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2015, la montée en puissance : Obama en train de transformer sa présidence en réussite

mardi 21 juillet 2015

Bien moins morne que son début de mandat, les deux dernières années de présidence du chef d’Etat américain sont marquées par plusieurs grands succès tant sur le plan de la politique intérieure (Obamacare) que la politique extérieure (L’Iran, Cuba).

Atlantico : La deuxième partie du mandat d’Obama semble sourire de nouveau au président américain, cela tranche avec une première partie bien plus terne. Récemment, sa loi sur la réforme de la sécurité sociale (Obamacare) a même passé l’épreuve de la Cour Suprême. Avons-nous affaire à de simples succès en trompe-l’oeil ou la politique d’Obama connaît-elle réellement plus de succès actuellement ?

François Durpaire : On a coutume d’évoquer aux Etats-Unis la malédiction du second mandat (second-terme curse), c’est-à-dire du fait que le deuxième mandat est souvent plus difficile pour le président américain.

Cela s’est vérifié souvent : citons Truman, Johnson, Nixon, George W. Bush... Les raisons en sont différentes : scandale public pour Nixon (Watergate), enlisement militaire pour Johnson (Vietnam) ou G.W. Bush (Irak).

Il faut cependant relativiser cette notion, car certains présidents ont terminé leur second mandat plus populaire qu’il ne l’était à la fin de leur premier (ce fut le cas de Reagan et de Clinton).

Pour répondre directement à votre question, oui, Obama finit mieux qu’il n’a commencé ! Avec des succès de politique intérieure comme la réforme de l’assurance santé confortée par la Cour suprême. Et de grands succès de politique étrangère : Cuba, l’accord sur le nucléaire iranien, ou - ce dont on parle moins en France - l’accord sur le climat avec la Chine.

Les émeutes à Baltimore ou Ferguson sont venues rappeler le problème que connaissent les Etats-Unis avec le racisme. A ce sujet Obama a fait des annonces fortes, et a même exprimé dernièrement la volonté de réformer le système pénitentiaire américain, où les Noirs sont sur-représentés. Comment l’opinion publique réagit-elle à ces annonces ? C’est une stratégie déjà utilisée par Obama ?

Oui et c’est une constante de la politique d’Obama en matière de minorités. Il ne souhaite pas agir directement (politique basée sur une seule communauté comme le black agenda...) mais plutôt indirectement, en réformant par exemple le système judiciaire. On peut cependant faire remarquer que l’Etat fédéral n’a pas joué un grand rôle en matière de relations interraciales durant ces deux mandats, et lorsqu’aux Etats-Unis, l’attention se relâche, les vieux démons ressurgissent : huit églises afro-américaines viennent d’être brulées dans les Etats du Sud. C’est peut-être un des principaux échecs d’Obama, avec également l’impossibilité de réformer le port des armes - une quinzaine de mass shootings depuis 2008 – et la politique migratoire.

A l’extérieur, cette deuxième partie de mandat sera celle du dégel des relations avec Cuba, et de l’accord sur le nucléaire iranien. Comment expliquer les succès rencontrés par la politique étrangère américaine ces derniers temps ? Quels volets de la politique d’Obama rencontrent le plus de succès, intérieurs ou extérieurs ?

Les succès en politique extérieure ont plus de relief, parce qu’Obama apparaît comme le seul artisan de ces avancées historiques contre le Congrès à majorité républicaine.

« Historique » n’est pas un adjectif galvaudé : la normalisation avec Cuba (la rupture datait de 1961 !) peut ouvrir des relations moins asymétriques avec l’ensemble de l’Amérique latine. C’était le sens de la phrase prononcée en décembre 2014 : "Todos somos americanos". Des relations qui ne soient plus héritées de la doctrine Monroe et de son corolaire Roosevelt (début du XXe siècle).

Quant à l’accord sur le nucléaire iranien, elle referme une page de tension ouverte en 1979. Et annonce un rééquilibrage d’alliance géostratégique entre les pétromonarchies sunnites et l’Iran chiite. Je dis "rééquilibrage" et non "retournement d’alliances" car il est encore trop tôt. Au-delà, c’est la diplomatie positive d’Obama qui commence à payer. En l’absence de résultats, cette diplomatie était taxée de "naïve" par la plupart des observateurs.

N’oublions pas les insuffisances de cette diplomatie : le voyage tardif d’Obama au Kenya, le pays d’origine de son père, ne parviendra pas à faire oublier l’absence de politique africaine des Etats-Unis. La déception des sociétés civiles africaines qui avaient beaucoup cru en Obama est grande. Le Soudan du Sud souffre sans que les Etats-Unis ne bougent pour l’instant le petit doigt. Sans parler de la situation dans le nord du Nigéria avec Boko Haram.

Cela vient-il favoriser la tâche au prochain candidat démocrate à la présidentielle ? Ou bien peut-on imaginer que l’héritage sera trop lourd à porter ?

Vous y allez trop rapidement. On ne sait pas encore si le futur président sortira des rangs démocrates. Pour faire un bilan objectif des années Obama, il faudra du temps. D’abord pour savoir si ses réformes résisteront à l’épreuve du temps. Et si sur le plan de la politique étrangère – je pense notamment à l’accord sur le nucléaire iranien – le système de surveillance mis en place parviendra effectivement à éviter ce risque de prolifération nucléaire. A ces conditions, Obama, qui n’est pas particulièrement modeste quand il rencontre certains de ses interlocuteurs, aura ce qu’il affirme mériter : « un chapitre lui rendant justice dans les livres d’histoire ». Et pas seulement pour avoir réalisé cet exploit électoral de 2008, d’avoir été le premier Noir président dans l’histoire des Etats-Unis...


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