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Le pape et le patriarche orthodoxe russe à Cuba pour consolider la chrétienté

vendredi 12 février 2016

Le pape François a rencontré vendredi à Cuba le patriarche orthodoxe russe Kirill lors d’un face-à-face sans précédent et empreint d’émotion, près de mille ans après le schisme entre chrétiens d’Orient et d’Occident.

Dans une petite salle de l’aéroport de La Havane, devant un grand crucifix se style bizantin, les deux hommes se sont donnés l’accolade en s’embrassant sur les joues. Ils se sont ensuite assis côte à côte, échangeant quelques mots en présence de leurs traducteurs.

"Enfin, nous nous voyons !", a lancé le pape François à son interlocuteur, en répétant plusieurs fois : "nous sommes frères".

"Il est très clair que ceci est la volonté de Dieu", a ajouté Jorge Bergoglio, après que Kirill eut observé : "maintenant les choses sont plus claires" entre les deux Eglises.

En chemin vers le Mexique, où il doit entamer dans la soirée une visite de cinq jours, le souverain pontife de 79 ans a fait escale quelques heures à La Havane pour sceller un rapprochement entre Rome et l’Eglise orthodoxe russe.

Ce tête-à-tête avec Kirill, arrivé la veille à Cuba, est la première entre un chef de l’Eglise catholique et le patriarche de la plus importante des Eglises orthodoxes (plus de 130 millions des 250 millions d’orthodoxes) depuis le schisme entre Eglises d’Orient et d’Occident en 1054.

François, accueilli au pied de l’avion papal par le président cubain Raul Castro, un athée de 84 ans, a commencé à s’entretenir avec le patriarche dans un salon de l’aéroport, avant la signature d’une longue déclaration commune plus tard dans la soirée.

- Après Constantinople, Moscou -

Celle-ci devrait évoquer les persécutions contre les chrétiens —orthodoxes comme catholiques— au Moyen-Orient et en Afrique et la défense des valeurs chrétiennes dans le monde.

"C’est un voyage plein d’engagements, qui a été très désiré par mon frère Kirill, par moi même et par les Mexicains", avait déclaré le pape aux journalistes présents dans l’avion l’ayant mené La Havane.

L’entretien, que le Vatican tentait d’organiser en vain depuis des décennies, a été tenu secret jusqu’au dernier moment tant les résistances étaient grandes au sein du patriarcat.

"La Russie peut donner beaucoup" pour la paix mondiale, avait récemment déclaré le pape, en faisant état de "convergences" dans l’analyse des "Printemps arabes".

Les liens étroits entre le patriarcat et le Kremlin donnent aussi à la rencontre une dimension stratégique : "A l’arrière-plan, il y a un troisième protagoniste", le président russe Vladimir Poutine, que le pape a reçu deux fois, analyse sur son blog le vaticaniste Marco Politi.

"Il serait ingénu de penser que la soudaine disponibilité du patriarche n’est pas liée à la situation de la Russie dans ce moment géopolitique", estime-t-il, citant en particulier le rôle que Moscou veut jouer, avec Washington "dans la stabilisation de la situation syrienne et dans l’endiguement du terrorisme jihadiste".

Un porte-parole du patriarcat, Alexandre Volkov, a démenti ces analyses, en "garantissant à 100% que la rencontre n’a rien à voir avec la politique". Il a espéré "de nouvelles perspectives de coopération mutuelle" entre orthodoxie russe et catholicisme, sans pour autant parler d’une étape vers "l’unité" entre les deux Eglises.

- François pour la première fois au Mexique -

Méfiance à l’égard d’une Eglise catholique perçue comme prosélyte, crise ukrainienne où les grecs-catholiques ont pris le parti de Kiev contre les pro-Russes : les rancoeurs ne manquent pas envers Rome, même si le Saint-Siège a évité de condamner ouvertement la politique de M. Poutine en Ukraine.

Dans la foulée du rendez-vous fondateur entre Paul VI et Athénagoras en 1964 à Jérusalem, de nombreuses rencontres et déclarations communes ont déjà eu lieu entre un pape et le patriarche de Constantinople, théoriquement chef spirituel du monde orthodoxe, mais qui n’a d’autorité directe que sur 3,5 millions de fidèles.

Première étape d’un périple latino-américain de onze jours qui doit le mener au Paraguay puis au Brésil, le séjour de Kirill à Cuba doit se prolonger jusqu’à dimanche.

Le pontife argentin doit lui partir dans la soirée au Mexique, où il passera cinq jours, se rendant notamment dans des régions réputées violentes.


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