MosaikHub Magazine

Un passeport SVP !!! Le cri des Haïtiens en République dominicaine

mardi 7 juillet 2015

8 heures 36 a. m. Sur la cour du consulat d’Haïti, à Santiago, plusieurs dizaines d’Haïtiens attendent l’ouverture des bureaux, le lundi 6 juillet 2015. Gagnés par le dépit, certains, comme Gary Locan, font la gueule. Sa navette pour obtenir le passeport de sa compagne, Marcelaine Pierre, est loin de terminer. « J’ai déposé les pièces pour le passeport en février 2015. Aujourd’hui, cinq mois après, on m’a dit de repasser en décembre », s’énerve Gary Locan, peintre, originaire de Lascahobas, dans le Plateau central. Sans ménagement, il dénonce « l’incompétence et l’irresponsabilité de l’Etat haïtien ». « L’Etat haïtien nous a abandonnés comme des bêtes », peste-t-il. Installé à Puerto Plata, Gary Locan soutient que dans ce contexte le passeport, ce petit livret, peut déterminer beaucoup de choses, rendre plus lisibles des avenirs qui s’écrivent en pointillés, à l’encre de l’incertitude. Pour lui, les autorités devraient accorder la priorité aux Haïtiens en République dominicaine. Dépourvus de documents, beaucoup de gens « sont rentrés de leur propre chef en Haïti. Soit par peur de représailles, soit dans le souci de sauvegarder les biens accumulés », confie Jean Joseph, résident à Moca, sous les yeux d’un vieux bougre prompt à souligner que « sin pasaporte no derecho ». Sans passeport, pas de droit, insiste-t-il, les yeux écarquillés. Gardien de nuit pour une mensualité de 18 000 pesos, ce sexagénaire, dont le passeport a expiré, affirme être « venu coucher (déposer) ses documents ».Il ne se fait aucune illusion sur le temps que cela va prendre pour avoir ce document. Pas de commentaires sans autorisation expresse de l’ambassadeur ou de la chancellerie, indique Jacques Pierre Martilus, consul général adjoint à Santiago depuis le coup de balai donné par la chancellerie après la gestion calamiteuse de l’après pendaison de l’Haïtien Claude Jean Henry à Santiago il y a quelques mois. « Il est fondamental de formaliser la migration, que les Haïtiens vivent ici dans la légalité, avec leurs papiers », soutient Harold Pierre, professeur à Pucamayma, l’une des prestigieuses universités de la République dominicaine. « Une fois qu’ils auront leurs papiers, ils seront moins maltraités », indique-t-il, soulignant que les travailleurs illégaux sont sous-payés. On paie en moyenne à un immigrant illégal 80 % moins pour le même travail effectué par un Dominicain. Harold Pierre met en avant également les faibles compétences techniques de la quasi-majorité de la main-d’œuvre haïtienne que l’on retrouve dans les champs et sur les chantiers. 0,7 % seulement des 543,233 Haïtiens recensés par le bureau de statistiques de la RD travaille dans les centres d’appels, indique Harold Pierre. Pour lui, les migrants haïtiens de partout recouvreront leur dignité quand Haïti se mettra sur les rails du développement. Fernando Capellan de Grupo M croit, lui aussi, qu’il est urgent de formaliser la migration. Cette formalisation protégera les droits des travailleurs. « Ils pourront avoir accès au système de sécurité sociale et fonctionner normalement dans l’économie », a-t-il dit. D’autres hommes d’affaires dominicains veulent régulariser la situation de leurs travailleurs vivant illégalement sur le territoire dominicain, selon Daniel Supplice, ambassadeur d’Haïti en République dominicaine. Il confie avoir reçu Juan Vicini junior, exploitant des fermes sur quelque 31 000 hectares qui est prêt à payer tous les frais pour 4000 employés haïtiens. C’est le cas aussi pour des investisseurs dans la banane. Ce secteur compte des dizaines de milliers de travailleurs haïtiens en attente de légalisation, poursuit Daniel Supplice. L’économie dominicaine a besoin de la main-d’œuvre haïtienne. Tout le monde gagnerait dans la formalisation de la migration, soutient Errol Boulos, industriel haïtien installé depuis 2003 en République dominicaine, le plus gros fournisseur de bougies, de bougies parfumées de la Caraïbe et de l’Amérique latine. « Le gouvernement dominicain ne peut pas se payer le luxe de renvoyer tous les Haïtiens », indique-t-il, avant de souligner la nécessité de trouver des solutions aux problèmes. En milieu de journée, à Ouanaminthe, des familles ayant décidé de rentrer au pays communiquaient des informations aux commis installés sous une tente dans des bureaux de l’immigration. Certains compatriotes, décontractés, avouaient n’avoir pas de passeport ni aucun autre document d’identité. Sur la base de sa bonne foi, Witny Joseph, 30 ans, qui résidait à La Vega depuis 7 ans, rentrait chez lui à Port-de Paix. Contraints de trouver des documents pour se légaliser, beaucoup d’Haïtiens vivant illégalement en République dominicaine se sont fait arnaquer par des faussaires. 7 000 faux actes de naissance remis par des Haïtiens dans le cadre du programme. Ce volume de documents non authentiques à traiter n’est pas sans conséquences sur l’échec cuisant du Programme d’identification et de documentation des immigrants haïtiens (PIDIH), affirme une source, off the record. Pour le moment, rien n’indique que les Haïtiens illégaux, en mal de passeport, trouveront de sitôt ce document sésame car le bureau de l’immigration et de l’émigration, entité sous la tutelle du ministère de l’Intérieur et des Collectivités territoriales n’excelle pas dans le service fourni. Ces derniers mois, ceux qui vivent en Haïti, à Port-au-Prince, ont dû prendre leur mal en patience avant d’avoir un passeport. Eux au moins n’avaient pas sur la tête l’épée d’une déportation qui s’aiguise de jour en jour…

AUTEUR Roberson Alphonse robersonalphonse@lenouvelliste.com

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