MosaikHub Magazine

Quand le roi des narcos se confiait à Sean Penn

dimanche 10 janvier 2016

L’acteur publie un grand article dans "Rolling Stone" dans lequel il raconte son entrevue en octobre avec le baron de la drogue en cavale.

Les autorités mexicaines l’avaient confirmé : ce sont bien des contacts pris par le baron de la drogue Joaquin « El Chapo » Guzman avec des personnalités du cinéma qui leur ont permis de le repérer. Et quelles personnalités ! Samedi, un article du magazine Rolling Stone signé Sean Penn révèle que la star américaine a bien rencontré « El Chapo » dans la jungle mexicaine. Le magazine rock américain publie même une photo prise le 2 octobre d’une poignée de main entre Sean Penn et le narcotrafiquant moustachu et vêtu d’une chemise en soie bleue à rayures. Dans l’article, Sean Penn raconte qu’il a réclamé que cette photo soit prise pour prouver la véracité de la rencontre. Il a demandé à « El Chapo » cette poignée de main, sans sourire et en regardant l’a Tout ce que je fais, c’est uniquement me défendre »

Sean Penn indique que Guzman, 58 ans, l’a accueilli après un périple de quelque 14 heures en avion et en 4 x 4, jusqu’à un lieu isolé de la jungle, par une grande accolade ( « a compadre hug », écrit-il). La rencontre, organisée par une actrice mexicaine Kate Del Castillo, a duré sept heures et a été suivie de plusieurs interviews par téléphone ou vidéo. « Je fournis plus d’héroïne, de méthamphétamine, de cocaïne et de marijuana que n’importe qui dans le monde », explique Guzman dans une surprenante confidence entre deux gorgées de tequila. « J’ai une flotte de sous-marins, d’avions, de camions et de bateaux », ajoute le narcotrafiquant. Avant de se justifier : « Tout ce que je fais, c’est uniquement me défendre », confie-t-il à l’acteur. EN 2012, on estimait que la guerre que les autorités mexicaines avaient lancé six ans plus tôt contre les narcos avait fait plus de 60 000 vitimes.

Mais Joaquin Guzman, à l’instar du Pablo Escobar mis en scène par Netflix dans sa série Narcos, se voit bien plus comme un self-made-man de génie que comme un criminel : dans une vidéo publiée par Rolling Stone , il apparaît cette fois sans moustache, une casquette sur la tête. Il raconte qu’il s’est tourné vers le trafic de drogue à l’âge de 15 ans parce qu’« il n’y avait pas de travail ». « Malheureusement, j’ai grandi dans un endroit où il n’y avait et il n’y a pas d’autre façon de survivre », affirme Guzman. Interrogé sur sa responsabilité dans le nombre d’addictions dans le monde, Guzman répond : « C’est faux. Le jour où je n’existerai plus, cela ne réduira pas le trafic de drogue. »
ppareil. Lequel s’y est plié de bonne grâce
Sean Penn et Kate Del Castillo interrogés par les autorités

Malgré les efforts de l’acteur pour maintenir le secret, le gouvernement mexicain « a eu connaissance de cette rencontre » qui a aidé à mettre la main vendredi sur Guzman, a déclaré samedi à l’AFP une source gouvernementale. Cette source s’est refusée à préciser si Sean Penn et Kate Del Castillo allaient faire l’objet d’une enquête de la part des autorités. Mais la nouvelle n’a pas tardé à être confirmé par d’autres sources selon l’AFP. Les deux artistes vont être interrogés sur cette entrevue qui fait tout de même un peu désordre. « C’est exact, bien sûr, (nous voulons les entendre) afin de déterminer les responsabilités », a indiqué cette source sous couvert d’anonymat. Une autre source auprès du gouvernement fédéral a déclaré qu’il fallait déterminer si Sean Penn et Kate del Castillo avaient commis une faute. Un journaliste peut interviewer un narcotrafiquant. Or, « ce ne sont pas des journalistes », a fait valoir cette source. De fait, dans son article Sean Penn raconte que Guzamn lui demande combien il a été payé pour cette entrevue. « Lorsque je fais un article, je le fais bénévolement », lui répond la star. Une réponse qui, dit-il, suscite une certaine incompréhension chez son interlocuteur...

