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Retour vers l’an 1016, une vie rêvée sans voiture, sans terrorisme et entièrement bio !

vendredi 1er janvier 2016

C’était le règne de Robert le Pieux, le deuxième Capétien, avec ses épidémies, ses famines, ses guerres incessantes. Le paradis...

Il y a mille ans, la vie était tellement plus belle. Pas de dépendance au portable ! Pas de voitures polluantes et bruyantes ! Pas de terrorisme ! Pas de crainte de réchauffement climatique ! Pas de chômage ! Pas de Le Pen ! Et quoi sais-je encore ? Oui-da, que la vie était belle en 1016 avec ses famines, ses épidémies, ses guerres. À chaque époque ses peines et ses malheurs. Et quand un noble vieillard prétend que c’était mieux à son époque, c’est qu’il commence à perdre la mémoire.

Faisons donc un bond de mille ans en arrière pour nous en assurer. Autour de l’an 1016, les Capétiens viennent de s’emparer du royaume. Succédant à Hugues Capet, son père, Robert II le Pieux règne depuis une vingtaine d’années. Il a 44 ans. Grosso modo, le roi des Francs (et pas encore de France) règne sur la Francie de l’Ouest, qui comprend les duchés de Bretagne, Normandie, Bourgogne, Aquitaine et Gascogne, les comtés de Flandre, Vermandois, Anjou, Blois et Toulouse, ainsi que le marquisat de Gothie. Au cours de son règne, Robert conquiert l’immense duché de Bourgogne. Son domaine royal, qui lui appartient en propre, saupoudre le pays avec cinq gros confettis autour d’Orléans, de Poissy, de Senlis, d’Attigny et de Montreuil-sur-Mer.
Espérance de vie de 14 ans

Son royaume compte seulement six millions de Français constitués à 90 % de fermiers. Mais pas des agriculteurs avec télévision, tracteur, subventions et pesticides. Le paysan vit à moitié nu dans le froid et l’humidité. Il s’épuise du lever au coucher du soleil sans pouvoir réclamer un seul jour de RTT à son maître. Il mange rarement à sa faim, devant se satisfaire à tous les repas de pain mouillé d’une soupe de légume. Très rarement de la viande. Bref, de la nourriture bio, ne contenant ni sucre, ni gras, ni additifs, et encore moins de conservateurs cancérigènes. Bref, lors des famines, ils meurent de faim par dizaine de milliers, mais au moins dans un corps « bio ».

Malgré cette nourriture saine, la durée de vie moyenne d’un homme, à l’époque, atteint à peine 14 ans. Une moyenne plombée par les innombrables morts à la naissance, le reste étant le fait des épidémies. Le serf ne s’amuse qu’à l’occasion de rares fêtes religieuses. Un contemporain note : « Les poissons sont comme les paysans, car un poisson est toujours nu, et vit dans l’eau ; il est dépourvu de toute grâce. » Pas besoin de Karine Le Marchand pour les marier, ils s’unissent entre voisins, se reproduisent dans leur cahute au milieu des bêtes et des enfants. « Ces rustres qui se distinguent à peine du bétail... » soupire un clerc.

Un réchauffement climatique

Il existe deux sortes de paysans : le serf et le vilain (un homme libre). Le premier est enchaîné, de père en fils, au domaine seigneurial. Son maître peut le juger, le battre, le tuer, le vendre, lui et ses enfants. Il est corvéable à merci. À cette époque, le statut d’homme libre est à peine supérieur. Théoriquement, il pourrait se déplacer, mais il le fait rarement, assommé par les loyers et les corvées qu’il doit au seigneur propriétaire de ses terres.

Les uns et les autres vivent dans de misérables chaumières en boue et argile, composées d’une pièce avec le feu au milieu et un trou dans le toit pour que la fumée puisse s’échapper. Autant dire que le rendement thermique ferait dresser les cheveux sur la tête de Ségolène Royal. Coïncidence, nos braves Français de l’an mil étaient, eux aussi, confrontés à un réchauffement climatique, mais à part le charbon, ils n’utilisaient pas d’énergies fossiles.

Sur leur lopin de terre, ces paysans cultivaient principalement le blé, l’avoine, l’orge, l’épeautre, le millet et surtout le seigle, dont les tristes rendements feraient pâlir d’effroi les représentants de Monsanto. La vigne est largement répandue, jusqu’à Paris. En général, la terre est laissée en jachère une année sur deux. La forêt couvre largement le territoire, c’est presque l’Amazonie… Les villages et les hameaux sont généralement séparés les uns des autres par des forêts épaisses ou des terres en friche.

