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Pour ses 60 ans, Angela Merkel fait la leçon aux Européens

jeudi 24 juillet 2014

A quelle soirée d’anniversaire peut bien rêver le jeudi une Allemande de 60 ans qui était le dimanche au Brésil, qui, le lendemain, recevait à Berlin le président du Pérou, qui, le mardi participait à Dubrovnik à une rencontre sur les Balkans et qui, le matin même était rentrée chez elle à 3 heures 45 après un énième sommet européen qui, en début de nuit, avait tourné au fiasco ? Sans doute à une soirée en famille. Sauf qu’être chancelière impose quelques obligations. Dans un pays où les anniversaires constituent des événements publics, fêter ses 60 ans en grande pompe en fait partie. C’est pourquoi la CDU avait invité ce jeudi soir un millier d’"amis" pour célébrer dignement la naissance, à Hambourg, le 17 juillet 1954, de la petite Angela Kasner.

Mais ceux qui s’imaginent la femme la plus puissante du monde régaler ses fidèles au cours d’une garden-party payée par le contribuable où le champagne coulerait à flots connaissent mal Angela Merkel. En guise de champagne, les invités avaient le choix entre trois échoppes situées au premier étage du siège berlinois de la CDU. Une "Trattoria Stromboli" avec des nappes en papier à petits carreaux rouges et blancs, un bar à vin (et à bière) et un stand monté par un aubergiste de la circonscription d’Angela Merkel tout au nord de l’Allemagne.

Surtout, comme l’a remarqué Sigmar Gabriel, président du parti social-démocrate, invité, grande coalition oblige, à faire l’éloge de la chancelière, la CDU, a fait mentir Berthold Brecht. "La bouffe d’abord, la morale ensuite" avait déploré le dramaturge. Avec Angela Merkel, c’est l’inverse.
Il y a dix ans, celle qui n’était que présidente de la CDU avait invité un neuro-scientifique à tenir un discours. Devant le gratin de la classe politique allemande, celui-ci avait expliqué que le cerveau humain ne se différenciait pas fondamentalement de celui d’un escargot. Tout le monde n’avait pas apprécié. Cette année, avant d’accéder au buffet, les invités ont dû écouter durant 45 minutes Jürgen Osterhammel, un historien peu connu du grand public mais bardé de prix et spécialiste de la mondialisation, notamment de la Chine. Sans la moindre note d’humour, celui-ci a brossé une vaste fresque allant d’Alexandre le Grand à nos jours, montrant à la fois que l’avenir n’est pas prévisible et surtout que ni l’Europe ni l’Occident ne sauraient en constituer un bien hypothétique centre.

Alors qu’Angela Merkel vient d’effectuer son septième voyage en Chine en sept ans, le message à ses compatriotes et aux Européens est limpide : cessons de nous prendre pour le centre du monde, nous n’en sommes qu’une toute petite partie et celui-ci n’attend pas après nous.
Après avoir reçu les éloges des dirigeants de la CDU, du Parti social-démocrate (SPD) et de la CSU bavaroise, Angela Merkel ne s’est attribué qu’une qualité : "Je suis incroyablement curieuse", a-t-elle dit. Et endurante, aurait-elle pu ajouter. Alors que ses invités profitaient des buffets, la chancelière a reçu debout, pendant près d’une heure, plusieurs centaines d’entre eux, qui, parfois avec un petit cadeau à la main, tenaient à la saluer personnellement et à être pris en photo à ses côtés. A ce moment-là, on ne jurerait pas qu’Angela Merkel ne rêvait pas d’avoir déjà 61 ans.


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