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Offre d’emploi : recherche coupeur de têtes en Arabie saoudite

mardi 19 mai 2015

Meilleur allié de la France au Moyen-Orient, le royaume ultraconservateur cherche à recruter 8 bourreaux pour répondre à la hausse des exécutions.

Par Armin Arefi

François Hollande en a fait le meilleur allié de la France au Moyen-Orient. Et l’Arabie saoudite le lui rend bien, avec la promesse de "dizaines de milliards" d’euros de contrats à la clé. Critiqué pour cette alliance contre nature entre le "pays des Lumières" et le royaume sunnite ultraconservateur, le président français a rappelé, lors de son séjour la semaine dernière à Riyad, que la France militait pour l’abolition pour la peine de mort "partout dans le monde". Une façon pour le moins timide de tancer l’effroyable bilan du royaume saoud en la matière.

Depuis le début de l’année 2015, l’Arabie saoudite a exécuté au moins 85 personnes, soit presque autant que sur toute l’année 2014 (88), ce qui place la pétromonarchie au troisième rang mondial, derrière la Chine et l’Iran. Si la majorité des cas concernent des meurtres, au moins 38 personnes ont été exécutées pour trafic de drogue, souligne l’ONG Human Rights Watch.

Poste de "fonctionnaire religieux"

Pour répondre à cette spectaculaire hausse, le royaume vient de publier une annonce pour le recrutement de huit nouveaux bourreaux, relève l’agence de presse Reuters. Intitulé "fonctionnaire religieux", le poste ne requiert aucune qualification spécifique, si ce n’est "exécuter les peines de mort", mais aussi les amputations et les coups de fouet pour les personnes condamnées à des peines "moins graves", décrit l’annonce publiée sur le site de recrutement du ministère de la Fonction publique. Un formulaire de demande, téléchargeable au format PDF, indique une rémunération au plus bas de la grille des salaires.

Régie par une vision rigoriste de la charia (la loi islamique), l’Arabie saoudite applique toujours la peine de mort pour le viol, le meurtre, les braquages armés, mais aussi le trafic de drogue et l’apostasie et exécute souvent les condamnés au sabre et en public. Ainsi, le 12 janvier dernier, une ressortissante birmane s’est vu trancher la tête à l’épée en pleine rue à La Mecque, après avoir été condamnée pour le viol et le meurtre de la fille de son mari.

Comme en Iran

© © Middle East EyeInsoutenables, les images de cette exécution, relayées sur les réseaux sociaux, ont valu à l’auteur de la vidéo d’être arrêté par les autorités. Elles rappellent à s’y méprendre les multiples exactions perpétrées par l’organisation État islamique (EI), dont l’idéologie s’inspire d’ailleurs du wahhabisme saoudien (version ultra-rigoriste du sunnisme), bien qu’elle menace aujourd’hui directement le royaume saoud. Le site Middle East Eye a ainsi comparé les peines pratiquées par l’EI et par l’Arabie saoudite au nom de la charia. Ainsi, le groupe terroriste et le royaume wahhabite exécutent les mêmes peines (capitale) pour le blasphème, l’homosexualité, l’adultère, le meurtre ou le vol.

"Les peines sont effectivement les mêmes, car l’État islamique et l’Arabie saoudite pratiquent le droit pénal musulman et interprètent de façon stricte et littérale la charia à l’instar de l’Iran chiite, du Pakistan, du Soudan et de la Mauritanie", souligne Mathieu Guidère (1), professeur d’islamologie à l’université de Toulouse-Jean-Jaurès. "L’EI étant une excroissance du wahhabisme saoudien, il s’entend avec lui sur l’application de la charia", poursuit-il. "En revanche, ils divergent sur la relation aux minorités (tolérées en Arabie saoudite), leurs liens avec les Occidentaux (considérés comme des mécréants par l’EI) et le statut des femmes (qui bénéficient en Arabie saoudite de certains droits - travailler ou voyager seules - à condition d’obtenir l’aval de leur "tuteur" masculin)."

Timide contestation

Seul pays au monde à interdire aux femmes de prendre le volant, l’Arabie saoudite connaît toutefois depuis 2011 une timide vague de contestation. Des Saoudiennes prennent régulièrement le volant et se filment en bravant l’interdit pour mieux alerter le monde sur leur situation. Avant sa mort en janvier 2015, le roi défunt Abdallah a consenti à leur accorder en 2011 le droit de vote et de candidature aux élections municipales. Un geste toutefois surtout destiné à l’étranger, les conseils municipaux n’ayant aucun pouvoir en Arabie saoudite.

Le rajeunissement opéré fin avril à la tête du royaume, avec notamment la nomination d’un futur prince héritier de 30 ans, laissait présager de plus amples changements à l’intérieur du pays. Mais la guerre froide que livre le royaume à l’Iran chiite semble pour l’heure prendre le dessus sur toute autre considération. "Vu le contexte régional, avec la guerre au Yémen et la menace de l’EI, le royaume devrait continuer sur la voie de la fermeté et du conservatisme au cours des prochaines années", prédit Nabil Mouline (2), spécialiste de l’Arabie saoudite au CNRS et à Stanford. Et pour faire taire les critiques, tant à l’étranger qu’à l’intérieur du pays, l’Arabie saoudite peut toujours compter sur ses pétrodollars : 650 milliards de dollars de réserve dans sa banque centrale.

(1) Mathieu Guidère vient de publier L’état du monde arabe (Éditions De Boeck)

(2) Nabil Mouline, auteur de Les Clercs de l’islam. Autorité religieuse et pouvoir politique en Arabie saoudite (PUF).

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