Les seigneurs médiévaux n’habitent pas encore des châteaux de pierre, mais des bâtisses en bois, généralement posées sur une butte et entourées d’une palissade. Ce sont les domini (maîtres), au-dessus d’eux, il y a les potentes (les puissants), les magnates (les grands). Leurs occupations principales sont la chasse, la guerre et faire suer le burnous à leurs serfs. Tous les villages ne possèdent pas leur chapelle ou leur église. Lesquelles sont généralement en bois et en terre, mais depuis quelques décennies, on les reconstruit, plus hautes, plus grandes et en pierre.

Paris, une naine de 9 hectares

Les villes sont encore rares et peu peuplées, elles sont surtout épiscopales ou alors liées à un marché, à un établissement monastique ou à une forteresse. Les cités les plus peuplées n’ont que quelques milliers d’habitants et se protègent dans un enclos. Metz est sans doute la ville la plus importante avec une surface de 84 hectares, devant Reims et ses 60 hectares. Mais les champs et les cultures occupent encore une grande place.

Paris, peu fréquentée par Robert le Pieux, n’est qu’une naine avec ses 9 hectares.
Le cœur des plus grandes cités est composé de rues très étroites et très sombres, les derniers étages se touchant presque. Le sol est couvert de détritus et de boue d’où s’exhale une odeur pestilentielle. Sinon, la plupart des maisons ressemblent à des chaumières sans vitrage aux fenêtres. Les citadins font pousser navets, aulx, carottes (jaunes et ligneuses), panais, choux, brocolis, concombres, lentilles, poireaux, pois, radis (mais pas de pommes de terre, de tomates, de haricots, de courgettes, de maïs, d’aubergines, d’endives, de betteraves). Les rues sont encombrées par des poules, des cochons, et même des vaches. Les miséreux sont nombreux, mendiants et larrons. Les prostituées aussi qui commencent leur carrière dès l’âge de 10 ans.

En général, le sort des femmes n’est guère enviable. Elles doivent être douces et soumises avec leur mari, s’acquitter de tous les travaux du ménage, aider aux champs, filer la laine. Les congés maternité sont inconnus. Si elles ont la chance de ne pas mourir en couches, elles doivent se remettre au boulot dans les jours qui suivent. Femmes du XXIe siècle, avant de vous plaindre, ayez une affectueuse pensée pour vos lointaines ancêtres. (Ça, c’était une spéciale dédicace pour mes nombreuses fans féministes qui apprécient les occasions que je leur donne de me fustiger sur Twitter).

L’assèchement du Marais parisien

Vers 1016, Paris ne ressemble pas à grand-chose. Elle n’est pas encore la capitale des Francs, Robert le Pieux n’y fait que des séjours épisodiques. Il loge alors dans le palais de l’île de la Cité, qu’il a fait, néanmoins, reconstruire. L’essentiel de la population se concentre dans l’île de la Cité, où elle s’était réfugiée après les raids vikings. La ville commence seulement à conquérir la rive droite marécageuse. Les deux bourgs de Saint-Gervais et de Saint-Germain-l’Auxerrois (particulièrement dévasté par les sièges vikings) pansent leurs plaies et s’étendent. Leurs deux églises, situées sur de petites éminences surplombant la zone inondable, sont en cours de reconstruction. Les deux bourgs sont protégés par des palissades en bois semi-circulaires ouvertes sur la Seine par où arrive le gros des marchandises débarquées place de Grève. L’espace entre les deux bourgs s’urbanise, autour de l’église Saint-Merri et le long de l’axe nord-sud (notre rue Saint-Martin). À la fin du XIe siècle, une nouvelle enceinte englobera les deux bourgs. Les moines normands réfugiés à Paris durant les invasions vikings aident leurs confrères parisiens à défricher et à assécher les marais pour les mettre en culture.
De rares émigrés

Comme les autres cités, Paris appartient surtout à l’Église et aux abbayes. Les grands seigneurs y sont encore peu présents. Les émigrés sont rares, hormis les juifs qui occupent quelques rues, et une poignée d’étrangers rassemblés sous le nom de « Grecs », bien qu’ils soient principalement des Italiens. Dans l’île de la Cité, c’est l’ancienne cathédrale romane qui domine encore la cité. La rive sud ravagée par les Vikings est quasi exclusivement occupée par les cultures et les vignes occupant les anciens enclos gallo-romains. Un embryon d’urbanisation coagule autour des deux abbayes de Sainte-Geneviève et de Saint-Germain-des-Prés. Deux bourgs situés sur la route de Lyon, Saint-Marcel et Saint-Médard commencent à se rejoindre.

Pour en finir avec ce « bon vieux temps », rappelons donc qu’il fallait survivre sans chômage, sans Sécurité sociale, sans retraite, sans médecin, sans démocratie et, surtout, sans Internet. C’est ce qu’on appelle la belle vie, n’est-ce pas, papy ?


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