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Séisme/Mémoire

12 janvier, ce mémorial encore en chantier…

lundi 11 janvier 2016

Chaque année, depuis au moins deux ans, le mémorial des victimes du 12 janvier attire l’attention. En dépit des avancées notoires, le chantier n’est toujours pas terminé… 3509 il y a 3 jours Publié le 08 janvier 2016

Mardi 5 janvier 2016. Le vent semble être à bout de souffle. A l’horizon jauni, la mer perd peu à peu de son bleu. Le jour s’en va, le pas presque aussi lourd que la construction de la première phase du mémorial aux victimes du séisme du 12 janvier 2010, entamée depuis au moins deux ans, non loin de St-Christophe (Titanyen), à l’entrée nord de Port-au-Prince, la capitale d’Haïti. Sept jours avant la cérémonie officielle pour se souvenir des morts, souligner la force de la vie, écouter des officiels ressasser des vœux pieux de vivre autrement, de bâtir autrement en Haïti à cause des aléas sismique, quelques dizaines d’ouvriers s’affairent sur le site. Entre des palmiers desséchés et des fleurs mortes, ils posent granites et céramiques, enduisent des murs de ciment. Sur la petite estrade bordée de briques récupérées dans les décombres du palais national et d’autres maisons effondrées lors du tremblement de terre, la conversation entre deux « boss », montés sur un échafaudage en bois pour lustrer un pan de granite au sud de « la porte du -passage » à la mort, est recouverte par le bruit d’une génératrice. Presque en face de la grosse pierre « Nou pap jan m bliye w », sous laquelle devra se trouver la flamme éternelle et d’autres éléments comme l’eau, la terre, une main ouvrière du chantier, proche du projet, souligne « qu’on devra finir un jour ce projet fastidieux réalisé sur 16 hectares ». La finition de la première phase se poursuivra jusqu’au mois de mars, table-t-elle, reconnaissant « qu’avec le temps, on a perdu un peu du momentum » pour avancer plus vite. L’autre vérité, c’est que les ressources financières disponibles ne sont pas immenses. Cependant, explique cette source, au ministère de la Culture, il y a des gens qui se battent pour qu’on avance dans la construction du mémorial qui n’a aucun symbole religieux. Des artistes, des créateurs apporteront leur contribution. On va placer, avec des carillons de vent, des cristaux qui représentent les larmes, sans lésiner sur le granite qui apporte une touche solennelle. Des œuvres d’art seront exposées ici, il y a aura une salle d’exposition, les six statuts, les gardiens de la mémoire…, détaille cette source, témoin il y a quelques jours de la visite d’étrangers, certains venus se recueillir en mémoire d’un proche disparu lors du tremblement de terre. « J’ai vu un Juif hassidique ici », explique-t-elle. Le lieu est un lieu de recueillement où aucune fouille n’a été effectuée. Elle a son énergie, sert à apaiser des gens qui ont perdu un être cher ce mardi-là, raconte-t-elle avant de souligner que ce mémorial n’est pas l’affaire d’un gouvernement mais celle de tous. En charge du chantier, la ministre de la Culture, Dithny Joan Raton, interrogée sur l’avancement à pas de tortue du chantier, soutient qu’ « aujourd’hui, nous sommes à 80% de l’achèvement des travaux sur le chantier ». « Ce dernier, poursuit la ministre de la culture, exige un travail à responsabilité partagée entre certaines instances de l’État, notamment les ministère des Travaux publics, Transports et Communications et de l’Environnement, la Police nationale, etc. ». Parce que « le site ne peut faire l’objet d’aucune fouille de plus d’un (1) mètre de profondeur », cela a « entraîné la nécessité de changer le concept du mémorial et de réaliser de nouveaux plans architecturaux », révèle Dithny Joan Raton. Un espace d’une superficie de 1 000m² environ, situé à l’extrémité est de la propriété, a été aménagé selon les derniers plans architecturaux conçus en 2013, indique-t-elle, évoquant quelques actions nécessaires . « Saint-Christophe est un site relativement isolé. Il fallait le sécuriser avant de déployer la grosse main-d’œuvre qui devait mener les travaux. Nous avons alors pris des dispositions pour éclairer le site et une partie du petit village avoisinant, en y installant des lampadaires solaires. Puis, nous avons sécurisé le site en y plaçant des gardes de jour et de nuit. Et depuis, la compagnie de construction a enregistré moins de perte », assure la ministre de la Culture Dithny Joan Raton. Selon elle, « Saint-Christophe est désormais un lieu où les morts reposent dans la dignité ; un lieu prêt pour accueillir les visiteurs, et leur permettre de se recueillir ; un lieu de mémoire pour tous ceux qui veulent rendre un hommage digne à ces citoyens disparus, et du coup offrir à leurs parents qui, à l’époque, n’avaient pas eu l’opportunité de les enterrer dignement, ni la possibilité de perpétuer leur mémoire suivant des rituels de prise de deuil et des retraites de prière conformément à nos traditions ». La poursuite du chantier du mémorial du 12 janvier « nous est tout de suite apparu comme une priorité. Car, à notre avis, l’un des enjeux majeurs de ce mémorial est de créer un lien fort entre le passé, le présent et l’avenir », avance la ministre de la Culture. « Le mémorial peut jouer un rôle important d’éducation citoyenne pour mieux comprendre l’ampleur de l’évènement du 12 janvier 2010 ; il doit être un lieu tangible, où tous les citoyens peuvent venir réfléchir, rencontrer et développer de nouvelles solidarités », explique Dithny Joan Raton. La ministre révèle aussi qu’il a été décidé « de diviser le projet en phases et de se concentrer sur la phase 1 qui consisterait en la finalisation des travaux de construction du noyau central du mémorial qui sera circonscrit dans l’espace ceinturé en 2013, et qui comprendra le monument métallique érigé au centre, derrière lui une esplanade pouvant accueillir environ une centaine de personnes à la fois, et des espaces d’exposition de sculptures, les gardiens du site, l’éclairage paysager ainsi qu’une flamme éternelle pour les disparus. La phase 2 concernerait respectivement l’aménagement du reste de la propriété et d’un centre d’interprétation ».

Roberson Alphonse robersonalphonse@lenouvelliste.com


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