbean Cruise Line (RCCL), une compagnie maritime américano-norvégienne spécialisée dans les navires de croisière, présidente de la Société Labadie Nord (SOLANO), une filiale de la Royal Caribbean Cruise Line en Haïti et P.D.G. de la fondation Progrès et Développement (ProDev). Du haut de ses soixante-deux ans, cette femme, qui adore travailler, a servi son pays notamment au niveau de la diplomatie haïtienne et de la fonction publique. « Je me suis intéressée à la politique très jeune », annonce-t-elle fièrement lors même qu’elle n’a jamais été membre active d’un parti politique. C’est ainsi qu’en 1982, on la retrouve comme attachée commerciale de l’ambassade d’Haïti à Washington. Trois ans plus tard, elle devient chargée d’affaires en Belgique. A ce poste, elle obtint l’une des plus grandes réalisations de sa carrière : l’adhésion d’Haïti à la quatrième Convention de Lomé le 15 décembre 1989. Avec ardeur et dévotion elle obtint l’entrée d’Haïti au groupe des Etats du continent africain, des régions de la Caraïbe et du Pacifique (ACP). Cela représentait une excellente opportunité pour Haïti, qui, dit-elle, « a toujours été un petit orphelin dans le concert des nations ». C’est donc à bon droit qu’en avril 1990, la présidente Ertha Pascal Trouillot en personne lui a écrit ces propos pour la féliciter : « Vous avez fait montre d’un dynamisme exemplaire dans la promotion de la candidature d’Haïti tant auprès des instances de la Communauté économique européenne qu’auprès du groupe ACP. » L’année même, elle fut promue ambassadeur près le Royaume de Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Secrétaire d’Etat au Tourisme de 1995 à l’année 2000, on lui doit des initiatives louables telles qu’un inventaire critique nécessaire des ressources naturelles d’Haïti, de fronts de plages immaculées, de monuments historiques oubliés depuis longtemps, la formulation du Plan directeur du tourisme et le lancement du premier site Internet dédié à la promotion du tourisme haïtien. Depuis 2000, elle fait office de consultante senior auprès de la Royal Caribbean Cruise Line et présidente de la Société Labadie Nord (SOLANO SA.). Sans compter que MPK fut aussi présidente de l’Association des Industries d’Haïti en 2007 et l’un des membres fondateurs du Centre haïtien du leadership et de l’excellence (CHLE), membre de l’AMCHAM et de l’Association Touristique d’Haïti. De belles distinctions ornent le palmarès de cette dame, dont la Grand Croix de la République d’Haïti. Avec beaucoup d’humilité, elle avoue avoir connu des défaites, commis des erreurs dans ses entreprises, mais jamais elle ne s’est laissée aller au découragement. Car, dit-elle, « ce qui est important avant tout c’est la façon dont tu abordes tes erreurs et tes défaites. Alors quand elles arrivent, au lieu de les laisser me déstabiliser, je les affronte. Je me demande ce que j’aurais dû faire pour que cela n’arrive pas et je prends note pour la prochaine fois. Parce que le passé est le passé et comme j’ai récemment entendu Gérard Gourgues le dire, on ne déchire pas les pages d’histoire, on les tourne ». « Je suis une fanatique de l’éducation ! » Que faire pour ce pays ? Cette petite question a aussi titillé cette femme d’action, pratique, déterminée et passionnée. En bon patriote, ce sentiment d’être responsable, de devoir agir pour le bien de la nation, Madame Kédar l’a ressenti très tôt. Mais après le tremblement du 12 janvier 2010, elle a senti la nécessité de s’impliquer encore davantage. « Tout est arrivé faute d’éducation », dit-elle, se remémorant les dégâts de cette catastrophe et les comportements inappropriés de ses semblables dont la plupart étaient plutôt pris de cours par ce séisme. L’éducation. Cette cause lui tient tellement à cœur qu’on a du mal à l’amener à parler d’autres aspects de sa vie. « Je crois que l’éducation est responsable de notre mobilité sociale », explique celle qui est diplômée de l’Université interaméricaine à San Juan de Porto Rico, détentrice d’un baccalauréat en comptabilité, d’un second en espagnol et de certificats en politique internationale de l’Université libre de Bruxelles après avoir effectué son parcours scolaire en Haïti, à Sainte-Rose de Lima. « Mon père et moi nous avions connu des situations difficiles, mais l’éducation nous a permis d’être ce que nous sommes aujourd’hui », explique celle qui ne jure que par l’éducation. Pour elle, c’est la solution à tous nos maux. Et chaque enfant qui naît, donc chaque futur citoyen doit y avoir accès. « C’est dommage que la nation ne se soit jamais organisée sur ce point. Chaque enfant qui naît dans ce pays est un futur citoyen. Jusqu’à présent, nous ne savons quel modèle d’éducation nous voulons pour nos citoyens. Ni quel pays nous voulons non plus. Or c’est l’essentiel. Nous devrions au moins nous entendre sur cela », déclare celle qui n’a pas peur de dire les quatre vérités et de toucher là où cela fait mal. Cette passion, elle la tient de son paternel Max Pénette. Car, cet ancien élève de l’Institution Saint-Louis de Gonzague fut un