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Deux policiers turcs retrouvés morts près de la frontière syrienne

mercredi 22 juillet 2015

Le PKK a revendiqué le meurtre de ces deux policiers en représailles à l’attentat suicide meurtrier attribué lundi au groupe djihadiste État islamique

Les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont riposté mercredi à l’attentat suicide attribué lundi au groupe djihadiste État islamique (EI) et tué deux policiers turcs, renforçant les craintes d’une contagion du conflit syrien à la Turquie voisine. Deux jours après l’attaque qui a fait 32 morts et une centaine de blessés à Suruç (Sud), le mouvement kurde a revendiqué l’assassinat de deux policiers turcs accusés de "coopération" avec les djihadistes, retrouvés morts une balle dans la tête dans la matinée dans une autre ville turque proche de la frontière syrienne.

Cette opération du PKK, qui menace de faire voler en éclats le fragile processus de paix engagé avec Ankara en 2012, intervient alors que le gouvernement s’est réuni en vue de renforcer sa sécurité à sa frontière avec la Syrie dans la foulée de l’attentat. "Une action punitive a été conduite (...) contre deux policiers qui coopéraient avec le gang de Daesh (l’acronyme arabe de l’EI) à Ceylanpinar", a écrit sur son site internet la branche armée du PKK, les Forces de défense du peuple (HPG). Le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu a vivement réagi sur Twitter en dénonçant une "attaque méprisable" du PKK.

L’attentat de Suruç a visé un groupe de jeunes militants proches de la cause kurde qui souhaitaient participer à la reconstruction de Kobané. Située à quelques kilomètres de Suruç, cette ville syrienne a été largement détruite par les violents combats qui se sont soldés en janvier par la victoire des milices kurdes sur l’EI. Dans les heures qui ont suivi, le Premier ministre islamo-conservateur turc Ahmet Davutoglu a accusé le groupe État islamique d’être à l’origine de l’attentat.

M. Davutoglu présidait mercredi après-midi un conseil des ministres extraordinaire destiné à élaborer un nouveau "plan d’action" antiterroriste visant à renforcer la surveillance de sa frontière syrienne. Depuis deux jours, les détracteurs du régime turc l’accusent d’être pour partie responsable des événements de Suruç, dénonçant sa mauvaise évaluation du risque djihadiste, voire, pour les plus virulents, sa complaisance pour le groupe EI. "Le gouvernement actuel a toujours jusqu’à présent combattu le terrorisme et il ne fera jamais de compromis avec lui", a répété M. Davutoglu mardi soir sur Twitter.

Même si elle est membre de la coalition antidjihadiste, la Turquie du président Recep Tayyip Erdogan est jusque-là restée l’arme au pied face à l’EI. Elle a notamment refusé d’intervenir en soutien des milices kurdes de Syrie, par crainte de voir se constituer une région autonome hostile dans le nord de la Syrie.

Le "kamikaze" identifié

Ankara a toutefois récemment commencé à s’attaquer aux filières qui permettent aux recrues djihadistes de rallier la Syrie via son territoire. Depuis lundi, des manifestations, réprimées par la police, ont agité les grandes villes turques pour dénoncer la politique syrienne d’Ankara. Le principal parti kurde de Turquie a appelé à un nouveau rassemblement dimanche après-midi à Istanbul.

Dans ce contexte tendu, l’attaque revendiquée par le PKK mercredi a pour but de "faire passer un message au gouvernement turc", a analysé Max Abrahms, du centre d’études américain Council on Foreign Relations. "Cette violence vise à faire comprendre aux responsables turcs qu’ils sont menacés s’ils continuent à aider l’EI aux dépens des Kurdes", a déclaré M. Abrahms à l’AFP, "le gouvernement se retrouve désormais sous forte pression, contraint à s’attaquer aux djihadistes sans que les Kurdes n’en profitent".

Les autorités turques ont par ailleurs affirmé mercredi avoir formellement identifié le "kamikaze" de Suruç. "Nous confirmons sur la base des analyses génétiques pratiquées que l’auteur de l’attaque est un homme de 20 ans originaire d’Adiyaman" (Sud-Est), a déclaré à l’AFP un responsable turc sous couvert de l’anonymat. Le jeune homme, identifié sous les initiales S.A.A., a rejoint les rangs du groupe EI il y a deux mois seulement, d’après la presse turque.

Selon la presse, les autorités turques enquêtent sur d’éventuels liens entre l’attaque meurtrière de Suruç et un autre attentat qui avait fait 4 morts et plusieurs dizaines de blessés lors d’une réunion publique du principal parti kurde de Turquie le 5 juin dernier à Diyarbakir (Sud-Est), deux jours avant les élections législatives. Le quotidien Hürriyet a affirmé mercredi que le mécanisme de l’engin explosif était identique dans les deux cas et que les auteurs présumés de ces deux attaques avaient rejoint les rangs djihadistes au même moment.

À la demande du gouvernement, un juge turc a interdit mercredi la diffusion sur Internet des images, souvent insoutenables, prises juste après l’explosion par les témoins, abondamment partagées sur les réseaux sociaux depuis deux jours. Cette mesure a ravivé chez les internautes les craintes d’un nouveau blocage de Twitter par le gouvernement islamo-conservateur turc, qui s’est attiré les vives critiques des défenseurs des libertés pour l’avoir ordonné à plusieurs reprises.


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