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FIFA : Blatter durcit ses attaques contre Platini et Sarkozy

vendredi 30 octobre 2015

Suspendu quatre-vingt-dix jours par son comité d’éthique, le Suisse Joseph Blatter, président de la Fédération internationale de football (FIFA) depuis 1998, a décidé de régler ses comptes. Après s’être longuement livré à l’agence russe Tass en début de semaine, le roué Valaisan a accordé, vendredi 30 octobre, un entretien au journal anglais the Financial Times. Pour la deuxième fois en quelques jours, il accuse nommément l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, et le patron de l’Union des associations européennes de football (UEFA), Michel Platini, candidat à sa succession mais lui aussi suspendu trois mois, d’être directement responsables de la victoire du Qatar, lors du vote d’attribution du Mondial 2022 organisé le 2 décembre 2010.

Selon le patriarche du foot mondial, 79 ans, « c’était dans les coulisses. Il y avait un arrangement diplomatique » pour que les Mondiaux 2018 et 2022 aient respectivement lieu en Russie et aux Etats-Unis. « Allons vers les deux plus grandes puissances lors du vote (…). Mais ceci a été remis en cause par l’interférence gouvernementale de M. Sarkozy, président français, avec la contribution de l’un de ses compatriotes [Michel Platini qui a publiquement reconnu avoir voté pour le richissime émirat], qui ne l’a jamais nié, et qui a amené d’autres votants avec lui, assure l’Helvète. Ainsi, nous sommes au final dans une situation où personne n’a compris pourquoi le Mondial 2022 allait dans l’un des plus petits pays du monde. »

« C’est la volonté du chef de l’Etat »

« Si vous voyez ma tête quand j’ouvre l’enveloppe, je n’étais pas le plus heureux des hommes en disant que c’était le Qatar, sans aucun doute », glisse « Sepp » Blatter. Lâchant ses coups sans retenue, le quasi-octogénaire raconte : « Une semaine avant le vote, j’ai reçu un appel téléphonique de Michel Platini et il m’a dit : “Je ne suis plus ton plan car le chef de l’Etat m’a dit que nous devrions prendre en compte la situation de la France.” Et il m’a dit que cela concernerait plus d’un vote car il y avait un groupe de votants avec lui. »

« Je lui ai dit : “Vous ne pouvez pas faire cela car cela va tout changer”, poursuit Blatter. Il m’a dit : “Si c’est la volonté du chef de l’Etat, que feriez-vous si quelqu’un vous le demandait (…) ?” Je lui ai dit que j’aurais répondu : “N’interférez pas dans le sport”. En Suisse, ils ne le font pas (…). La situation a aussi changé, car il y a eu une sorte d’arrangement entre l’Espagne et quelques votants sud-américains qui se sont reportés sur le Qatar : vous votez pour moi et je vote pour vous. »

Le déjeuner à l’Elysée du 23 novembre 2010

S’il avait déjà chargé nommément Nicolas Sarkozy, début juillet, dans un entretien au journal allemand Welt am Sonntag, le président de la FIFA en avait récemment remis une couche, le 28 octobre, lors de son échange avec l’agence russe Tass. « Tout allait bien jusqu’au moment où Sarkozy a tenu une réunion avec le prince héritier du Qatar, qui est aujourd’hui émir [Tamim Ben Hamad Al-Thani]. Et au déjeuner qui a suivi [à l’Elysée, le 23 novembre 2010] avec M. Platini il a dit que ce serait bien d’aller au Qatar. Et ceci a complétement changé la donne, confiait Blatter. Il y a eu un vote à bulletins secrets. Quatre suffrages européens se sont finalement écartés des Etats-Unis, et le résultat a été de quatorze voix [pour le Qatar] contre huit [pour les Etats-Unis] (…). Si les Etats-Unis avaient eu le Mondial, nous aurions seulement parlé du merveilleux Mondial 2018 en Russie et nous n’aurions pas parlé de tous ces problèmes à la FIFA. »

Le 23 novembre 2010, l’actuel émir du Qatar, Al-Thani, et son premier ministre, ainsi que Sébastien Bazin, représentant de Colony Capital, alors propriétaire du Paris-Saint-Germain, et Michel Platini étaient réunis autour de la table de Nicolas Sarkozy.

Planifiée six mois avant le rachat du PSG par le fonds d’investissement Qatar Sports Investments, ce déjeuner alimente depuis les suspicions de collusion d’intérêts. Selon les informations du Monde, Platini avait, dans un premier temps, promis à Sunil Gulati, président de la Fédération des Etats-Unis, qu’il voterait pour eux. Avant de se raviser et d’apporter son suffrage au richissime émirat.

En visite à Moscou, Nicolas Sarkozy avait répondu, jeudi 29 octobre, aux accusations de Sepp Blatter : « Voilà encore un autre qui me prête beaucoup de pouvoir (…). C’était sans doute une allusion qui fait écho à sa très grande amitié pour Michel Platini. » « Le seul jour où j’ai parlé à Sarkozy, c’était il y a deux ans quand il n’était plus président ; j’étais au Qatar et c’était la première fois que je le rencontrais, a d’ailleurs glissé, avec une pointe d’ironie, Sepp Blatter au Financial Times. Je lui ai dit bonjour. Et il m’a dit : “Ah, vous êtes le président ! Vous êtes le président !” Je ne pouvais pas lui dire : “Vous, vous ne l’êtes plus”. »

En décembre 2012, lors du Doha Goals, forum mondial du sport organisé dans la capitale qatarie, l’ex-chef de l’Etat s’était publiquement félicité de la victoire du richissime émirat gazier à l’issue du processus d’attribution du Mondial 2022. Il avait par ailleurs milité pour une « adaptation » du calendrier du tournoi planétaire, qui aura lieu de novembre à décembre 2022, en raison des fortes chaleurs estivales au Qatar.

Rémi Dupré
Journaliste au Monde


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