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Pressé par les milieux d’affaires américains, Obama renoue avec un continent qui attendait beaucoup de lui

dimanche 3 août 2014

Le discours sur les « opportunités » de l’Afrique, qui dominera le sommet, s’accompagne d’un grand pragmatisme de la part de Washington sur les enjeux de sécurité.

« L’Afrique a besoin d’institutions fortes, pas d’hommes forts », avait lancé, en juillet 2009, Barack Obama au Ghana, où il effectuait son premier voyage sur le continent d’origine de son père, kényan. Encore tout auréolé par son élection historique, le premier président métis de l’histoire américaine avait tenu un discours de vérité à ses hôtes, appelant le continent à assumer ses responsabilités, au lieu de blâmer l’Occident pour ses échecs.

Cinq ans plus tard, sous la pression d’un monde des affaires américain qui constate la spectaculaire percée économique de la Chine sur le continent, Barack Obama relance sa politique africaine, en conviant à Washington la plupart des dirigeants d’Afrique pour un sommet sans précédent dans l’histoire des États-Unis. Pendant trois jours, pour une grande première, la capitale américaine va se mettre à l’heure africaine, avec près de cent événements autonomes, organisés en marge de la réunion officielle des chefs d’État. Mais cette fois, l’angle d’attaque est l’économie et l’investissement, même si les officiels s’empressent de souligner que la bonne gouvernance reste « un élément indispensable au succès du développement à long terme ». « La priorité est de changer l’image de l’Afrique » jusqu’ici surtout définie par ses conflits, explique auFigaro le sous-secrétaire d’État en charge des Affaires africaines, Robert Jackson.

Partenariat stratégique

À l’exception des dirigeants de Centrafrique et de ceux d’Érythrée, du Soudan et du Zimbabwe, à l’index de la communauté internationale, tous les chefs d’État ont été invités, même si certains violent des droits de l’homme. « Il y a une prise de conscience sincère que l’Afrique pèse de plus en plus lourd. Douze des vingt économies à la croissance la plus rapide sont en Afrique », poursuit le diplomate, soulignant l’importance du partenariat stratégique avec le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud.

« Nous devons être plus engagés et souligner les promesses économiques du continent africain », insiste Jackson, citant l’importance du soutien que le président veut apporter « aux jeunes leaders », avec lesquels un sommet informel s’est tenu la semaine dernière. Malgré les guerres et conflits à répétition, le directeur du programme Afrique de l’Atlantic Council, Peter Pham, confirme qu’il « est urgent de redéfinir la perception américaine de l’Afrique, que nous continuons de voir, à tort, comme une terre où il faut faire l’aumône au lieu de percevoir les opportunités d’investissement ». « Nous sommes en retard, dans tous les sens du terme », martèle aussi la représentante Karen Bass, très impliquée.

Beaucoup d’observateurs affirment que la présidence Obama n’a pas été à la hauteur des espoirs qu’avaient mis en lui les Africains. « Leurs attentes étaient trop grandes, si on lit le programme électoral d’Obama, on voit bien qu’il n’y parlait pas beaucoup de l’Afrique », tempère Peter Pham.

La représentante Karen Bass affirme pour sa part que les multiples initiatives lancées par un président qui ne s’est rendu que deux fois en Afrique n’ont pas « la reconnaissance médiatique qu’elles méritent ». Elle affirme toutefois que l’Amérique doit mettre les bouchées doubles en matière d’investissement, face à une Chine dont les échanges commerciaux avec l’Afrique ont atteint 210 milliards en 2013, contre 85 pour les États-Unis. Les Américains travaillent actuellement sur de grands projets d’électrification, menés par la compagnie General Electric, précise-t-elle. « Alors que Pékin apporte sa propre main-d’œuvre, GE investit dans la formation de la main-d’œuvre, un plus à long terme », dit Bass.

Grand pragmatisme

Washington juge en effet « urgent » d’engager une dynamique de création d’emplois manufacturiers à l’asiatique, vu la croissance démographique spectaculaire du continent. « En 2050, un jeune sur quatre sera africain, c’est un énorme potentiel, mais aussi un énorme risque. Si cette jeunesse n’est pas mise au travail, cela pourrait planter le décor de terribles événements », note Peter Pham.

Le discours sur les « opportunités » de l’Afrique, qui dominera le sommet, s’accompagne d’un grand pragmatisme à Washington sur les enjeux de sécurité. Mettant en veilleuse ses traditionnels slogans sur « ses atouts » de pays « non colonial », l’Amérique a beaucoup renforcé son dispositif militaire en Afrique, s’impliquant dans les opérations de contre-terrorisme, au Sahel et au Nigeria face à Boko Haram, « en étroite coopération avec les Français », note Robert Jackson. « Ce que nous avons fait ensemble au Mali et en Centrafrique est tout à fait remarquable », confie-t-il.


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