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A la recherche de candidats vierges

vendredi 12 juin 2015

Jean-Bertrand Aristide, René Préval et Michel Martelly, deux ex-présidents d’Haïti et un chef de l’Etat en activité, ont fait choix cette année de trois candidats vierges pour représenter leurs formations politiques à la prochaine élection présidentielle. Jovenel Moïse, Jacky Lumarque et Maryse Narcisse sont des vierges. Les trois élus à la magistrature suprême de nos cinq dernières élections (1990, 1995, 2000, 2005, 20010) ont eu raison de porter leur choix sur ces citoyens qui, jusqu’à cette date, échappent aux affres d’un mauvais verdict du Bureau du contentieux électoral national (BCEN). Arrivés candidats par on ne sait quel savant processus, vierges de toute expérience à la tête de l’Etat, Moïse, Lumarque et Narcisse sont encore sans tache. Guidés par l’expérience de leur propre trajectoire, Martelly, Préval et Aristide savent que ceux qui n’ont pas de passé de gestionnaire de la chose publique ont plus de chance que les autres de passer entre les mailles du filet de la décharge obligatoire pour les anciens comptables et ordonnateurs de la fonction publique. En Haïti, tout ancien premier ministre, ancien ministre, ex-directeur général d’organisme d’Etat, ex-président de l’une ou l’autre des chambres du Parlement, ancien questeur et autre haut responsable public, a contre lui la présomption de culpabilité et les embûches des contrôles de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif ou, pire, l’antipathie et la paresse (pour employer des qualificatifs gentils) de la fantasque commission parlementaire bicamérale de décharge. Pour y échapper, sortir sain et sauf du jeu de massacre, il faut profiter de l’appui d’un président en place fort et ami fidèle ou bénéficier d’une conjonction historique particulière. Rarement toutes les étoiles et tous les astres sont alignés. Quand ce n’est pas l’article 291 de la Constitution de 1987, c’est l’expérience qui pèse de tout son poids pour devenir un handicap pour les candidats un tant soit peu formés à la gestion de la machine de l’Etat. L’idéal pour faire son chemin vers les plus haut cîmes est d’être vierge. Jean-Claude Duvalier le fut, même quand son père pouvait choisir son successeur sans en référer à personne. Le général Henri Namphy le fut quand on regarde les prétendants qui auraient pu se prévaloir pour devenir chef de l’Etat en 1986. Jean-Bertrand Aristide le fut lorsqu’il coiffa au poteau toute la classe politique traditionnelle en 1990. René Préval était le marassa d’Aristide, ce qui lui permit de se métamorphoser en vierge en 1995. Le dernier en date, Michel Martelly, était aussi vierge de passé politique quand il arriva au timon des affaires de l’Etat au terme des élections de 2010. Les faiseurs de chefs, la presse, l’opinion publique et la population haïtienne adorent les vierges en politique. Ils font de meilleures doublures, des victimes expiatoires idéales, de beaux dindons de notre farce, même si souvent les vierges prennent tout le monde à revers. En politique comme en amour, avec les vierges, on sait à l’avance comment l’histoire commence, jamais comment elle se termine.
Frantz Duval duval@lenouvelliste.com


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