MosaikHub Magazine

21 mai 1791. La Bastille est enfin démolie après 22 mois d’acharnement par un millier d’ouvriers.

vendredi 22 mai 2015

L’entrepreneur Palloy fait tailler des reproductions de la Bastille dans les pierres qu’il revend ou donne dans tout le pays.

Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Un document d’archives nous apprend que la démolition de la Bastille s’achève le 21 mai 1791, soit vingt-deux mois après sa prise par le peuple parisien. La vieille dame indigne s’est donc éteinte après plus de quatre siècles d’existence. Le symbole du despotisme royal n’est plus. Vive la République ! Vive la fraternité ! Vive Bertrand Delanoë et son demi-secrétariat ! D’après d’autres sources, l’établissement pénitentiaire le plus célèbre de France n’aurait pas été entièrement rasé à cette date. Peu importe, parlons plutôt de l’homme qui a rayé la Bastille de la surface de Paris : Pierre-François Palloy. Fils d’un marchand de vin parisien, il est architecte-entrepreneur et un ardent patriote de 34 ans. Il prétend avoir participé à la prise de la Bastille. Quand le 16 juillet, l’Assemblée des électeurs décide que "la Bastille sera détruite sans perte de temps", Palloy s’empresse de poser sa candidature. Il le veut, ce contrat. Il vas jusqu’à se trainer aux pieds de Montebourg, lui promettant de n’engager que de bons travailleurs français. Sa fougue finit par payer puisque le soir même, il est désigné comme l’adjudicataire.

Pour se procurer la main-d’oeuvre nécessaire, point n’est besoin de faire le tour des boîtes d’intérim roumaines ou polonaises car des milliers de candidats affluent de tout Paris et de ses faubourgs. Ils sont presque prêts à se battre pour avoir l’honneur d’abattre la Bastille, et surtout pour toucher un salaire. Palloy engage un millier de manoeuvres et quelques maîtres artisans. Pour la deuxième fois, la Bastille est prise d’assaut. C’est un immense chantier qui attire les Parisiens. Plus spectaculaire que la construction du tunnel sous la Manche. Il devient un lieu de promenade. Chaque jour, des centaines de curieux, et même des touristes étrangers, viennent se mêler aux ouvriers, n’hésitant pas à leur filer un coup de main. Un touriste anglais, Thomas Clarkson, écrit : "Je ne vis personne - homme ou femme - qui ne se soit senti satisfait jusqu’à ce qu’il n’ait jeté quelque petit fragment de cet édifice haï."

Fabrique à souvenirs

Au début, Palloy peine à maîtriser ses nombreux ouvriers, car beaucoup préfèrent faire visiter le chantier et les oubliettes aux visiteurs pour quelques sous plutôt que de travailler. D’autres encore sont là pour récupérer tout ce qu’ils peuvent afin de le vendre comme souvenir. Quitte à fabriquer des faux. C’est ainsi que des dizaines d’armures prétendument retrouvées dans un cul-de-basse-fosse de la Bastille sont négociées dans Paris. Néanmoins, au fil des mois, la forteresse s’affaisse, met un genou à terre, puis rend les armes. Ses pierres sont revendues aux entrepreneurs. Des milliers servent à construire le pont de la Concorde.

Voir les visiteurs embarquer qui un morceau de bois, qui un caillou, donne à Pierre-François Palloy l’idée de ransforme le chantier en fabrique à souvenirs. Dans le fer des chaînes de la forteresse, il fait forger des centaines de médailles souvenirs. Le métal, le bois, la pierre lui servent à réaliser encriers, presse-papiers, médaillons, bustes, bonbonnières dotées d’images de la Bastille. Ces souvenirs s’arrachent comme des petits pains. Il fait même tailler un jeu de dominos dans du marbre pour l’offrir au fils de Louis XVI.

Mais, surtout, son idée la plus spectaculaire, la plus incroyable, c’est de faire tailler des répliques miniatures de la forteresse dans les pierres de la Bastille, qu’il offre gracieusement à chaque section de Paris et à chacun des 83 départements nouvellement créés, "pour y perpétuer l’horreur du despotisme". C’est un succès monstre, même les districts réclament leur reproduction. Impossible de répondre à toutes ces demandes, aussi Palloy doit-il se borne-t-il à faire graver sur les pierres des extraits de la Déclaration des droits de l’homme.

Nid à rats

Le 11 mars 1792, l’entrepreneur publie ses comptes : la démolition de la Bastille a coûté 800 000 livres. C’est une somme énorme qui le fait soupçonner d’enrichissement personnel. N’aurait-il pas fait appel à Pygmalion ? Mais les commissaires aux comptes sont formels : il ne s’est même pas versé de salaire.

Durant de nombreuses années, l’emplacement de la Bastille reste une vaste esplanade chaotique, océan de boue l’hiver, désert de poussière l’été. En 1793, on y édifie une première fontaine colossale en plâtre figurant Isis assise sur un socle. L’eau sort par une de ses mamelles. C’est la fontaine de la Régénération. En 1808, sous Napoléon, il est question de la construction d’une deuxième fontaine encore plus kitsch représentant un éléphant monumental qui délivre l’eau par sa trompe. Napoléon est emballé : "Je suppose que l’éléphant sera très beau et de telles dimensions qu’on puisse entrer dans la tour qu’il portera." Finalement, seule la maquette en bois et en plâtre, haute de 24 mètres, voit le jour du côté de l’actuel Opéra. Elle deviendra un nid à rats dans lequel Victor Hugo loge Gavroche.

Avec Aristide Bruant, fredonnons :

À la Bastille

On aime bien

Nini Peau d’Chien

Elle est si bonne et si gentille !

On aime bien

Nini Peau d’Chien

À la Bastille.
C’est également arrivé un 21 mai

1996 - Un communiqué attribué au Groupe islamique armé annonce l’assassinat des sept moines de Tibhirine.

1991 - Rajiv Gandhi, âgé de 46 ans, est assassiné, en pleine campagne électorale, à Madras, par un kamikaze tamoul.

1991- Grâce à l’opération Salomon, 14 400 Juifs éthiopiens arrivent en Israël.

1975 - Ouverture du procès de la bande à Baader.

1981 - Vingt et un coups de canon sont tirés au jardin des Tuileries pour l’investiture du président Mitterrand.

1968 - Daniel Cohn-Bendit, en voyage en Allemagne et aux Pays-Bas, est interdit de séjour en France.

1957 - Le gouvernement Guy Mollet est renversé par l’Assemblée.

1955 - Chuck Berry enregistre Maybellene.

1894 - Exécution de l’anarchiste Émile Henry pour avoir fait sauter une bombe au café Terminus.

1890 - Van Gogh, sur les conseils de son frère Théo, s’installe à Auvers-sur-Oise.

1844 - Naissance du peintre français Henri Rousseau, dit le Douanier Rousseau


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie