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Le président de la Saint-Valentin

lundi 15 février 2016

Le 14 février 2016, si tout se passe bien, à la fin de la journée, le pays aura à sa tête un président provisoire élu au second degré par l’Assemblée nationale. Ce sera une première. Jusqu’à présent, les Constitutions en vigueur depuis 1946 disposaient autrement. Présidents d’un conseil de gouvernement, présidents de la Cour de cassation ou simples juges de cette juridiction ont joué le rôle de chefs provisoires. Des militaires, des civils, des conseils militaires ou militaro-civils ont conduit la destinée de la nation depuis 1946, à chaque transition. Sauf revirement spectaculaire, si l’Assemblée nationale conduit le processus à son terme, c’est un fils du Parlement qui sera élu en 2016. Trois figures se détachent du lot des candidats, Déjean Bélizaire, Edgard Leblanc Fils et Jocelerme Privert. Ils se dissocient des autres parce qu’ils sont d’anciens élus, des parlementaires qui se sont hissés à la tête du Sénat et de l’Assemblée nationale en leur temps. Le doyen d’âge des candidats issus du Parlement est Déjean Bélizaire. Engagé très jeune dans la lutte contre François Duvalier dans les années 60, membre fondateur de l’Union nationale des étudiants haïtiens (UNEH), cet ingénieur a passé une partie de sa vie en exil avant de revenir au pays. Élu 3e sénateur de l’Artibonite lors des élections de 1990-91, il devient président du Sénat en août 91 et reste en poste après le coup d’État contre Jean-Bertrand Aristide le 30 septembre 1991. À la fin de son mandat de deux ans, en décembre 1992, il quitte le Parlement. Ayant été parmi les sages, face à Lavalas et aux militaires, Déjean Bélizaire sera broyé par la conjoncture des années 90. Candidat à plusieurs reprises, il n’a plus été réélu après son premier mandat. Il dirige aujourd’hui encore un petit parti politique, le MNP 28. Autre ancien président du Sénat qui brigue la présidence provisoire : Edgard Leblanc Fils. Lui aussi, il est ingénieur et détient une licence en administration publique. Originaire de Miragoâne, cet ancien cadre du Ministère des Travaux publics, Transports et Communications (MTPTC) est un membre de la première heure de l’Organisation Politique Lavalas (OPL) qui deviendra Organisation du peuple en lutte. Il est élu en septembre 1995 au poste de 1er sénateur de la Grand’Anse (Les Nippes n’existaient pas encore comme département géographique) pour devenir en octobre 1995 président du Sénat et de l’Assemblée nationale. Il fera deux mandats de président avant de quitter le Parlement en août 2000. Coordonnateur général de l’OPL pendant un certain temps, il ne réussira pas à se faire réélire à un poste électif. Réputé modéré au sein de sa formation politique, il ne fera pas le poids face aux agités du parti qui en prendront le contrôle. Sa candidature comme président provisoire à provoqué une vive réaction de l’actuel président de l’OPL, Sauveur Pierre Étienne, son rival. On fait passer Edgard Leblanc Fils comme un cheval de Troie du PHTK. Jocelerme Privert est aussi originaire du département des Nippes, d’Anse-à-Veau. Il a été élu en 2010 pour 6 ans sénateur des Nippes après avoir porté Jean-Bertrand Aristide à créer ce département au temps où il était le ministre de l’Intérieur du chef de Lavalas. Cadre de la Direction générale des contributions, puis de la Direction générale des impôts
dont il sera le directeur général, Jocelerme Privert sera accusé dans le cadre du massacre dit de La Scierie. Il restera 26 mois en prison, mais ne sera jamais jugé ni condamné dans le cadre de cette affaire. Après sa sortie de prison en juin 2006, Jocelerme Privert rejoint le cabinet particulier du président René Préval comme conseiller du chef de l’État. Modéré, homme de dossiers, ce fiscaliste, auteur de nombreuses publications, à partir de 2011 dirige pendant cinq ans la commission des Finances du Sénat avant de devenir président du Grand corps en janvier dernier. Il est du groupe des parlementaires qui se sont opposés à Michel Martelly ces dernières semaines, mais aussi de ceux qui lui ont aménagé une sortie honorable. La candidature de Jocelerme Privert réputé proche de Lavalas est contestée par tous ceux qui estiment que le Parlement veut accaparer tous les pouvoirs. Dix autres noms allongent la liste des candidats à la présidence provisoire : Cangé Mackenson, Duverra Jean Lutès, Félicien Jean Thomas, Charles Géraud, Louis-Charles Joseph Sergo, Jean-Pierre Jean Renold, Donatien Ecclésiaste, Amos Duboisrant, Gédéon Gédéus et Sanon Jeannot. Aucun d’entre eux n’a payé la caution de 500 000 gourdes réclamée par les règlements de cette élection particulière et calquée sur le décret électoral de 2014. On ignore pour le moment si l’Assemblée nationale va rejeter leur candidature pour vice de forme ou remboursera ceux qui ont payé pour intégrer tout le monde dans le scrutin. Aucune personnalité connue ne se détache dans la liste des dix. C’est de cette brochette de candidats que sortira le prochain président provisoire de la République. L’élu devra bénéficier du vote, en chambre séparée, de 47 députés et de 13 sénateurs pour
Frantz Duval
duval@lenouvelliste.com


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