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23 juillet 1983. Le commandant Pearson réussit l’exploit de poser son B-767 tombé en panne sèche.

jeudi 23 juillet 2015

Pour avoir confondu kilos et livres, un employé laisse le Boeing d’Air Canada s’envoler avec les réservoirs à moitié vides !

Le 23 juillet 1983, les 61 passagers du Boeing B767 d’Air Canada reliant Ottawa et Edmonton somnolent, bouquinent, ou draguent les hôtesses... Encore deux heures de vol avant d’arriver à destination. Dans le cockpit, c’est la routine. Le capitaine Bob Pearson et son copilote Robert Quintal ont les automatismes d’un conducteur de bus qui parcourt la même ligne depuis vingt ans. C’est alors qu’une alarme se déclenche : bip ! bip ! bip ! bip ! Pourtant, l’avion ne traverse pas le ciel ukrainien...

Les deux hommes jettent un regard sur leurs écrans électroniques. Apparemment, une des pompes à carburant alimentant le réacteur gauche est tombée en panne. Cela peut arriver. Rien de bien grave. Les équipements sont redondants. L’équipage se borne à débrancher la pompe fautive. L’ordinateur de bord signale que les réservoirs contiennent encore pas mal de kérosène. Erreur... L’avion poursuit sa route. Les passagers ne se doutent de rien. Bientôt, une deuxième alarme retentit dans le cockpit. Merde, si on ne peut plus somnoler en pilotant, cela devient grave ! Les pilotes constatent qu’une deuxième pompe a rendu l’âme. C’est déjà plus inquiétant. Respectant la procédure, ils décident de diriger l’appareil vers l’aéroport le plus proche, celui de Winnipeg.

Panne de kérosène

Brrr... Grou... Bing... ! Le réacteur gauche s’arrête. Pas de panique, l’avion est conçu pour pouvoir voler avec un seul moteur. Les deux pilotes s’y sont déjà entraînés de nombreuses fois en simulateur. Ils préviennent les contrôleurs aériens de s’apprêter à les accueillir pour un atterrissage d’urgence. Dans la cabine, le personnel de bord prépare les passagers en les invitant à prendre la position de sécurité. Les deux pilotes ne sont pas au bout de leurs surprises. Un booooonnnng interminable s’élève d’un haut-parleur. Ils se regardent, interloqués. Jamais au cours de leur carrière ils n’ont entendu un tel signal d’alerte. Tout simplement, ce booooonnnng est le râle d’un B767 en panne de kérosène.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le pompiste a fait une erreur en faisant le plein. Il a confondu livres et kilos, car les jauges du bord ont été mal étalonnées. Personne ne s’en est aperçu. Une erreur d’inattention aussi ahurissante que celle d’oublier de comptabiliser un meeting dans les comptes d’une campagne présidentielle... Bref, le Boeing a décollé avec deux fois moins de kérosène que nécessaire.

Pilotage sans moteur

Désormais, le commandant Pearson pilote un planeur de 180 tonnes avec 69 personnes à bord. Le dernier moteur expire. Aussitôt, toutes les lumières s’éteignent. Autant dire que c’est la panique dans la cabine. Il en va presque de même dans le cockpit. L’un des deux pilotes lâche un "Oh ! Fuck !". La situation les prend complètement de court. Pearson a l’impression d’être aux commandes de l’UMP... Au bout de quelques secondes, quelques écrans se rallument grâce à la turbine de secours venant de se déployer à l’extérieur du fuselage. Pearson et Quintal se précipitent sur les manuels de bord pour chercher le chapitre consacré au pilotage sans moteur. Ils n’en trouvent pas ! Le commandant de bord doit improviser. Avec l’aide des contrôleurs aériens, Quintal calcule que l’appareil descend à raison de 1 500 mètres tous les 18,5 kilomètres. On fait mieux comme planeur. La perte d’altitude trop rapide ne permettra pas d’atteindre Winnipeg. Il faut trouver une piste à proximité. Par chance, comme militaire, le copilote a servi dans la base aérienne de Gimli, toute proche.

Aux commandes, Quintal met donc le cap sur la base. Puis il déverrouille le train d’atterrissage qui se met en place sous son propre poids. En revanche, impossible de fixer la roulette avant en position ouverte. On s’en passera. Quintal entreprend une glissade délicate pour faire perdre rapidement de l’altitude au Boeing afin d’aborder au mieux l’atterrissage. Les passagers recommandent leur âme à Dieu. Certains préfèrent invoquer Sarkozy... Pas de chance, la base reçoit ce jour-là le Jour de la famille, une manifestation avec une compétition de karts. Au plus vite, la foule s’écarte pour accueillir le planeur improvisé. Quand le B767 touche la piste, le commandant Pearson s’arc-boute sur les freins pour stopper l’appareil avant qu’il n’aille piétiner les tentes. Deux pneus explosent, mais l’avion s’arrête juste à temps. Pas de casse, même s’il pique du nez en raison de la roulette avant mal fixée. Un petit incendie se déclare, vite circonscrit par les extincteurs brandis par les participants de la course de karts. Les passagers n’en revenant pas d’être encore vivants se précipitent, guidés par les hôtesses, vers les toboggans.

Quelques-uns se blessent en atterrissant sur le sol, car le toboggan ne le touche pas à cause de l’inclinaison de l’appareil vers l’avant. C’était bien la peine que les pilotes se donnent tout ce mal.


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