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Soudan du Sud : l’interminable guerre civile

mercredi 8 juillet 2015

Au jour du quatrième anniversaire de son indépendance, le pays se situe, selon l’ONU, "tout en bas de l’échelle en termes de développement humain".

Femmes et filles victimes de viols collectifs, garçons émasculés, armées d’enfants soldats : les atrocités s’enchaînent au Soudan du Sud, ravagé par 18 mois de conflit, mettant tous les jours un peu plus en lumière l’impuissance de la communauté internationale à enrayer l’escalade de la violence. Ni les sanctions ni les pressions de soutiens-clés comme les États-Unis ou même la Chine, autrefois très présente dans un secteur pétrolier désormais largement détruit, ne semblent avoir de prise sur les belligérants, le camp du président Salva Kiir ou celui de son ex-vice-président et rival Riek Machar.

La guerre civile sud-soudanaise a éclaté mi-décembre 2013, avec des combats au sein de l’armée sud-soudanaise, fracturée le long de lignes politico-ethniques par la rivalité à la tête du régime entre Salva Kiir et Riek Machar. Diverses milices tribales se sont jointes, d’un côté ou de l’autre, aux combats, accompagnés de massacres ethniques et d’exactions. Salva Kiir et Riek Machar ont tous deux reconnu une part de "responsabilité collective dans la crise". Ils ont même signé jusqu’à sept cessez-le-feu. Mais tous ont été violés en quelques jours ou quelques heures.

Les deux hommes se sont encore rencontrés fin juin, mais aucun "résultat tangible" n’est ressorti de la réunion, selon un porte-parole du camp Machar. Les pourparlers de paix sont soutenus à coups de millions d’euros par une communauté internationale qui avait déjà largement parrainé le processus d’indépendance du pays. Ils n’ont jusqu’ici donné aucun résultat, mais les diplomates étrangers continuent de s’y accrocher pour éviter que le pays ne sombre encore plus dans l’horreur.

Des sanctions controversées

D’autant qu’une approche radicale, à coups de sanctions, est loin de faire l’unanimité. Pour la première fois, la semaine dernière, le Conseil de sécurité de l’ONU a décidé de sanctions contre six généraux - trois dans chaque camp : des gels d’avoirs et interdictions de voyager. "Ceux qui commettent des atrocités et minent la paix en paieront les conséquences", a averti l’ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, Samantha Power. Mais trois des généraux visés étaient déjà sous sanctions américaines et européennes. Sans aucun effet sur le conflit.

Juste avant l’adoption des sanctions onusiennes, l’International Crisis Group avait mis en garde contre leur effet contre-productif : non seulement ces généraux ne sont pas à la tête du commandement - Kiir et Machar n’ont eux-mêmes jamais été sérieusement inquiétés -, mais la plupart soutiennent aussi "un règlement négocié et leur soutien sera crucial pour toute application d’un éventuel accord de paix". John Prendergast, de l’Enough Project, estime, lui, que des sanctions peuvent aider à "lutter contre le climat d’impunité" qui règne dans le pays, mais également que davantage doit être fait contre "des responsables plus haut dans la chaîne hiérarchique".

"Une brutalité et une intensité nouvelles" (ONU)

L’ex-chef des opérations humanitaires de l’ONU au Soudan du Sud Toby Lanzer, récemment expulsé du pays pour avoir mis en garde contre la catastrophe économique qui s’y joue également, a aussi fustigé "l’intransigeance politique" des dirigeants sud-soudanais, qui alimente, selon lui, le conflit mois après mois. "La poursuite des hostilités, au complet mépris des souffrances de la population, équivaut au renoncement des dirigeants sud-soudanais à leurs responsabilités les plus fondamentales", a encore estimé le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine.

Un rapport commandité par l’UA a révélé que Salva Kiir et Riek Machar étaient tous deux responsables de "massacres organisés" et recommandait que les deux dirigeants soient exclus de la vie politique. Il a fait l’objet de fuites, mais n’a jamais été officiellement publié, de peur que ses recommandations radicales ne torpillent des pourparlers de paix déjà fragiles. Car, aussi infructueux soient-ils, ces pourparlers sont encore, de l’avis de diplomates, la meilleure option. "Des sanctions contre les dirigeants, c’est un dernier ressort, estime l’un d’eux. Nous espérons toujours qu’ils se parlent et bouclent un accord." Mais le temps presse. D’autant que, selon l’ONU, les violences ont atteint "une brutalité et une intensité nouvelles", avec un "niveau de cruauté qui (...) suggère une animosité qui dépasse les clivages politiques".


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