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Les angoissantes disparitions de femmes dans l’Etat de Mexico

mardi 7 juillet 2015

Guadalupe Reyes s’efforce toujours d’imaginer sa fille pilotant un avion : c’était le rêve de cette jeune femme avant sa disparition il y a 10 mois près de Mexico.

Le nom de Mariana s’est rajouté à une liste déjà longue de femmes retrouvées mortes ou portées disparues dans l’Etat de Mexico, devenu le plus dangereux du pays pour elles.

Les autorités pensent avoir trouvé ses restes, qu’ils ont enterrés dans une fosse commune en l’absence de la famille. Mais comme beaucoup de Mexicains cherchant leurs proches disparus, Reyes n’a pas confiance.

Fin juin, cette mère désespérée est parvenue à faire exhumer des restes d’un crâne et des ossements, supposés être ceux de sa fille, afin d’effectuer des tests ADN.

"Je garde espoir qu’elle est toujours vivante. Mais il faut attendre les résultats des analyses", dit Reyes dans un murmure, après avoir assisté à l’exhumation dans un cimetière de la commune de Nextlalpan, en présence d’un groupe d’experts indépendants.

Cette mère n’avait jamais été autorisée à voir ces restes avant l’inhumation. "Ils ont dit que je n’étais pas prête psychologiquement".

Sa fille, une jeune femme brune, gracile, qui prenait des cours de violon, était partie le 17 septembre dernier faire des photocopies pour ses études de pilote. Elle n’est jamais revenue.

- ’Pire qu’à Ciudad Juarez’ -

Dans les années 90, la ville de Ciudad Juarez et ses alentours désertiques, à la frontière avec les Etats-Unis, étaient devenus tristement célèbres pour les meurtres de femmes qui y étaient commis. Environ 400, selon Amnesty international, la plupart non résolus.

Aujourd’hui c’est dans l’Etat de Mexico que les disparitions et homicides de femmes sont les plus nombreux.

Des corps mutilés, brûlés ou à moitié nus apparaissent régulièrement dans les champs, terrains vagues ou eaux usées dans la banlieue de la capitale, où vivent 15 millions de personnes.

Selon l’Institut national de la statistique, de 2008 à 2013, sur cent meurtres de femmes commis, 14 l’ont été dans l’Etat de Mexico, davantage que dans celui de Chihuahua où se trouve Ciudad Juarez.

Deux femmes disparaissent chaque jour dans cet Etat, affirme Maria de la Luz Estrada, directrice de l’Observatoire citoyen contre les féminicides.

"C’est pire qu’à Ciudad Juarez, ça n’arrête pas", dit Irinea Buendia, mère d’une jeune femme retrouvée morte en 2010, qui a fait rouvrir l’enquête en saisissant la Cour Suprême. La justice avait d’abord conclu à un suicide.

Sept corps ont été repêchés dans la rivière de Los Remedios à Ecatepec où se jettent les eaux usées de la capitale.

"C’est l’un des endroits où l’on trouve le plus de corps" indique David Mancera, président de l’association Solidarité avec les familles, montrant le canal, rebaptisé "La courbe de l’enfer".

C’est là que le corps de Mariana a été découvert.

- ’Rester ensemble’ -

Selon la procureure de l’Etat Dylcia Garcia, ces meurtres sont dus à des violences conjugales ou des crimes sexuels.

Mais pour le président de l’organisation Justice et Droits de l’Homme, Rodolfo Dominguez, c’est un des effets de la guerre contre les cartels qui a fait 80.000 morts et 22.000 disparus.

Mexico connaît une violence généralisée "qui est la conséquence d’une stratégie militaire contre le crime organisé et cela renforce la violence contre les femmes" explique-t-il. La situation "empire à cause des niveaux élevés d’impunité".

Le journaliste Humberto Padgett, dans son livre "La Mort d’un Etat", estime qu’entre 2005 et 2011, 1.997 femmes ont été tuées dans l’Etat de Mexico, dont Enrique Peña Nieto était gouverneur avant d’accéder à la présidence.

La procureure de l’Etat affirme qu’"en termes de chiffres, ce n’est pas aussi grave que ce que disent les associations" mais ne fournit aucune donnée précise malgré des demandes répétées de l’AFP.

Récemment, des passants ont découvert à Ecatepec une femme à l’agonie, le corps à moitié brûlé, encore fumant. Décédée avant l’arrivée des secours, c’était une mère célibataire, disparue en allant chercher du lait.

Beaucoup d’habitantes vivent désormais dans la peur, comme ce groupe de jeunes filles qui marche en groupe en se souvenant comment une voisine a disparu il y a deux mois.

"Maintenant on essaye de toujours rester ensemble dès qu’on doit se déplacer", assure Ayde, 17 ans.


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