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« Haïti vit au-dessus de ses moyens », dixit Wilson Laleau

lundi 3 août 2015

- Une production nationale qui va decrescendo, des taux de change en chute, des hommes d’affaires qui dénoncent la contrebande, une société en crise. Dans ce contexte campé par le public ou le privé, le ministre de l’Economie et des Finances constate que le pays vit définitivement au-dessus de ses moyens

A coups de chiffres, d’analyses, de graphiques les uns plus parlants que les autres, le ministre de l’Economie et des Finances, Wilson Laleau, montre clairement qu’Haïti, qui dépense chaque année près de 35% de plus que ce qu’elle possède, vit définitivement au-dessus de ses moyens. Les conséquences doivent survenir un jour. « Les moyens ne sont pas à la dimension des besoins », a-t-il déclaré, ce vendredi à l’hôtel Montana, devant les hommes d’affaires réunis au sein du Forum économique du secteur privé haïtien. « Entre 1996 et 2003, Haïti a enregistré une croissance négative (-0,5%) pendant que la République dominicaine affiche 4,1% de son PIB. En 1996, l’agriculture représentait 32% dans le PIB global, en 2013, elle n’était plus que 24% », a expliqué Wilson Laleau en présentant la situation économique de la nation devant les hommes d’affaires de différentes associations patronales. Il a, par ailleurs, dressé un tableau assez sombre des 30 dernières années. Le conférencier du jour indique une croissance fragile et accompagnée de déséquilibres. À la question concernant la dégringolade récente de la gourde par rapport au dollar américain et qui revient régulièrement, le ministre de l’Économie et des Finances réplique que « les fondamentaux de l’économie n’expliquent pas la violence de l’instabilité du change ». Le grand argentier de la République montre que la rareté du dollar n’existe pas réellement. À l‘intérieur du système, les dollars sont là même si les opérateurs n’arrivent pas à les trouver. « Les prévisions à l’approche des élections peuvent expliquer en partie que les agents économiques anticipent une crise et convertissent systématiquement les gourdes en dollars », a détaillé Wilson Laleau. Motifs de spéculation ou de précaution, selon ce dernier qui a encore expliqué qu’une assez bonne gestion des finances publiques n’a pas su empêcher le décrochage du taux de change. On a critiqué tous les présidents qui se sont succédé au pouvoir, tous les gouvernements ont essuyé des critiques. « A bien regarder, ceux qui critiquent ne sont pas irréprochables. Le gouvernement est certes le principal responsable, mais n’est pas le seul responsable de la situation actuelle », a souligné Laleau, qui indexe les problèmes de société de la nation. Pour lui, les anticipations négatives dans l’économie ne serviront pas au développement du pays. Tout en indexant ce qu’il appelle des anomalies structurelles, le coordonnateur du Forum économique du secteur privé, Grégory Brandt, constate qu’en 30 ans, l’agriculture a perdu de sa valeur, passant de 32 % à 24 % du PIB, alors que l’eau et l’énergie ne représentent que 0,5% du PIB. « Une industrie manufacturière qui stagne en dessous de 10 % du PIB. Des biens autrefois produits en Haïti sont désormais importés », a regretté M. Brandt, qui est aussi président de la Chambre franco-haïtienne de commerce et d’industrie. Les échanges inégaux et non compétitifs sont menés au niveau d’une frontière où la « contrebande légale » est la norme contre les entreprises haïtiennes. Plein d’obstacles cités par Grégory Brandt en plus d’un cimetière d’entreprises agro-industrielles (ndlr : celles qui sont fermées), Facolef, l’usine sucrière Dessalines dans le Sud, Conasa dans le Nord, la laiterie du Sud, la laiterie D’Adesky, La Prinsa, Mayard, Haïti Métal, Armaury à Petit-Goâve, Colgate-Palmolive déménageant de Port-au-Prince vers la République dominicaine…. Il faut admettre que la politique économique des 30 dernières années est un échec. Devant cet échec retentissant, « il faut que les Haïtiens, les hommes et les femmes politiques dans cette salle acceptent de faire des choix difficiles et non populaires pour changer les paradigmes. Il faut radicalement inverser la tendance dans la production et les investissements », a fait savoir Grégory Brandt qui constate que les choix sectoriels identifiés depuis 2009 n’ont pas reçu de supports politiques nécessaires. Le ministre Laleau en tant que politique prend le risque de dire la vérité aux hommes d’affaires, mais Grégory Brandt, coordonnateur du Forum économique du secteur privé, a bien voulu partager une partie de ce risque à travers son survol des conséquences économiques des 30 dernières années. Chaque moment historique a son enjeu. « Plus de 215 ans avant, l’enjeu majeur pour le pays était l’indépendance du pays : durant les années 80, c’était le combat pour la liberté d’expression ; en 2015, force est de constater que l’enjeu principal est l’économique », a fait savoir Me André Michel, l’unique candidat, parmi les centaines, qui a fait le déplacement. « Le pays a besoin de créer des emplois pour sortir la population des griffes de la pauvreté. Il est inadmissible que l’agriculture soit traitée en parent pauvre. Chaque carreau de terre planté de maïs offre 14 emplois sans compter ceux créés de la transformation. » Je ne peux pas être insensible à une invitation du Forum économique du secteur privé haïtien qui traite des sujets aussi vitaux pour le devenir du pays, a confié Me André Michel, qui n’a pas tari d’éloges sur les efforts des entrepreneurs qui créent de la richesse. Il opte pour la redynamisation de la production nationale en commençant par soutenir les initiatives locales. Aussi nous a-t-il confié que le tailleur Frantz Joseph confectionnera ses vêtements durant la campagne présidentielle. « Il faut recapitaliser la classe moyenne », a-t-il martelé. Selon le grand argentier de la République, qui restitue des chiffres déjà publiés par la banque centrale et le ministère de l’Économie et des Finances, les principaux indicateurs d’activité sont en hausse, hormis la production d’énergie. L’expansion de l’activité économique entamée depuis trois ans se poursuit, mais à un rythme moindre. Grâce à la politique de consolidation budgétaire et de rationalisation des dépenses, le déficit budgétaire en pourcentage du PIB reste faible et se réduit (inférieur à 2%). La sécheresse qui prévaut dans plusieurs zones occasionne une montée des importations et des prix des produits alimentaires mais l’effet sur la balance commerciale est compensé par l’augmentation des exportations (entrée des devises). Les transferts privés ont augmenté compensant la baisse des transferts officiels.


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