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Les Russes frappent à nouveau en Syrie, discutent avec les Américains

jeudi 1er octobre 2015

La Russie a mené jeudi pour la deuxième journée consécutive des frappes en Syrie contre les opposants au régime de Bachar al-Assad, au moment où militaires russes et américains se coordonnaient pour éviter tout incident dans l’espace aérien syrien.

La polémique continue d’enfler sur les cibles de l’aviation russe dans le pays ravagé par la guerre, Moscou affirmant viser le groupe jihadiste Etat islamique (EI), alors que les Etats-Unis et leurs alliés soupçonnent Moscou de vouloir voler au secours d’Assad sous couvert de combattre le "terrorisme".

La dernière critique en date est venue du président français François Hollande qui a dit qu’il fallait viser l’EI et "pas d’autres" groupes, avant de recevoir vendredi à Paris son homologue russe Vladimir Poutine.

Déclenché en mars 2011, le conflit en Syrie, déjà très complexe, a pris un nouveau tournant avec l’implication des Russes, alliés indéfectibles du régime de Bachar al-Assad, qui ont lancé leurs premières frappes mercredi contre l’EI, un groupe ultraradical qui a pris le contrôle de la moitié du territoire syrien.

Une coalition d’une cinquantaine de pays dirigée par les Etats-Unis et à laquelle la Russie ne participe pas mène, elle, depuis septembre 2014 des frappes contre l’EI en Syrie sans parvenir à venir à bout du groupe.

De ce fait, l’espace aérien syrien est encombré, entre les missions de la coalition internationale, les raids de l’aviation du régime contre les rebelles et désormais les Russes qui ont déployé plus de 50 avions et hélicoptères en renforts en Syrie ces dernières semaines.

Dans ses communiqués, le ministère de la Défense russe affirme avoir ciblé l’EI lors des trois séries de frappes qui se concentrent dans la zone d’Idleb (nord-ouest) à Hama et Homs (centre). Les objectifs : dépôts d’armes, un camp d’entraînement et des postes de commandement notamment.

- Polémique sur les cibles -

Mais les Etats-Unis et leurs alliés ainsi que des groupes rebelles ont affirmé que l’action russe se concentrait en fait sur des groupes rebelles qui menacent le régime Assad et pas exclusivement sur l’EI.

Et une source de sécurité syrienne a précisé que les avions russes avaient ciblé à Idleb et Hama "l’Armée de la conquête", une coalition regroupant le Front Al-Nosra (branche syrienne d’Al-Qaïda) et des groupes islamistes et qui combat à la fois le régime et l’EI.

En outre, selon l’influent sénateur américain John McCain, les bombardements russes ont visé des rebelles entraînés et financés par la CIA.

Et un groupe rebelle soutenu par les Américains "Souqour al-Jabal" a affirmé avoir été visé par des missiles russes.

L’EI est absent à Idleb, et sa présence est marginale à Hama, alors qu’à Homs il ne se trouve que dans la région désertique et à Palmyre.

Selon des analystes, Moscou essaye avant tout de diminuer la pression rebelle sur les territoires tenus par le régime dans l’ouest et le centre du pays, alors qu’il a perdu deux-tiers du pays.

Battant les critiques, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a réaffirmé que les frappes russes visaient "l’EI, Al-Nosra et d’autres groupes terroristes", tout comme selon lui celles de la coalition. Al-Nosra est aussi considéré par Washington comme un groupe "terroriste".

Russes et Occidentaux divergent néanmoins sur la définition de "terroriste". Pour les premiers, tout opposant armé à M. Assad, considéré comme un rempart contre l’EI, est un "terroriste" ; les seconds font le distinguo entre l’EI, le Front Al-Nosra et les autres rebelles modérés qu’ils soutiennent.

- ’Incroyablement compliqué’ -

Quoiqu’il en soit, et pour éviter tout incident entre leurs avions de chasse, militaires américains et russes devaient se coordonner par vidéo-conférence. Mais à 19H00 GMT, rien n’avait encore filtré de la réunion.

Entretemps, un porte-parole militaire américain a affirmé que les frappes russes n’avaient "pas altéré" la campagne aérienne de la coalition internationale en Syrie.

Parallèlement à son action militaire, la Russie a distribué au Conseil de sécurité de l’ONU un projet de résolution antiterroriste qui associerait le régime syrien à une large coalition contre l’EI et le Front Al-Nosra.

Les Etats-Unis, ainsi que Paris et Londres excluent une coopération avec Assad, qualifié de "tyran" par le président américain Barack Obama.

Mais Washington est en peine de stratégie pour régler le conflit -qui a fait plus de 240.000 morts, détruit le pays et provoqué une crise migratoire sans précédent depuis plus d’un demi-siècle- et terrasser l’EI.

Pour les experts, les raids russes éloignent encore les perspectives de sortie du chaos en Syrie, où les multiples acteurs cherchent surtout à servir leurs propres intérêts.

"Nous avons vu des conflits incroyablement compliqués dans le passé", note Shashank Joshi, chercheur au Royal United Services Institute. "Mais les pays impliqués cette fois sont bien plus puissants et les enjeux bien plus importants".


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