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La masturbation réduit cancers, diabètes, cystites : des bienfaits sur la santé à nuancer

mardi 15 décembre 2015

Par Yves Ferroul
Médecin sexologue
LE PLUS. Non, la masturbation ne rend pas aveugle ni sourd, mais elle aiderait à réduire les risques de diabètes, de cancers et de cystites. C’est ce que défendent des chercheurs de l’université de Sydney, en Australie. Des observations exagérées et erronées ou représentatives de la réalité ? Réponse du sexologue Yves Ferroul.

Selon un article du site internet de l’université de Sydney, The Conversation, la masturbation serait bénéfique pour la santé, réduisant le nombre de cystites, de diabètes, de cancers du col ou de la prostate, ainsi que celui des insomnies, des dépressions, des stress, des hypertensions, etc.

Très curieusement, à la liste infinie des maux causés par la masturbation que diffusaient les spécialistes du XIXe siècle, correspond une liste presque aussi longue de bienfaits, répertoriés par nos spécialistes contemporains.

Des bienfaits attribués aux orgasmes, pas à la masturbation

En fait, il y a d’abord une confusion puisque tous ces bienfaits sont attribués aux conséquences des orgasmes et ne dépendent pas de la façon d’obtenir ces orgasmes. Et peu de gens doutent encore qu’avoir un orgasme ne soit pas bon pour se détendre, se déstresser, mieux s’endormir…

Les autres effets répertoriés de l’orgasme ne sont pas étayés par des études scientifiquement menées, mais sont déduits de constatation de bon sens : le même bon sens qui guidait les détracteurs des siècles précédents !

En effet, que l’orgasme fasse s’écouler du mucus du col de l’utérus, ou du liquide de la prostate, ne garantit pas qu’en même temps soient expulsés des germes d’infection ou des "agents potentiels de cancer" au point de diminuer les risques de cystites et de cancers de la prostate. Pour les femmes sujettes aux infections urinaires, il est beaucoup plus sérieux d’aller uriner après les rapports, ce qui garantit un vrai et efficace lavage de l’urètre, plutôt que de compter sur l’effet de quelques gouttes de mucus expulsé.

Finalement, ce qui dans l’article relève proprement de la masturbation est que cette activité protège des infections sexuellement transmissibles, des grossesses non désirées, du désagrément de ne pas satisfaire le ou la partenaire, et, aussi, libère de l’angoisse de performance ! On est, semble-t-il, pas très loin du gag, de l’article humoristique prenant le contre-pied provocateur des multiples articles alarmistes que l’on trouve toujours sur la toile et qui sont évoqués en introduction. Et oui ! Il vaut mieux se masturber que de coucher sans précaution avec le premier ou la première venue, et se retrouver infecté ! Et alors ?

La masturbation est une activité sexuelle pleine et entière

Il n’empêche qu’au fond, l’article à raison de mettre en valeur la masturbation. Il est bel et bien vrai que la masturbation est indispensable aux petits humains pour amener à maturité le réseau de neurones du plaisir, et ce dès l’enfance ; aux adolescents, pour connaître leur corps et savoir jouer avec lui, se préparer à la rencontre sexuelle en en maîtrisant les composantes (comment faire naître son désir, son excitation, la faire durer, la mener à terme…) ; aux adultes, pour compléter et enrichir une sexualité déjà épanouie, ou pour compenser une sexualité frustrante.

Pour tous, la masturbation permet d’avoir le rythme d’orgasmes qui convient à chacun afin de se détendre, de colorer sa vie, de garder confiance en soi.

La masturbation des célibataires n’est pas une compensation, un pis-aller, mais une activité sexuelle pleine et entière, qui permet de vivre, d’explorer, d’enrichir ses sensations, ses émotions, ses fantasmes, sa jouissance. D’avoir un corps vivant.

"Il se peut bien, comme on le dit si souvent, que l’homme ait fondamentalement besoin d’un autre et que son besoin d’amour soit le signe de cette incomplétude. Mais l’autre est souvent décevant, la communication vraie apparaît, à plus d’un, comme un leurre. L’érotisme exprime bien ce désir d’introduire l’imaginaire et le fantasme dans un rapport qui ne serait que relationnel. Nous finirons toujours par être seuls, livrés à notre insatisfaction, et l’idéal de fusion avec l’autre est une illusion. La masturbation est alors un essai de fermer cette déchirure en l’emplissant de fantasmes de plaisir. Elle n’échoue ni ne réussit mieux que le coït, mais refuse toute tromperie. Dans la lucidité, on peut seulement oublier un instant sa solitude, avec l’apaisement qu’apporte le plaisir." (Jean-René Verdier)

Même si la masturbation ne doit avoir que peu d’effets de protection du cancer, il reste mille très bonnes raisons d’avoir recours à elle pour son plaisir.


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