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Sarkozy/Hollande : si loin, si proches ?

jeudi 7 août 2014

FIGAROVOX/CHRONIQUE - Pour Philippe Bilger, Nicolas Sarkozy et François Hollande, bien que politiquement opposés, partagent des traits de caractère communs.

Il y a de la psychologie en politique mais aussi une politique de la psychologie. Une politique que les personnalités et les caractères façonnent.

Nicolas Sarkozy à nouveau révèle son impatience d’en découdre et son envie de retour précisément en affirmant, contre une évidence manifestée depuis sa défaite, qu’il n’a pas encore pris la décision de revenir.

Selon lui, son retour serait déjà inscrit dans la tête des Français et il n’aurait en quelque sorte qu’à valider leur prescience.

Son tempérament ne s’accordait pas avec une tactique qui sans doute lui aurait permis non seulement de s’attacher la majorité de l’UMP mais celle de tous les sympathisants de droite malgré sa défaite de 2012 : elle lui aurait imposé de demeurer véritablement silencieux et dans une authentique réserve mais une telle attitude de retenue, toute d’abstention, était trop incompatible avec son frénétique besoin d’être présent pour qu’il puisse l’adopter malgré l’investissement politique qu’à terme elle aurait représentée. Il convenait d’attendre et Nicolas Sarkozy, sur aucun plan, n’est un homme qui attend, qui diffère. Plutôt gâcher que patienter !

Sans doute sera-t-il le prochain président de l’UMP et, avec cet acquis, en position de force pour la primaire de 2016 mais avec ce double handicap : d’une part, il ne sera plus le vaincu dont on espère le retour, il sera l’homme politique revenu qui aura à faire oublier sa défaite et, d’autre part, comme l’a très bien dit Gilbert Collard, il sera entravé par les « boulets judiciaires de bagnard médiatique qu’il traîne ».

Sans doute Nicolas Sarkozy sera-t-il le prochain président de l’UMP et, avec cet acquis, en position de force pour la primaire de 2016.


Cette psychologie si singulière qui se manifeste de manière éclatante, par un activisme qui contredit les mots, par une irrésistible propension à faire de son absence un problème pour la France, renvoie par une étrange correspondance à une autre personnalité atypique qui est celle du président de la République. Pour celui-ci, il semble même que la pesanteur et la loi de l’intime soient plus influentes et qu’elles conduisent à une manière de présider susceptible d’expliquer certaines avancées mais surtout beaucoup de ratés.

Quand Nicolas Sarkozy était un impérieux agité, François Hollande serait, lui, un impérieux tatillon.


Ce qui se dégage de la variété des regards médiatiques et politiques posés sur le président de la République et sur ses pratiques rend clairement absurdes l’accusation de nullité, le reproche de mollesse, de faiblesse, le grief d’une simplicité indécise et velléitaire.

Ce concept de normalité suffisamment équivoque pour qu’il plaise au candidat a manifestement été mal compris dans l’appréhension de son comportement public.

D’abord, il est clair que dans son esprit la normalité n’était destinée qu’à inspirer ses attitudes officielles : la rue du cirque nous l’a démontré.

Il y a aussi donc, chez François Hollande, aussi différent soit-il de son prédécesseur, une aspiration à l’omniprésence, à la sollicitation permanente.

Ensuite, elle ne visait pas à faire croire à l’acceptation d’un pouvoir réduit, d’une domination atténuée, elle ne signifiait pas que François Hollande allait « normalement » exercer une fonction dont l’attribut essentiel est d’interdire précisément une telle assomption.

Enfin, elle s’assignait pour seule finalité de rassurer les Français en laissant espérer un peu de simplicité dans la pompe, de la gentillesse et des sourires dans les rapports avec les citoyens, de la souplesse dans la forme mais rien qui concerne le fond et la substance même de la conduite présidentielle.

Aussi on n’est pas vraiment étonné, quand on lit par exemple les excellentes analyses de Solenn de Royer et de David Revault d’Allonnes, d’apprendre que François Hollande déteste les vacances, qu’il ne laisse personne en repos et que ses injonctions, pour être souvent transmises par SMS, sont fréquentes. Il y a aussi donc, chez cet homme, aussi différent soit-il de son prédécesseur, une aspiration à l’omniprésence, à la sollicitation permanente. Comme si son pouvoir, le pouvoir n’étaient plus rien sans leur expression répétitive par tous les moyens possibles et imaginables.

Parce que François Hollande n’éructe pas, on le prend pour un tiède. Alors qu’il a sans doute l’autorité et la constance plus étouffantes que Nicolas Sarkozy.

On perçoit mieux, en effet, à partir de ce constat, pourquoi en effet « la tentation permanente du micro-management » pourrait bien être « le point de faiblesse du hollandisme ».

Se mêlant de tout, même des choses les plus dérisoires, allant vérifier lui-même leur accomplissement, ne faisant confiance à personne pour ces tâches secondaires, empli sans doute d’un orgueil immense dissimulé par son apparente faconde dans ses apparitions publiques, solitaire, abusant de l’emprise que facilite l’incertitude dans laquelle il laisse ses collaborateurs et ses ministres, entêté dans ses résolutions mais capable en huit jours de passer d’un optimisme de fête nationale à un pessimisme enfin lucide, François Hollande n’est pas un président ordinaire. Très intelligent, cela va de soi. Doué pour le verbe, oui, même si depuis quelque temps il s’abandonne à la facilité.

François Hollande s’est plutôt noyé dans le réel immédiat, dans l’empirisme à la petite semaine.

Mais compétent pour diriger, pour présider ? Ce souci du détail, cette obsession de la minutie, cette aptitude à l’accessoire n’auraient pas été blâmables s’ils s’étaient insérés dans un dessein plus vaste, si l’essentiel non seulement avait été sauvegardé mais enrichi par une personnalité si heureusement totalitaire qu’elle aurait su, pu appréhender, de l’Etat, le grandiose comme le mince, la vision comme la gestion, l’horizon comme le pragmatique. A l’évidence, François Hollande s’est plutôt noyé dans le réel immédiat, dans l’empirisme à la petite semaine. Quand on entre dans une pièce sombre, avant d’enlever une écaille sur le mur, il faut allumer. Le président de la République ne donne pas sens, ne hiérarchise pas, même si, nous dit-on, depuis que Manuel Valls est Premier ministre, le partage se fait mieux.

François Hollande commémore, célèbre, compatit, les violons du cœur, les décrets d’autorité, la parole toujours recommencée parce que déjà usée, de moins en moins crue.

Pour Nicolas Sarkozy comme pour le président de la République, la politique de la psychologie. Il y a ce qu’ils auraient dû accomplir, ce qu’ils devraient faire.

Et ce que leur être profond leur dicte et qu’ils écrivent mal.


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