éminent professeur de mathématique. Ingénieur de formation, Max Pénette (94 ans) fut maire de Pétion-Ville durant la présidence de Jean-Claude Duvalier. Il avait fondé une école qui portait son nom et qui se comptait parmi les plus prestigieux collèges de Pétion-Ville. En 1995, Max Pénette, Maryse et son mari, l’Israélien Daniel Kédar –qui est photographe- mettent sur pied la fondation Progrès et Développement (ProDev) qui promeut une éducation de qualité pour tous et vise à autonomiser les jeunes d’Haïti à travers l’éducation. Spécialement en faveur des enfants les plus vulnérables. Entre 2006 et 2009, elle a mis sur pied l’école Emmaüs au Centre de Réinsertion des Mineurs en Conflit avec la Loi (CERMICOL) de Delmas 33. Ils s’y trouvaient à ce moment environ deux cents enfants en conflit avec la loi. « Au fil de mes visites au CERMICOL, je me suis pris à les voir d’un autre œil. Je me disais qu’ils n’étaient pas foncièrement des criminels. Je m’inquiétais de ce qu’ils deviendraient une fois acquittés. Je me suis dit qu’il fallait les aider. Et de concert avec le commissaire d’alors, l’inspecteur Colson Heurtelou, on a décidé de mettre sur pied ce centre d’apprentissage » au sein duquel les enfants ont pu suivre les cours classiques et passer avec succès les examens officiels de 6e année fondamentale. Au printemps 2010, la Prodev a aidé plus d’une dizaine d’écoles primaires et des jardins d’enfants de Port-au-Prince à se relever de la catastrophe et à se restructurer. Pour cette année académique, trois établissements scolaires que fréquentent plus d’un millier d’enfants font partie du réseau d’école de la fondation. L’Ecole Nouvelle Royal Caribbean (Cap–Haïtien), l’Institution Mixte Union des Apôtres (Cité Soleil), sa première école indépendante, l’école Nouvelle Zoranje située non loin du centre-ville, sur la frontière communale de Cité Soleil et de Croix-des-Bouquets ainsi qu’un centre communautaire dans Zoranje. Pour pérenniser l’œuvre, actuellement Madame Kédar essaie de développer à la Prodev des manuels de procédure pour que les structures pédagogiques des écoles puissent être facilement réplicables. Mais elle persiste à croire qu’il faut un véritable plaidoyer pour l’éducation car « on ne peut pas faire ces choses sans l’Etat. » Mais en dépit des problèmes de l’enseignement en Haïti, l’espoir ne vacille pas dans le cœur de MPK, la mère d’Ariel Dominique, sa fille qui va bientôt avoir 40 ans et qui vit aux Etats-Unis. Bonne conseillère, elle réfléchit beaucoup aux possibilités de changement. « Tout est possible. Je crois qu’il nous faut de véritables think tank pour relever le défi, une vraie volonté politique et des citoyens qui se sentent concernés et qui s’engagent », avance cette femme, qui dit clairement être une fanatique de l’éducation et plus qu’une experte. Des modèles qui t’ont inspirée ? Un mentor qui t’a aidé à prendre la route ? Un grand soupir et quelques secondes de réflexion accueillent ces questions. « Je n’y ai jamais vraiment pensé », laisse-t-elle tomber. Elle a rencontré des gens extraordinaires chez qui elle a aimé un trait de caractère en particulier. Fidel Castro, Joaquín Balaguer, etc. Mais l’éducation qu’elle a reçue dès l’enfance a été sa véritable boussole. « J’ai été élevée dans une famille avec un père très attentif qui nous communiquait l’amour des gens et le respect d’autrui. J’ai grandi avec des gens qui n’étaient pas arrogants mais qui savaient regarder autour d’eux », explique Madame Kédar, qui souhaiterait embrigader plus de volontaires pour le développement d’Haïti. Méticuleuse, disciplinée, son amour du travail bien fait est exemplaire. Elle trime tard dans la journée et même les jours de congé. Néanmoins, elle trouve le temps de travailler avec plusieurs groupes -des jeunes et des femmes pour la plupart- avec qui elle partage son expérience et sa vision d’Haïti. Très sociable, certains vont jusqu’à croire qu’elle tient chez elle un puissant salon. Mais la modeste, elle, avoue, non sans sourire : « J’aime m’impliquer dans la vie de ma communauté. En conséquence, je rencontre beaucoup de gens, de tous les milieux, de toutes les couches sociales, et cela arrive qu’un certain nombre d’entre eux me fassent régulièrement l’honneur d’une visite. » Au terme de cette conversation à bâtons rompus, cette grande dame, née le 12 août 1953, montre la voie à plusieurs dizaines de personnes. Sans le crier sur tous les toits, ce leader trace un sillon d’espoir pour plus d’un millier d’enfants défavorisés sur le principe de l’éducation de qualité pour tous. Déterminée, altruiste, l’intelligente Maryse a fait de l’éducation son dernier combat ! « Mais je n’ai pas envie d’être seule dans la lutte », confie-t-elle, car il faut beaucoup de citoyens pour arrêter la machine, réinventer Haïti et construire ce qu’on pourrait appeler le rêve haïtien - See more at : http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/144867/Maryse-Penette-Kedar-parie-sur-leducation#sthash.tqYjizQE.dpuf


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