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Pyromane : entre serial killer et pervers sexuel !

lundi 29 février 2016

Chaque été, ils sont la cause de milliers d’hectares qui partent en fumée. Qui ? Les pyromanes. Le Dr Pierre Lamothe, directeur du service médico-psychiatrique régional des prisons de Lyon, les compare à des pervers sexuels. Il répond aux questions de Doctissimo sur ces allumés du feu…

Doctissimo : Existe-t-il un profil type du pyromane ?

Pyromane feuDr Lamothe : On peut considérer trois types de pyromane. La premier est le pyromane occasionnel. Il va souvent s’agir d’une vengeance : par exemple, l’employé licencié qui va aller mettre le feu à l’usine... Au lieu d’aller crever les pneus du patron, il va avoir un comportement décalé, qui va mettre en jeu la symbolique du feu. Mais il existe une logique relative à cet acte : il s’agit d’un incendie agressif. Il existe un second profil qui est celui de la personne qui met le feu par simple plaisir de voir les flammes, sans aucune réflexion ou idée de manipulation. C’est le pyromane "débile" léger. Enfin, il y a le pyromane pervers, le plus dangereux et le plus difficile a coincer. C’est généralement celui dont on va entendre les "exploits" à la télévision ou dans les journaux. Or il est très sensible à la médiatisation, à la manière d’un serial killer.

Doctissimo : Quelle est l’origine de cette envie de mettre le feu ?

Dr Lamothe : Il s’agit d’un problème de gestion des émotions et de l’excitation. Chez les incendiaires, l’éducation reçue dans l’enfance n’a pas permis d’apprendre à gérer l’expression de ses émotions. Les parents par exemple n’acceptaient aucune manifestation de colère, ou même de joie "débordantes". D’ailleurs, la majorité des pyromanes ont souffert d’énurésie dans leur enfance : faire pipi au lit était le seul moyen de s’exprimer (en "débordant" !). Et plus les obstacles à l’expression des sentiments étaient importants ou sophistiqués, plus la perversité est grande chez l’adulte devenu incendiaire. Je connais ainsi plusieurs pyromanes dont les parents étaient des pédagogues, souvent professeurs tous les deux : impossible pour l’enfant de contredire quelqu’un qui a une réponse rationnelle à toutes les questions d’éducation, et qui est trop gentil ou trop neutre pour donner prise à une quelconque révolte. A ce problème de maîtrise de l’excitation s’ajoute un second paramètre : la fascination. Le pyromane est incapable de se détacher de sa source de plaisir.

Doctissimo : Mais peut-on facilement le repérer ?

Dr Lamothe : Non justement, le pyromane est extrêmement difficile à identifier. Car il aura une personnalité "lisse", sans caractéristique particulière. Il s’agit dans 99 % des cas d’un homme. Au pire, il sera pompier, dont le but sera d’éteindre les feux qu’il allume, afin d’essayer de maîtriser son excitation.

En fait, le pervers pyromane est proche du pervers sexuel. Il va vivre avec son problème sans en parler, il pourra très bien s’arrêter pendant quelques années, puis un évènement déclencheur (dispute, etc.) va le faire récidiver. Il y a également, comme en matière sexuelle, les pervers "à scénario" qui pratiquent régulièrement un rituel pour satisfaire leur besoin.

Doctissimo : Mais où se cachent ces pyromanes en hiver alors ?

Dr Lamothe : Ils agissent toujours ! On a l’impression qu’ils n’agissent qu’en été parce que les feux sont plus spectaculaires et médiatisés, mais toute l’année, les pompiers doivent intervenir sur des feux dans des cages d’escalier, des usines, etc. Tous les incendies ne sont pas signalés dans les journaux, et bien souvent, les "accidents" et concours de circonstances sont en réalité des actes de pyromanes.

Doctissimo : Est-il possible de traiter la pyromanie ?

Dr Lamothe : Cela va énormément dépendre des cas. Il y a 30 % des pyromanes qui sont conscients de leur problème et souhaitent réellement changer. Ceux-là vont pouvoir être guéris. Dans 50 % des cas, il est difficile de garantir l’efficacité du traitement. Enfin, 20 % ne pourront jamais être soignés car ils ne souffrent pas de leur comportement, ne le renient pas. Ceux-la récidiveront sans cesse car ils prennent peu de risque : il est très difficile de prendre un pyromane sur le fait ou de le retrouver. De plus, il n’éprouve pas de remords, car il n’a jamais l’impression de faire directement du mal à quelqu’un ou de mettre la vie des autres en danger. Je faisais le parallèle entre les pervers sexuels et les pyromanes, mais les incendiaires n’ont aucune difficulté à se regarder dans une glace…

Doctissimo : Et quel traitement permet alors d’aider ceux qui sont prêts à s’en sortir ?

Dr Lamothe : La clé, c’est de retrouver le droit à l’émotion, de renouer avec les sentiments cachés depuis l’enfance. Le but est de montrer que l’émotion n’est pas en elle-même un danger, qu’elle peut entraîner des comportements que l’on peut apprendre à maîtriser…
Alain Sousa


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