De fait, selon un avocat expert de la défense des journalistes, la rencontre clandestine de l’acteur avec un criminel en fuite ne l’expose pas à des poursuites aux États-Unis. « Le simple fait de parler avec lui ne représente aucun risque pénal selon le droit américain », a expliqué dit à l’AFP Floyd Abrams, avocat du cabinet Cahill Gordon & Reindel à New York, qui a défendu de nombreux journaux et télévisions américaines, notamment des journalistes à qui les autorités demandaient de révéler leurs sources. Sean Penn n’aurait pas non plus pu être inquiété s’il avait agi comme citoyen privé, dit-il. « Le fait qu’il ait agi comme journaliste, au mieux, l’aidera à montrer qu’il n’était pas impliqué dans une sorte de conspiration avec lui. Ce n’est pas un crime de parler avec quelqu’un. Si (El Chapo) lui a donné de l’argent ou des conseils pour éviter d’être repéré, c’est un autre problème. Mais le seul fait de le rencontrer, de l’interviewer et d’écrire l’article ne suffit pas à justifier une action pénale. » Selon lui, les autorités américaines auraient à la rigueur pu tenter d’interroger Sean Penn pour qu’il révèle le lieu où se trouvait le narcotrafiquant, mais cette question est devenue obsolète avec la capture de Joaquin « El Chapo » Guzman vendredi.

La question pourrait toutefois revenir en cas de procès, un jour, aux États-Unis. La justice pourrait ordonner à Sean Penn de témoigner. « Si cela arrive, il pourrait bien y avoir un conflit entre le département de la Justice et Penn », note Floyd Abrams.

Vers une extradition

L’interview de Rolling Stone a été publiée quelques heures après que le gouvernement mexicain a annoncé ouvrir la voie à l’extradition vers les États-Unis du baron de la drogue. Le président Enrique Peña Nieto s’était jusqu’alors refusé à toute extradition de Guzman, mais son évasion rocambolesque en juillet dernier, a porté un coup très dur à la crédibilité du gouvernement et a changé la donne. « Avec la nouvelle capture de Guzman Loera, il faudra enclencher les différentes procédures d’extradition », a indiqué le ministère de la Justice dans un communiqué, sans fournir de date pour un possible transfert vers les États-Unis.

Les autorités judiciaires mexicaines ont informé que les procureurs avaient reçu l’an dernier deux mandats d’arrêt à des fins d’extradition et que les avocats de Guzman auront trois jours pour émettre des objections. Elles soulignent qu’elles « apporteront des éléments » pour combattre toute stratégie de la défense cherchant à s’opposer à ce départ. De son côté, un des avocats du narcotrafiquant, Juan Pablo Badillo, s’est engagé à porter le cas jusqu’à la Cour suprême s’il le fallait. « Il ne devrait pas être extradé, car le Mexique a une Constitution juste », a indiqué l’avocat aux journalistes devant la prison d’Altiplano, à 90 kilomètres de Mexico, où « El Chapo » a été incarcéré vendredi soir après sa capture.

La traque du narcotrafiquant s’est achevée vendredi dans la ville côtière de Los Mochis, dans l’État de Sinaloa, sa région natale, où les marines mexicains ont mené un raid au cours duquel cinq hommes de main du narcotrafiquant ont été tués et un militaire blessé. Quelques heures plus tard, Guzman était emmené à bord d’un hélicoptère de l’armée vers la prison d’Altiplano, d’où il s’était évadé le 11 juillet, par le biais d’un tunnel de 1,5 km, creusé sous la douche de sa cellule.


Accueil | Contact | Plan du site | |

Creative Commons License

Promouvoir & Vulgariser la Technologie