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12 août 1990. Découverte du plus énorme Tyrannosaurus rex au monde dans une réserve indienne

mercredi 12 août 2015

Après un sommeil de 67 millions d’années, le dinosaure revient sur Terre, rapportant 8,36 millions de dollars à un fermier du Dakota.
Par Frédéric Lewino et Gwendoline Dos Santos

Un certain Sarko a attendu à peine trois ans pour ressusciter. Sue s’est montrée bien plus patiente : elle s’est morfondue 67 millions d’années avant de revoir le jour. Sue est une imposante femelle Tyrannosaurus rex. Avec ses longues dents aussi affûtées que des sabres, elle vous aurait découpé un éléphant en carpaccio en quinze secondes. De son vivant, c’était une infatigable machine de guerre, une des plus efficaces jamais enfantées par la biodiversité. Ce qui ne l’a pas empêché de finir par mourir, noyée dans une rivière. Des sédiments se sont accumulés sur elle au fil des siècles, la protégeant des agressions du temps. Et un beau jour, comme la Belle au bois dormant, un prince est venu la réveiller.

Voici l’histoire : au cours du mois d’août 1990, une équipe de paléontologues recherche des fossiles sur les terres d’un métis d’Indien nommé Maurice Williams. Un beau jour, le camion de Peter Larson, le cofondateur de l’Institut de recherche géologique des Black Hills, est la victime d’une crevaison. Le 12 août, toute l’équipe se rend en ville pour faire réparer la roue, sauf Susan Hendrickson, qui préfère explorer une dernière falaise. Suivie de son chien Gypsy, cette archéologue de Seattle prise de passion pour la paléontologie gagne d’un bon pas le fameux escarpement. "Je longeais le pied de la falaise, la tête baissée pour regarder le sol. À mi-chemin, j’ai vu quelque chose qui ressemblait à des ossements." Elle croit avoir retrouvé Giscard quand, en levant la tête : " À environ trois mètres au-dessus de ma tête, il y avait des vertèbres." Bingo. Susan a tiré le gros lot.

Arracher le squelette à la falaise

Quand Peter Larson regagne le camp, Susan lui montre quelques petits os qu’elle a arrachés à la falaise. Immédiatement, il confirme la découverte d’un T. rex. Il identifie encore un fémur pointant hors de la paroi et de nombreux autres os. Leur taille est phénoménale. Il comprend que c’est la découverte de sa vie. Avant toute chose, il faut trouver le propriétaire des lieux, Maurice Williams, pour négocier l’achat du squelette. Celui-ci, incapable d’apprécier l’importance de la trouvaille, accepte de le céder pour 5 000 dollars. Une misère. Dix-sept jours d’un travail intense et épuisant sont nécessaires pour arracher à la falaise le squelette. En hommage à Susan, le fossile est baptisé Sue, Peter supposant que le T. rex était une femelle.

C’est bien le plus gros T. rex jamais trouvé, mais encore mieux, c’est le plus complet, avec plus de 90 % des os dans un état quasi parfait. Rapportées à l’institut, les pièces sont nettoyées et traitées une par une. Un travail titanesque qui s’étale sur dix-huit mois. Sue, qui rêvait de passer entre les mains d’une esthéticienne, est aux anges. Du monde entier les plus grands experts en dinosaures se précipitent pour admirer la demoiselle. Ils font des observations étonnantes. Ainsi, dans le crâne incroyablement préservé, ils découvrent des bulbes olfactifs encore plus gros que la partie du cerveau réservée à la réflexion. Les T. rex devaient pouvoir sentir leurs proies à des dizaines de kilomètres à la ronde. Autre surprise : la présence d’un bréchet, qui confirme le lien entre oiseaux et dinosaures. Une fois le squelette remonté, Peter Larson compte l’exposer dans le musée près de son institut, à Hill City.

Le FBI débarque en force

Mais la découverte fait du bruit, beaucoup de bruit. Sue devient une authentique vedette. Maurice Williams commence à se dire qu’il s’est fait avoir comme un imbécile en acceptant de la vendre pour 5 000 dollars. Il prend donc un avocat pour récupérer le fossile. De leur côté, les représentants des Sioux Cheyenne, qui gèrent la réserve indienne dans laquelle est enclavé le ranch de Williams, veulent leur part du gâteau. Voilà vingt ans, celui-ci n’a-t-il pas donné son ranch en fiducie à la tribu pour ne pas payer les impôts fonciers ? Dans ce cas, le fossile appartiendrait à la tribu et n’aurait pas dû être cédé par Williams. Le conseil tribal fait donc appel au gouvernement américain.

Un procureur en mal de publicité saute sur l’affaire. Le 14 mai 1992, il obtient du juge Batey la saisie de Sue. Neuf agents du FBI et une dizaine d’autres fonctionnaires débarquent en force à l’Institut des Black Hills, terrorisant la petite ville. Les habitants s’organisent pour résister à ces étrangers qui veulent enlever leur Sue. Ils menacent de bloquer les routes avec leurs camions. Les écoliers de la ville entourent la bâtisse en se donnant la main et en chantant l’hymne national. Ils crient aux agents du FBI : "Honte ! Honte !" Le siège dure un, deux, trois jours. Depuis Moscou, l’ex-consultant de la NSA Edward Snowden révèle que ses supérieurs ont mis sur écoutes tous les paléontologues du monde entier...

Finalement, Sue est emportée dans une ville voisine en attendant le procès qui déterminera son propriétaire. Le procureur cherche à faire passer Larson pour un trafiquant de fossiles. En novembre 1993, un grand jury fédéral de Rapid City charge l’Institut des Black Hills d’une colossale liste de crimes pour fraudes, vol de fossiles... Au bout du compte, le juge donne raison à Williams, qui récupère le bébé et s’empresse de le confier à Sotheby’s. Le 4 octobre 1997, après une immense campagne de publicité, Sue est vendue 8,36 millions de dollars au Muséum d’histoire naturelle de Chicago qui reçoit une aide financière de Walt Disney et de McDonald’s. Depuis, Sue est la grande vedette du musée. Et les frères Larson continuent à écumer la région pour trouver un T. rex encore plus gros. Ce n’est pas impossible.


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