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TOUT CE QU’ON NE TE DIRA PAS, MONGO

Dany Laferrière livre des codes pour conquérir l’Amérique

samedi 12 mars 2016

Autour d’un café avec ses lecteurs, Dany Laferrière enseigne des codes à Mango pour conquérir le Québec. Immigrant depuis déjà 40 ans, le narrateur explique d’abord au néo-Montréalais comment l’amour est différent du Nord au Sud. Pourquoi aussi il y a tant de religieux québécois dans les rues haïtiennes alors qu’ici, à la source, il n’y en a pas.

« Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo », paru aux Éditions Mémoire d’encrier en novembre dernier, poursuit sa longue marche au Québec. Et même ailleurs. Lundi, dernier soir du mois de février, dernier aussi du Mois de l’histoire des Noirs, Dany Laferrière et des passionnés de la littérature ont échangé autour d’un café à la librairie Raffin de Montréal. Revenant du salon du livre de l’Outaouis, l’Académicien procède par la saynète pour plonger ceux qui ne lisent "Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo" dans l’ambiance de la chronique.

Un Sénégalais, fidèle lecteur de l’auteur, joue volontiers le rôle de Mongo dans la saynète. Le jeune Africain avoue son désarroi en relançant à chaque fois le narrateur qui n’est autre que l’immortel Dany Laferrière. Charismatique et plaisant, ce dernier désamorce élégamment les questions sur des sujets controversés comme celui des autochtones, les premières nations au Canada. Fort de ses 40 années d’expériences au Québec, le Port-au-Princien inculque les codes de la société d’accueil au jeune africain. Des codes sociaux, politiques... et intimes pour s’infiltrer dans une nouvelle culture. Celle du Québec. Dany a fait dans sa saynète comme il a procédé dans le livre.

Pour le poète-éditeur de Mémoire d’encrier, Rodney Saint-Éloi, ce livre est un manifeste pour l’immigrant, qui n’est plus un paria. Se dégage une nouvelle conscience entre lui-même et l’autre. Fini le temps où les malles étaient posées là en attente, fini le délire schizophrénique entre pays réel et pays rêvé, Mongo est une action concrète. C’est ce jeune homme ou cette jeune fille qui se pose tous les matins la question du vivre-ensemble. Ce livre dit comment conquérir l’Amérique sans se fatiguer. C’est tant mieux ! « Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo », en effet, est un mélange de genres littéraires. L’auteur alterne allègrement dialogue – entre un homme qui connaît bien le Québec de l’intérieur et un jeune immigrant –, observations et chronique à la radio. Un melting-pot pour aider tout Mongo à conquérir le Québec en une nuit. En une lecture. Une Haïtienne d’une voix voluptueuse jouant au jeu questions-réponses de Laferrière demanda à l’auteur si "Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo" n’est pas un tchala – petit guide connu des amateurs de la loterie en Haïti . Et comme un démineur, le conférencier amènera sa compatriote au pays natal pour une anecdote tirée de sa carrière journalistique à Port-au-Prince.

Sous la dictature féroce des Duvalier, il recevait l’historien Roger Gaillard au micro de Radio Haïti Inter de feu Jean Dominique quand lui et son auditoire ont entendu parler pour la première de Karl Marx. Gaillard, en effet, venait de publier un récit de voyage sur les mouvements de gauche au Mexique, au Guatemala et en Équateur. Alors que le directeur de la radio complimentait le journaliste et son invité pour le risque encouru, les tontons macoutes (sbires des Duvalier) n’étaient pas trop loin de la radio et le pays retenait son souffle. Une anecdote balancée sous les regards de J.J. Dominique, la fille du célèbre journaliste haïtien assassiné quinze ans après la chute de la dynastie des Duvalier à l’entrée même de la radio. Pas un tchala à proprement parler, mais,

« Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo » est un guide de survie pour les immigrants, conquérants de sous-sols. Une vraie description de la culture québécoise où la demande de pardon est l’une des plus grandes sentences qu’on exige à quiconque qui serait en contravention avec la société. « Ce n’est pas parce qu’on est né dans un pays qu’on le connaît. On le sent mieux que personne, mais on ne le connaît pas mieux que personne, parce qu’on n’a pas la distance. On ne l’a pas étudié », a indiqué l’auteur.

Après la saynète et les échanges, ceux qui se procurent d’un exemplaire de « Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo » faisaient la ligne pour obtenir une signature de l’Haïtien devenu célèbre dans les années quatre-vingt avec son roman « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer ». En attendant d’apprendre les codes pour conquérir l’Amérique…


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